Comarché, l’enseigne “temporaire” de Colruyt qui existe depuis plus de 20 ans

L’utilisation d’une ­bannière temporaire est propre au groupe Colruyt; aucune autre 
enseigne belge n’agit de la sorte.

Une nouvelle enseigne a fleuri dans le paysage belge des supermarchés : ­Comarché. Récemment, celle-ci est apparue sur les anciennes appellations des magasins Match et Smatch, repris par le groupe Colruyt. Une enseigne temporaire utilisée par le distributeur de Hal, le temps de transformer les magasins.

“Où se trouvent les filtres à café ? ”, s’interroge une employée dans les rayons du nouveau ­Comarché situé à Braine-le-Comte. A l’origine, celle-ci travaillait au sein du groupe Louis Delhaize. Elle n’a pourtant pas changé de lieu de travail, c’est l’enseigne qui a été modifiée. De Match, elle est passée à Comarché, avec tous les changements que cela implique.

Rappelez-vous: en septembre dernier, Colruyt annonçait la reprise de 57 des 80 magasins Match et Smatch du groupe Louis Delhaize, alors en grandes difficultés financières. Aujourd’hui, le groupe Colruyt a franchi une étape supplémentaire en intégrant 49 d’entre eux, après avoir reçu l’autorisation de l’Autorité belge de la concurrence (ABC). Seulement voilà, transformer un si grand nombre de magasins n’est pas forcément évident.

Sept d’entre eux ont d’ailleurs fermé leurs portes pour une plus longue durée afin d’ouvrir directement sous leur enseigne finale de Colruyt Group. C’est le cas de trois magasins à Saint-Gilles, ­Gembloux et Zottegem transformés en Bio-Planet, celui de Chimay deviendra quant à lui un Colruyt, celui de Wachtebeke un Okay et le magasin de ­Louvain sera un Cru. “Certains de ces magasins devaient de toute façon fermer, car ils étaient dans un trop mauvais état pour poursuivre l’activité”, détaille Christophe Dehandschutter, responsable de l’intégration des magasins. Les marges dans la grande distribution sont très faibles; le peu de bénéfices dégagés par Louis Delhaize ne lui permettait pas de réinvestir dans ces magasins, d’où le fait que certains doivent être rénovés en profondeur.

Concernant les magasins indépendants qui ont été repris, il existe un accord avec Retail Partners Colruyt Group pour quatre d’entre eux. “Et pour trois magasins, des pourparlers sont en cours en vue de les intégrer dans le réseau de Spar Colruyt Group, ou comme commerces de gros”, précise Hanne Poppe, porte-parole du groupe Colruyt. Reste encore l’avis de l’ABC pour la reprise de cinq magasins restants. Il s’agit uniquement de Smatch situés en Flandre. Pour les autres, c’est une nouvelle aventure qui commence sous la marque provisoire Comarché (et Comarkt en Flandre). “Ce n’est pas la première fois que l’on utilise cette enseigne provisoire, ça a déjà été le cas il y a une vingtaine d’années lorsque l’on a repris les Battard”, précise Pascal Waroquier, manager régional de Colruyt. Aujourd’hui encore, l’enseigne est utilisée lorsqu’un point de vente ne peut répondre entièrement à son concept. A Humbeek, par exemple, Colruyt a converti en 2020 un AD Delhaize en Comarkt, de même que le supermarché Alvo Driesen de Bouwel repris en 2019.

Le choix de la bannière

Objectif ? Offrir une période transitoire aux magasins repris avant de les transformer en une enseigne du groupe à savoir Colruyt, OKay, Bio-Planet, Cru ou Spar. En attendant donc, Comarché sera le nom utilisé pour les prochaines années, le but étant d’attribuer à ces magasins le nom (et le concept) d’une marque du groupe “dans les trois ans”. Colruyt se laisse donc le temps de la réflexion afin d’opérer le meilleur choix de bannière. Pendant ce temps, il souhaite perturber les clients le moins possible en maintenant notamment les heures et jours d’ouverture, dimanche compris.

