Cinq réalités à intégrer avant de quitter votre job

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Vous voyez votre avenir d’entrepreneur comme un moyen de rendre votre vie plus facile? Attention, c’est souvent le contraire qui se passe.

1. Vous serez incompris

“Il m’a fallu trois ans pour avouer à mon entourage que j’avais envie de lancer ma boîte. J’éprouvais par moment un sentiment de remord ou de gâchis par rapport à des études qui n’allaient plus servir à rien. Avouer à mes parents que j’avais poursuivi des études pour me retrouver dans un travail manuel…” Si les parents d’Alessandra Teston étaient étonnés du changement de voie de leur fille qui quittait une agence de communication pour se lancer dans la commercialisation de vins, la transition s’est plutôt bien déroulée.

Quitter une situation stable dans une entreprise plus ou moins grande, avec un salaire qui tombe tous les mois, cela peut effrayer votre entourage.

Mais il est très courant que le changement de vie surprenne, voire inquiète. Quitter une situation stable dans une entreprise plus ou moins grande avec un salaire qui tombe tous les mois, cela peut effrayer votre entourage qui s’inquiétera pour vous et pourrait essayer de vous en dissuader. Gaëlle Helsmoortel a elle aussi constaté de la surprise autour d’elle quand elle a annoncé qu’elle quittait, après 12 années, un job bien placé chez L’Oréal pour devenir indépendante. “Mes proches m’ont demandé pourquoi, alors que j’avais une place de cadre supérieure, de gros avantages, une voiture, etc.”. Dans un post assez populaire sur la plateforme Medium, intitulé Comment j’ai bousillé ma vie en quittant mon emploi en entreprise pour créer ma start-up rêvée, un entrepreneur pointe du doigt les réactions de l’entourage: “Ma mère frôla la crise cardiaque. Ce n’était pas quelque chose qu’une mère perfectionniste souhaitait entendre, surtout après m’avoir tant encouragé à obtenir mes diplômes et à être major de promotion dans les meilleures écoles de commerce du monde”. L’homme évoque en outre l’isolement progressif qui l’a saisi alors que tout le monde lui demandait comment allait sa start-up: “Jour après jour, je devenais plus solitaire, j’évitais toute occasion de voir du monde. La croissance de ma start-up n’était pas aussi rapide que ce que j’avais imaginé et j’en avais assez de répéter aux gens qu’il avait fallu des années à des sociétés telles que Facebook… Le seul endroit où je me sentais bien, c’était aux côtés de mes quelques amis entrepreneurs…”

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2. Vous aurez toujours un patron

Marre de rendre des comptes à un patron, à une entreprise qui ne tient pas compte de votre opinion, de votre expertise ou qui ne met pas à profit vos multiples talents? Les cas sont nombreux d’employés qui espèrent trouver une liberté totale dans leur propre projet. “Le patron, c’est moi”, se réjouissent certains. Néanmoins, même si vous pourrez imprimer votre marque et prendre les décisions, bref diriger votre boîte comme vous l’entendez, vous pourriez déchanter en constatant qu’un certain nombre de contraintes continueront de s’imposer à vous. Vous serez toujours amené à accomplir des tâches qui vous déplaisent (par exemple l’administratif ou la comptabilité) et vous n’aurez pas toujours les mains libres à 100%: vous serez inévitablement amenés à rendre des comptes à vos clients, à vos partenaires ou à vos investisseurs.

