Coris BioConcept, leader des tests de diagnostic rapide : “Les sociétés chinoises obtiennent leur certification plus vite que nous en Europe”
Coris BioConcept, entreprise wallonne leader dans le développement de tests de diagnostic rapide, inaugure ce vendredi son tout nouveau bâtiment à Gembloux. Cette nouvelle étape reflète aussi bien la croissance de l’entreprise que sa volonté de continuer dans l’innovation en biotechnologie médicale.
L’entreprise Coris BioConcept ne vous est pas familière ? Pourtant vous avez probablement été en contact avec l’un de ses produits. Rappelez-vous : ces petites tigettes que l’on insérait dans le nez – il n’y a pas si longtemps – afin de détecter une éventuelle contamination au Covid-19, c’était un développement de Coris BioConcept. “Nous étions les premiers à mettre sur le marché européen un tel dispositif”, sourit le CEO, Thierry Leclipteux. Un mois à peine après le début du confinement, l’entreprise avait déjà la capacité de produire près de 250.000 tests par semaine. Elle est même allée plus loin en développant un test sérologique capable de déceler la présence d’anticorps et ainsi distinguer s’ils provenaient d’une infection ou de la vaccination. “Mais ça s’est rapidement essoufflé, car le marché a disparu”, explique le biologiste.
L’entreprise, créée en 1996 par Thierry Leclipteux et Olivier Raimond – lui aussi biologiste –, a été rachetée il y a environ un an par le groupe britannique Avacta. Coris BioConcept développe, produit et commercialise des kits de diagnostic rapide (un dérivé des tests de grossesses). Ces derniers permettent de détecter les principaux virus et parasites responsables des troubles digestifs et respiratoires chez les humains. Les Rotavirus par exemple (virus qui causent les gastro-entérites humaines) sont mondialement répandus et sont responsables dans 50% des cas des diarrhées virales chez les enfants et dans 40% des cas de déshydratations infantiles sévères. Beaucoup d’enfants du tiers-monde, de moins de 2 ans, meurent de ces virus. Par ailleurs, le virus respiratoire syncytial est la cause principale des maladies respiratoires à tout âge.
Tests de diagnostics rapides
Le principal avantage de cette technologie est la rapidité et la simplicité avec laquelle les résultats peuvent être interprétés. “Cela ne nécessite pas de manipulation particulière ou de technologies spécifiques”, précise le CEO.
Les kits de Coris BioConcept sont basés sur la méthode de l’immunochromatographie et donnent un résultat non équivoque en 5 à 15 minutes maximum. La tigette est plongée dans l‘échantillon à traiter et, à la fin du processus chromatographique, une ou deux bandes rouges apparaissent indiquant soit un résultat négatif, soit positif. La majorité des tests de l’entreprise fonctionne par prélèvements nasopharyngés.
Toujours via des tests de diagnostics rapides, l’entreprise a élargi sa gamme avec des produits qui détectent des maladies tropicales comme la malaria (grâce à un test urinaire) ou la détection de la maladie du sommeil transmise par la mouche tsé-tsé. “Nous sommes les seuls sur le marché à proposer cette solution”, ajoute le CEO. Si le marché de la maladie du sommeil est extrêmement localisé (principalement dans une région de la République démocratique du Congo), il représente une très grande partie du business de l’entreprise. “Cela fait partie d’un programme d’éradication de la maladie, ce qui signifie des millions de tests et donc un volume très important”, poursuit le responsable.
“Nous étions les premiers à mettre sur le marché un produit qui détecte une résistance spécifique à une famille d’antibiotiques bien particulière.”