Plusieurs éléments influ­encent le choix du concept commercial définitif : à commencer par la localisation du magasin (en milieu urbain ou rural), sa superficie (les Smatch sont trop petits pour être transformés en Colruyt), mais également les enseignes qui l’entourent. “Peu de chance d’ouvrir deux Colruyt côte à côte”, ajoute Christophe Dehandschutter. D’autant que les concepts proposés par le groupe sont assez différents. Entre Spar et Okay, par exemple, la différence est bien marquée: les premiers sont des magasins “de service”, gérés par des indépendants et ouverts les dimanches; les seconds sont des magasins “de quartier”, axés sur le discount. “Cette période transitoire nous laisse l’opportunité d’analyser comment se comporte la clientèle de ces magasins”, poursuit le responsable de l’intégration.

L’utilisation de cette bannière temporaire est propre au groupe Colruyt dans la mesure où aucune autre enseigne belge n’agit de la sorte. De cette manière, Colruyt assure une certaine continuité au niveau des clients et facilite potentiellement la reprise par un franchisé qui ne devra pas repartir de zéro. Le choix d’apposer une marque temporaire peut étonner, mais il s’explique assez simplement dans le chef de Colruyt. “En nommant les magasins Colruyt, le consommateur s’attendrait d’emblée à la structure du groupe, son assortiment et surtout les prix Colruyt… Ce qui n’est pas le cas, précise Christophe Dehandschutter. C’est pour cela qu’on ne peut pas apposer la bannière Colruyt à ces enseignes.”

© Pascal Waroquier
Ce n’est pas la première fois que l’on utilise cette enseigne provisoire, cela a déjà été le cas il y a une vingtaine d’années lorsque l’on a repris les Battard.” – Pascal Waroquier, manager régional de Colruyt

Des prix compétitifs

Si Comarché ne propose pas les “meilleurs prix”, il promet un assortiment 10% moins cher que celui qui était offert par Match et Smatch. Une opportunité pour les clients puisque les prix de Match étaient estimés supérieurs à 20% à ceux de Colruyt. “En termes de stratégie, Comarché se rapproche davantage d’un Okay”, analyse Pascal Waroquier. Ce qui signifie que les prix sont comparés de manière régionale et pas nationale. En attestent les étiquettes papiers et non numériques au sein des magasins “car on n’a pas besoin de réagir aussi souvent et rapidement que dans un Colruyt qui propose les meilleurs prix”, ajoute-t-il. Comarché propose donc des prix attractifs grâce notamment à des promotions du style 1 + 1 gratuit. “On s’appuie sur celles proposées par Okay”, confirme le responsable régional. Objectif ? Séduire et attirer les clients grâce à une approche de prix compétitifs, propre au groupe Colruyt.

Si Comarché ne garantit pas les “meilleurs prix”, il promet un assortiment 10% moins cher que celui qui était ­proposé par Match et Smatch.

En reprenant les magasins Match et Smatch à Louis ­Delhaize, Colruyt a réalisé ce qu’on appelle dans le jargon un “asset deal“, ce qui signifie que le distributeur a acheté uniquement les magasins et non l’entreprise entière. Cet accord implique que la logistique et les services de soutien tels que l’informatique ou le marketing ne sont pas compris dans le rachat. L’accord entre les deux entreprises a été formalisé sous forme de “temporary services agreement” : Colruyt paie Louis Delhaize pour maintenir certains services dans les magasins, ce qui lui permet de travailler en “vague d’ouverture” et ainsi éviter de devoir transformer les 57 points de vente en une fois.

Selon un agenda défini par le groupe, les magasins sont alors fermés une semaine avant d’être transformés en “Comarché”. Le groupe récupère alors des espaces complètement vides. Concrètement que se passe-t-il lors de cette transformation ? La première étape, et non des moindres, concerne le volet technique et informatique : connexion internet, téléphone, systèmes de caisse intégrés… “Ce sont les premiers sur place”, assure Christophe Dehandschutter.