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3. Vous mettrez votre couple à l’épreuve

“Je n’ai jamais pensé que je serais aussi seul et que je mettrais à ce point mon couple à l’épreuve! A ce niveau, j’ai vécu des années très pénibles et j’ai bien failli perdre ma femme.” La confession de ce patron d’une start-up du numérique dénote par rapport au discours positif souvent entendu, celui de l’entrepreneur ou entrepreneuse qui remercie son ou sa partenaire pour le soutien apporté. La réalité, c’est souvent un quotidien monopolisant une partie importante de votre temps et de votre attention, vous obligeant à grignoter des moments sur votre vie de couple ou de famille: un barbecue chez amis que vous manquerez pour finaliser un dossier, l’anniversaire d’un proche dont vous devrez vous éclipser… Ce ne sera pas toujours bien perçu et cela pourrait bien se révéler à un moment trop pesant pour votre partenaire…

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4. Vous réduirez votre train de vie

“Voilà deux ans que je ne me paye pas pour permettre à la boîte de décoller.” Cette phrase, on l’entend dans la bouche de la plupart des porteurs de projets qui démarrent. En effet, rares sont les jeunes entreprises qui pourront rapidement assurer de généreuses rémunérations à leurs responsables. Et généralement, ces derniers acceptent de reporter leur rémunération parce qu’ils croient dans le potentiel de leur nouvelle entreprise. “En tant qu’employé, j’avais un salaire. A présent, je n’en ai plus, avoue Gauthier Henroz, le fondateur de l’entreprise de solutions digitales Chift. Depuis octobre de l’année dernière, je brûle mon épargne. Mais c’est un pari et je devrai récupérer l’épargne investie plus tard.” Malheureusement, tel pari n’est pas toujours possible. Et dans un premier temps, il faut souvent accepter de réduire son train de vie. Dans le même post Medium cité ci-avant, l’auteur n’y va pas non plus avec le dos de la cuillère: “Préparez- vous à un appartement plus petit et à compter votre argent, parce qu’il y a aussi tellement de frais annexes au cours de processus, des frais comptables, d’avocat, d’iPhone à remplacer ou de PC, etc.”.

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5. Vous dormirez peu

L’auteur du post sur Medium pointe aussi tout particulièrement le manque de sommeil. Et encore une fois, il n’emploie pas la langue de bois: “En m’échappant du monde de l’entreprise de conseil, j’avais pensé que j’allais parvenir à réaliser le rêve de faire mes propres horaires et de travailler en fonction de mes envies. Ceci jusqu’à ce que je lise la citation suivante, que l’on doit à Lori Greiner (une entrepreneuse américaine très médiatisée au travers de reality shows, Ndlr): ‘Les entrepreneurs sont d’accord pour travailler 80 heures par semaine afin d’échapper aux 40 heures.Tout a commencé par de petits réveils durant la nuit. Au début, c’était parce que j’étais trop excitée par mes idées et qu’elles se bousculaient dans ma tête. J’avais tout simplement du mal à attendre que se pointe l’aube afin que je puisse recommencer à travailler. Ensuite vint la phase d’exagération. Je travaillais trop car je n’avais pas eu suffisamment le temps de me pencher sur mes idées et que je voulais toujours en faire plus. Mais plus je travaillais, plus je me couchais tard et plus j’avais du mal à m’endormir. La qualité de mon sommeil se dégrada elle aussi. Au final, je passais deux à trois jours par semaine à être presque improductive. Les coulisses d’une réussite recèlent de nombreux jours difficiles, de nuits sans sommeil, de rejets et d’échecs. La route menant au succès est longue”.

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Gaëlle Helsmoortel, de la multinationale à la start-up tech

“Quand je suis entrée chez L’Oréal, je pensais n’y passer que cinq ans, raconte Gaëlle Helsmoortel. Mais j’y suis restée 12 parce que tous les deux ans, je grimpais et découvrais de nouvelles choses.” Peu avant la quarantaine, pourtant, sa conviction se forge: même si elle a deux enfants en bas âge et est divorcée depuis peu, c’est le moment ou jamais de se lancer et de réaliser son rêve: avoir sa propre boîte. Une décision qui surprend son entourage: “Tu vas droit dans le mur”, lui garantit-on.