L’entreprise s’est également attaquée à l’un des défis sanitaires de notre époque : la résistance aux antibiotiques, qualifiée par l’OMS comme l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement. Le test développé par l’entreprise wallonne permet de détecter si les bactéries sont résistantes aux antibiotiques et par conséquent éviter de traiter un patient avec des antibiotiques qui ne serviraient à rien dans son cas précis. “Nous étions les premiers à mettre sur le marché un produit qui détecte une résistance spécifique par rapport à une famille d‘antibiotiques bien particulière”, poursuit le CEO qui a élargi la gamme à deux nouveaux produits. Selon une étude de la Banque mondiale, la résistance aux antibiotiques et autres antibactériens pourrait conduire à l’horizon 2050 à une chute de plus de 5% du PIB dans les pays à faibles revenus et précipiter dans la pauvreté jusqu’à 28 millions de personnes, principalement dans les pays en développement touchés par des maladies infectieuses. “C’est un enjeu majeur et un marché en croissance”, confirme Thierry Leclipteux.
Les certifications, un enjeu majeur
Jusqu’il y a un an et demi, la concurrence sur le marché de l’antibiorésistance était pratiquement inexistante – à l’exception d’une entreprise française – mais depuis, les entreprises chinoises ont investi le marché européen avec des prix écrasés. “L‘Europe a imaginé que la mise en place de certification de type EDF pouvait prémunir contre ce type de concurrence. Malheureusement, ça ne fonctionne pas”, observe le CEO qui regrette cette concurrence déloyale. “Ce que l’on constate, c‘est que les sociétés chinoises obtiennent leur certification plus rapidement que nous ici en Europe et sont donc plus rapidement sur le marché.” En réponse à cette concurrence, l’entreprise poursuit ses innovations et développe des méthodologies de production qui permettent de réduire le prix de revient. “Nous avons investi dans l’automatisation de nouvelles machines de production de masse”, détaille Thierry Leclipteux.
Coris compte sur son équipe de 35 employés et consacre environ 30% de son chiffre d’affaires à la recherche et au développement.
Pour le secteur industriel, les certifications sont un des défis majeurs. Auparavant, la mise sur le marché était très rapide. “A peine quelques jours”, précise le CEO. Aujourd’hui, l’entreprise est confrontée à des règlements qui allongent le délai à un an et demi. Par conséquent, elle se doit d’aller très vite pour développer ses produits afin de pallier le temps d’attente de la certification. “On doit toujours avoir une guerre d’avance par rapport à nos concurrents. Cela signifie de nouveaux développements afin de trouver de nouvelles applications”, poursuit-il.
Coris compte sur son équipe de 35 employés et consacre environ 30% de son chiffre d’affaires à la recherche et au développement. L’entreprise procède de deux manières : soit elle innove en interne grâce aux technologies (biologie moléculaire ou électrochimie par exemple) qu’elle a développées, soit elle s’appuie sur les universités qui ont développé des applications dans des domaines particuliers. Les principaux clients de l’entreprise sont essentiellement des professionnels de la santé (laboratoire privé et public) à qui Coris distribue ses produits dans une soixantaine de pays (en Europe, mais également en Amérique du Sud, en Afrique du Sud et en Australie notamment). Au total, la société réalise 80% de son chiffre d’affaires à l’étranger. “Le marché belge fonctionne très bien, mais ce n’est pas notre marché principal”, assure le responsable. Alors absente des Etats-Unis, Coris va s’attaquer prochainement à la certification FDA, plus rapide à obtenir et finalement moins coûteuse que la certification européenne. Un enjeu stratégique pour l’entreprise au vu de l’importance du marché à l’étranger. “Aujourd’hui, tous les brevets principaux sont tombés dans le domaine public, il y a donc moins de risques d’être attaqués par d’autres sociétés”, reconnaît-il.
Afin de poursuivre sa croissance, Coris va emménager dans un tout nouveau bâtiment à Gembloux et ainsi rassembler ses trois bâtiments (administration, bureau et laboratoire) sur un seul site. L’entreprise va passer d’une surface de 900 à 2.000 m2 et aménager des laboratoires adaptés au domaine médical. “Ils seront notamment équipés de sas de confinement et de déconfinement et d’un environnement de température contrôlée.” Le montant total de l’investissement s’élève à 3,8 millions d’euros. “Et nous avons déjà prévu la place pour agrandir le bâtiment s’il était trop petit.”
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