Le mobilier des caisses est conservé, pourtant très différent de la configuration classique des Colruyt.

Ensuite, la transformation visuelle. Les sols et la structure des magasins ne changent pas, ni le mobilier des caisses – une grande différence par rapport à la configuration du système Colruyt où les tapis roulants sont inexistants. Idem avec les frigos – “Ils sont en bon état, il n’y a donc pas de raison de tout ­modifier” – qui ne seront pas remplacés par les traditiionnelles chambres froides. En revanche, tous les signes d’appartenance au groupe Louis Delhaize sont supprimés. Les caddies, paniers ainsi que les uniformes de travail du personnel sont donc modifiés. “Cela semble anodin, mais si l’on avait dû transformer l’ensemble du parc en une fois, cela supposait également de former autant de personnes aux systèmes du groupe”, rappelle Pascal Waroquier qui précise que des formations sont prévues à cet effet lors de la semaine de fermeture des magasins. “Cela implique aussi pour les employés de se familiariser avec un nouvel assortiment et sa disposition”, poursuit-il. Ce sont ces mêmes employés qui vont remplir les rayons du nouvel assortiment selon les plans dessinés par le service d’aménagement Colruyt. “Le travail commence le mercredi principalement pour ce qui est non alimentaire”, détaille ­Pascal Waroquier. “Pour ­l’ultra-frais, cela se fait en dernière minute juste avant la réouverture du magasin.”

Christophe Dehandschutter: “Cette période ­transitoire nous laisse l’opportunité d’analyser comment se comporte la clientèle de ces magasins.”

Différence de linéaires

En rayons, les marques de distributeurs liées à Louis Delhaize disparaissent complètement au profit des marques Boni ou Everyday. “La principale difficulté réside dans la différence de linéaires entre les deux groupes”, explique Pascal Waroquier. Match dispose par exemple d’un rayon frais beaucoup plus important que les Colruyt. D’un côté, cela permet alors à l’entreprise d’élargir la gamme de frais proposée au client. De l’autre, cela contraint l’enseigne à remplir le rayon avec un assortiment dont il ne dispose peut-être pas de manière assez variée. Afin de pallier un éventuel rayon vide, Colruyt propose son assortiment et le complète avec la gamme de produits Retail Partner Group (comme les produits Spar). Au rayon des plats préparés, coexistent alors des plats Boni et Spar comme les spaghettis bolognaise. “Ce qui peut également créer quelques doublons”, concède le responsable régional qui y voit une bonne opportunité d’évaluer quels sont les produits qui rencontreront davantage de succès. Au niveau des marques A, pas de grand changement à l’horizon si ce n’est le grammage des produits et donc le packaging qui diffèrent, principalement parce qu’ils sont issus de deux centrales d’achats différentes.

Colruyt s’attend à une augmentation de 50% du chiffre d’affaires dans les magasins repris.


Grâce à cette reprise, le groupe Colruyt assoit davantage son assise en Wallonie et à Bruxelles. Les magasins acquis sont en effet géographiquement complémentaires au réseau de magasins déjà existants. “Ce sont de bons points de vente qui bénéficient d’une localisation idéale”, souligne Christophe Dehandschutter. Le groupe cherchait par exemple à s’implanter à Braine-le-Comte depuis des années. Il vient d’ailleurs d’obtenir son permis pour le construction d’un Colruyt… pas très loin de sa nouvelle acquisition. Cet investissement va permettre au groupe d’accélérer encore plus rapidement sa croissance. “Aujourd’hui, il est de plus en plus difficile d’étendre son parc immobilier et d’ouvrir de nouveaux magasins, confirme-t-il. Une telle reprise nous économise cinq ans en termes d’expansion.” Colruyt s’attend à une augmentation de 50% du chiffre d’affaires dans les magasins repris. A noter que ces derniers avaient ­réalisé 300 millions d’euros lors de l’exercice 2022. Concernant le coût que cette transformation représente, aucun chiffre n’est communiqué par le groupe, mais Colruyt insiste sur le “sérieux” de ­l’investissement.

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