Chez soi ou en entreprise, ventiler pour contrer le Covid
La ventilation est primordiale pour empêcher le coronavirus de se répandre. Une bonne aération permet de diviser par 10 le risque de contamination. Une nécessité que l’apparition sur le sol belge du variant encore plus contagieux ne fait que renforcer.
Une bonne ventilation vient s’ajouter aux six règles d’or pour lutter contre la dissémination du coronavirus. Le virus se répand notamment par l’entremise d’aérosols, de minuscules gouttelettes en suspension dans l’air, capables de se projeter sur plus d’un mètre et demi et de rester en suspension jusqu’à trois heures. L’école maternelle et primaire Saint-Bernard d’Arlon, par exemple, devait rester fermée jusqu’au 9 févier, à la suite de la détection de plusieurs cas de Covid-19, dont un de variant sud-africain dans une classe de primaire. Pareil pour l’école Saint-Lambert 2, à Herstal, fermée jusqu’au 8 février. Dans ces cas, tous les élèves, leurs familles et le personnel enseignant doivent être mis en quarantaine. Le virologue Marc Van Ranst ne cesse de le répéter: ouvrez portes et fenêtres! La détection de CO2 dans les bâtiments est nettement insuffisante, s’insurge-t-il.
A partir d’un certain niveau de CO2, on observe des pertes de réflexes et de concentration chez l’être humain. Chez les enfants et les étudiants, cela se traduit par de moins bonnes performances d’apprentissage.
“Une personne contaminée est surtout contagieuse au début de l’infection, quand elle ne manifeste encore aucun symptôme. Elle peut émettre jusqu’à un million de particules virales par minute, précise Marianne Stranger, experte en qualité de l’air intérieur à l’institut flamand pour la recherche technologique Vito. Une bonne ventilation permet de réduire la concentration des particules virales dans l’air.”
Le risque de contamination dépend de la ventilation, du nombre de personnes présentes et de la durée d’exposition. “Après le passage d’une personne contaminée dans un petit magasin naturellement ventilé, le risque est encore de 3,8% après 20 minutes, assure Marianne Stranger. La ventilation mécanique permet de réduire ce risque à 1%.”
Malgré les consignes de ventilation et la bonne volonté, la qualité de l’air dans les immeubles laisse encore trop souvent à désirer, déplore Danny Van Assche, administrateur délégué d’Unizo, qui représente les classes moyennes en Flandre. “La qualité de l’air est parfois cinq fois plus mauvaise à l’intérieur qu’à l’extérieur. Dans les immeubles correctement ventilés, le risque de contamination est 10 fois moindre.”
Qu’est-ce qu’une bonne ventilation?
Le règlement de protection des travailleurs (RGPT) et le Code sur le bien-être au travail imposent, depuis mars 2016, pour tous les travailleurs, le respect de certains critères. Les professeurs en faisant partie, ces réglementations s’appliquent au cadre scolaire.
En Flandre, les normes sont claires: le débit de ventilation doit être d’au moins 40 m3 d’air frais par personne et par heure. Dans un espace densément peuplé, la valeur limite de CO2 ne peut pas dépasser 900 ppm (parties par million).
En Fédération Wallonie-Bruxelles, en revanche, on ne croit pas à des normes strictes “car il serait quasiment impossible de les faire respecter”, dit-on au ministère de l’Education. Mais des recommandations sont émises dans les circulaires 7867 et 7868: “Aérer les locaux très régulièrement, et obligatoirement pendant les pauses et entre les heures de cours (ouverture des fenêtres de la classe, ouverture de la porte de la classe et du bâtiment s’il donne sur l’extérieur, etc.)”. Dans un guide des bonnes pratiques édité par la Région wallonne, on trouve aussi des critères de qualité (pour éviter, ou au moins réduire les effets nocifs sur la santé) qui requièrent un niveau de CO2 de maximum 500 ppm, et des critères de vigilance (au-delà duquel des investigations sont nécessaires) fixés à 1.000 ppm.
Le taux d’alerte défini par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est en effet de 1.000 ppm. A partir de ce niveau, on observe des pertes de réflexes et de concentration chez l’être humain. Chez les enfants et les étudiants, cela se traduit par de moins bonnes performances d’apprentissage.
Des détecteurs de CO2 existent avec des diodes de couleur et des signaux sonores pour les bureaux et classes: vert, c’est bon ; rouge, il faut aérer. “La quantité de CO2 dans l’air est une façon de mesurer le risque de contamination dans les espaces où se côtoient de nombreuses personnes, explique Marianne Stranger. Quand les personnes présentes sont moins nombreuses, ce type de mesure ne permet pas toujours de surveiller la ventilation. Nous considérons qu’il faut 1.000 m3 d’air frais par heure dans chaque espace. Dans un petit espace de 65 m3, cela équivaut à 15 airchanges ( cycles de renouvellement de l’air, Ndlr) par heure pour renouveler entièrement le volume d’air de la pièce. Dans un espace de 150 m3, il faut 6 airchanges par heure.” De nombreux installateurs respectent des normes plus strictes. “54 m3 par heure par personne et 800 ppm sont chez nous la norme, avance Hedwig Goedgezelschap, CEO de Gezel II, filiale du fournisseur d’énergie Luminus. Cette norme est relativement récente. Elle variait de 25 à 30 m3 avant 2000.”
