Cocktails létaux et instruments de torture: un commerce en accusation

Torture made in USA © DR

Matraques à pointes, bracelets à électrochocs, cocktails létaux: l’Union européenne veut bannir le commerce de tout ce qui sert à torturer ou mettre à mort, et a rallié lundi une soixantaine de pays autour de mesures visant à le tarir.

Argentine et Mongolie se sont déjà associées aux Européens sur ce dossier. Et une soixantaine de pays – dont le Canada, le Mexique et le Brésil – devaient signer formellement lundi, en marge de l’Assemblée générale annuelle de l’ONU, une déclaration politique les engageant à lutter eux aussi contre ce commerce, a indiqué la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström, en charge de ce dossier.

Mais beaucoup d’autres pays en sont encore loin. Parmi eux, la Chine, l’Iran ou l’Arabie saoudite, où les exécutions sont courantes, mais aussi les Etats-Unis, où les injections létales administrées aux condamnés à mort font partie des produits visés par l’initiative européenne.

Selon l’ONG Omega Research Foundation, les Etats-Unis sont aussi, des 57 pays de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, celui dont les forces de l’ordre utilisent le plus largement des bracelets ou ceintures à électrochocs, notamment pour contrôler les détenus.

Or même lorsqu’ils ne sont pas activés, ces équipements “constituent un mauvais traitement, en maintenant le porteur dans une crainte permanente de douleur”, souligne l’ONG basée à Londres, dans un récent rapport.

La commissaire Malmström a cependant souligné que ni les Etats-Unis ni “aucun pays n’était visé” en particulier.

Et reconnu qu’une des difficultés était de faire la distinction entre des instruments de torture pure et “ceux qui peuvent avoir une utilisation légitime”.

Cecilia Malmström a par ailleurs reconnu que la torture se pratiquait parfois “au nom de la lutte contre le terrorisme”, aujourd’hui priorité de nombreux pays.

Interrogée sur l’ampleur de ce commerce, la commissaire a souligné qu’il n’y avait aucun chiffre disponible.

Le but de l’initiative européenne est donc aussi de “récolter plus de statistiques” pour mieux évaluer ce marché, a-t-elle indiqué.

‘Tuer les gens’

L’Union européenne, qui exige de ses pays membres l’abolition de la peine de mort et a fait de la lutte contre la peine capitale et la torture une priorité de sa politique étrangère, s’est dotée depuis 2005 de mesures visant à bannir le commerce de ces produits.

Des mesures renforcées l’an dernier avec l’interdiction de la promotion et du transit de ces produits via le sol et les ports européens.

Décidée à utiliser son portefeuille pour défendre les droits de l’homme, Cecilia Malmström a souligné lundi que ces mesures européennes avaient déjà “eu des résultats” mais qu’il fallait “maintenant passer au niveau mondial”.

La production européenne, privée d’exportations, a baissé et les prix des produits utilisés pour les injections létales ont augmenté, selon des données fournies par Bruxelles.

Mais les fabricants “essaient de contourner la législation”, selon la commissaire. Et les douanes peinent à détecter une gamme de produits régulièrement renouvelée par “des fabricants qui ne manquent pas d’imagination dans ce domaine”.

Les Européens espèrent que l’adoption solennelle de la déclaration politique non contraignante lundi, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, marquera le début d’une collaboration internationale plus large.

L’UE espère que le nombre de pays signataires augmentera progressivement, pour arriver un jour à une convention internationale légalement contraignante.

En signant la déclaration politique, les pays s’engagent à “contrôler et restreindre” les exportations de ces produits, à l’aide d’une plateforme commune qui surveillera les flux commerciaux et alertera sur les nouveaux produits qui pourraient arriver sur le marché.

Les signataires prévoient également de coopérer pour adopter les mesures de contrôle les plus efficaces.

Les fabricants multiplient en effet les ruses pour éviter les contrôles, faisant passer ces produits dans des livraisons aux intitulés “complètement innocents” pour éviter leur détection, a expliqué un porte-parole européen.

“Ces produits ont pour seul but d’infliger des douleurs terribles et de tuer les gens. Nous ne devrions jamais permettre qu’ils puissent être vendus comme n’importe quel bien, il est temps d’agir concrètement pour stopper ce commerce méprisable”, a affirmé Mme Malmström.

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