Indépendante, elle devient d’abord associée chez Minds&More pour développer des projets de social selling. Mais après sept ans, l’appel de l’entrepreneuriat lui fait quitter son job une nouvelle fois. Un ami a développé une technologie d’analyse des données pour le monde du retail. Gaëlle Helsmoortel décide de l’accompagner pour se charger du développement et de faire de cette technologie un business. Originairement basée en Suisse, la société Dgenious lève dès lors des fonds, s’installe en Belgique et l’entrepreneuse prend le poste de CEO d’une équipe qui aujourd’hui compte 10 personnes. Dgenious propose aux distributeurs une plateforme Software as a Service qui leur permet de centraliser et d’analyser simplement l’ensemble de leurs données.

Cinq réalités à intégrer avant de quitter votre job
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Si elle est passionnée par son projet, Gaëlle Helsmoortel admet qu’elle travaille “beaucoup, plus encore que chez L’Oréal où on me disait que je bossais tout le temps. Mais j’ai l’énorme satisfaction de savoir que j’ai monté quelque chose avec mes associés, que la société fait vivre des gens et peut encore se développer.” Bien sûr, ce n’est pas simple tous les jours: “Je gagnerais mieux ma vie si j’étais restée chez L’Oréal, mais j’ai toujours considéré que l’aventure valait bien plus que la sécurité financière. Dans une petite structure, on a la main sur les changements de cap et cela nous pousse à rester très agiles intellectuellement”. Sa grosse surprise en tant que dirigeante de start-up? “J’ai découvert la mécanique des investisseurs extérieurs, avec un conseil d’administration. En tant que start-up, nous brûlons du cash et avons besoin de lever des fonds. C’est une dynamique que je ne connaissais pas de l’intérieur, dont il faut connaître les règles.”

Gauthier Henroz: “On pense toujours que les choses vont plus vite”

S’il a plaqué son boulot chez Easi, société informatique où il était chargé de vente de CRM (logiciels de gestion de la relation client) avec licences, ce n’était pas pour changer radicalement d’univers. Gauthier Henroz est resté dans le créneau du digital lorsqu’il a quitté son emploi pour monter sa boîte. Un de ses amis travaillait sur le développement d’une plateforme permettant d’intégrer des logiciels entre eux. Ensemble, ils avaient constaté qu’un marché existait pour une plateforme simple et intuitive qui puisse intégrer, par exemple, le logiciel d’ERP (logiciel de planification des ressources) d’une entreprise à une caisse enregistreuse.

Gauthier Henroz (au centre) avec Matthieu et Henry Hertoghe.
Gauthier Henroz (au centre) avec Matthieu et Henry Hertoghe.© PG

En mars 2021, Gauthier Henroz décide donc de former équipe avec Henry et Matthieu Hertoghe et de travailler sur le projet. Chift est fondé. L’idée est simple: aider les éditeurs à s’intégrer à d’autres outils grâce à une plateforme unique, un genre d’API unifiée (interface de programmation d’application). Dans un premier temps, Gauthier Henroz conserve son boulot chez Easi et sonde le marché, recueille les premiers retours. En août, il quitte son job. “Il fallait se mouiller, explique Gauthier Henroz. J’avais 30 ans. Avec ma fiancée, nous avons reporté notre projet de maison. Bien sûr, cela met une certaine pression car je sais ce qu’il reste sur le compte…” Si ses réserves lui ont suffi jusqu’ici, une levée de fonds est sur la table, qui devrait permettre à Chift de disposer des moyens de se développer et de rémunérer ses fondateurs. Ceux-ci se disent convaincus d’avoir trouvé le bon business model alors qu’au moment de se lancer, c’était encore un peu flou: “Nous avions surtout un ressenti que quelque chose était à faire mais sans beaucoup de précisions”, se souvient Gauthier Henroz qui avait toutefois pensé que les choses iraient plus vite. L’homme admet avoir parfois douté. “Le doute arrive souvent mais si l’on y succombe trop, il ne permet pas d’avancer. Voilà pourquoi je pense qu’il ne faut parfois pas hésiter à avancer au culot.”

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