Maisons passives
Dans les vieilles maisons, l’air s’infiltre naturellement par les failles du bâti. Ce n’est plus le cas dans les habitations passives où tout est mis en oeuvre pour limiter les déperditions de chaleur. “Malheureusement, c’est précisément dans ces habitations que le système de ventilation est parfois désactivé parce que jugé trop bruyant ou générateur de courants d’air, déplore Marianne Stranger. La nuisance sonore est généralement due à une installation suboptimale ou au manque d’entretien. Quant au courant d’air, c’est exactement l’effet recherché.”
Combien de bâtiments doivent revoir leur ventilation?
Impossible à dire. En Flandre, la dernière étude quinquennale sur l’état des bâtiments scolaires publiée dans le Moniteur des bâtiments scolaires (Schoolgebouwenmonitor) fin novembre montre que seule une école sur sept dispose d’un système d’extraction d’air vicié et d’apport d’air frais par un réseau de conduites. “Avant 2000, la ventilation était rarement prise en compte dans les travaux de rénovation”, constate Hedwig Goedgezelschap.
Dans les entreprises et les immeubles de bureaux également, le défi est de taille. A en croire Dieter Dhaeze, responsable smart building solutions chez ATS, une autre filiale de Luminus, la demande de mesures et l’enregistrement des données ont explosé au début de la pandémie.
A quel prix?
Le secteur de la construction estime le coût de rénovation d’une maison de 750 à 1.250 euros par mètre carré, hors TVA. La ventilation ne représente qu’une petite partie du coût total. Un système de ventilation avec évacuation et apport d’air automatique coûte au minimum 2.000 euros. Si on y ajoute les conduites et la main-d’oeuvre, la facture peut atteindre de 5.000 à 8.000 euros. Le prix final dépend de la spécificité de l’installation et de la taille des espaces à ventiler. “La ventilation intelligente est la solution idéale mais coûte cher“, constate Dieter Dhaeze.
Une mise en conformité corona-proof du système de ventilation risque d’alourdir encore la facture. Les Pays-Bas ont débloqué 360 millions d’euros pour le contrôle de tous les systèmes de ventilation dans les écoles et l’application des mesures appropriées.
Certains sites scolaires n’hésitent pas à conclure des contrats de performance énergétique. Par exemple, la commune de Dilbeek et 14 écoles provinciales de la province de Liège ont signé un contrat avec Luminus. Le fournisseur d’énergie prend en charge les investissements (efficacité énergétique, isolation du toit et des châssis de fenêtre, énergie renouvelable, mais aussi la ventilation éventuelle) et est payé avec le budget engrangé grâce aux économies d’énergie réalisées par le client.
Les systèmes de ventilation coronaproof ont-ils la même efficacité énergétique? Oui, dans la plupart des cas. La majorité des installations ont été conçues en vue d’optimiser leur efficacité énergétique. Les plus efficaces sont les appareils qui mélangent air frais et air vicié de manière à réchauffer l’air frais. L’objectif aujourd’hui est d’apporter 100% d’air frais, ce qui nécessite davantage d’énergie puisque l’air frais hivernal doit être suffisamment réchauffé. L’alternative consiste à fermer la section air mélangé mais dans ce cas, il n’y a plus de récupération d’énergie.
La solution la plus sûre, dans le contexte actuel de crise sanitaire, est le système de ventilation avec échangeur à courants croisés, moins efficace en termes d’énergie mais sans contact physique entre les flux d’air et avec apport permanent d’air frais de l’extérieur. “En fait, le système de ventilation devrait pouvoir fonctionner en ‘mode pandémie’ et en ‘mode normal'”, estime Marianne Stranger.
Y a-t-il des alternatives?
Pas vraiment. Ouvrir portes et fenêtres est de loin la façon la plus simple d’aérer mais ce n’est pas confortable. Les climatiseurs et les ventilateurs brassent l’air ambiant mais n’apportent pas d’air frais.
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“Même si elle ne remplace pas la ventilation, la purification de l’air peut s’avérer utile”, soutient Marianne Stranger. Il existe grosse modo quatre types de purificateurs d’air sur le marché. Les hôpitaux utilisent généralement les appareils équipés de filtres HEPA (high efficiency particulate air). Il y a aussi les purificateurs à rayons ultraviolets qui tuent les bactéries, à ionisation bipolaire et électrofiltration. “Chacun de ces types d’appareil contribue à assainir l’air ambiant mais on ignore dans quelle mesure et pendant combien de temps. Demandez donc des études de validation et des tests prouvant l’efficacité de cette technologie. Non seulement en laboratoire mais aussi en dehors.”
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