Champagne, crémant, prosecco… Pour une coupe bien pleine
A priori, même s’il ne faudra sans doute pas trop sortir de sa bulle, les deuxièmes fêtes de fin d’année sous pandémie devraient être plus festives qu’en 2020. Une fois de plus, nous sommes sortis de notre zone de confort pour vous dénicher des cuvées qui sortent des sentiers battus. Prêt à faire sauter les bouchons?
La pandémie a dopé la consommation à domicile des Belges. Ainsi, dans la grande distribution, du 1er août 2020 au 31 juillet 2021, il s’est vendu 42 millions de bouteilles de bulles avec une forte hausse pour le champagne (+30%) ou le prosecco (+24%). Malgré la crise sanitaire, l’AOC Champagne a mieux résisté que prévu: le chiffre d’affaires 2020 n’a baissé que de 17% à 4,2 milliards d’euros hors taxe. Sans compter les caisses qui traversent la frontière dans le coffre de nos voitures, la Belgique est demeurée, en 2020, le cinquième importateur mondial avec 9 millions de bouteilles pour 142 millions d’euros en valeur (-1,9%). Les bruts sans année ont toujours la cote (91% des cols) mais les rosés progressent fortement (+11,6%). A la demande du Comité interprofessionnel du vin de Champagne, le bureau Nielsen s’est penché sur la consommation belge de champagne à domicile. Entre septembre 2020 et septembre 2021, elle a progressé de 45% en volume et de 38,4% en valeur. La hausse volumique est particulièrement marquée chez les 30-39 ans (+91,1%) et les 40-49 (+105,2%). Sur l’année civile 2020, les achats des ménages belges ont augmenté de 20% en volume et 14% en valeur. Cette hausse s’accélère en 2021 puisque, de janvier à septembre, elle est respectivement de 45 et de 43%! Nul doute, vu les fêtes qui s’annoncent, que cette croissance ne va pas s’estomper au 4e trimestre. Voici, en tout cas, une sélection resserrée de jolies bulles qui ne viennent pas toutes de la Champagne.
Entre septembre 2020 et septembre 2021, la consommation belge de champagne à domicile a progressé de 45% en volume et de 38,4% en valeur.
Un jeune talent champenois
Les amateurs de vin éclairés savent que non loin de Ruffus et de Chant d’Eole, les deux bulles stars de Wallonie, s’est installé un nouveau domaine: Le Mont des Anges. Vincent De Busscher, un ancien financier de haut vol (HSBC, Carmeuse, etc.), l’exploite avec Laurianne Lejour, une jeune Champenoise. Le duo a sorti cet automne ses 1.000 premières bouteilles. Et pour de jeunes vignes, le résultat est très prometteur. Treize mille bouteilles seront disponibles l’an prochain. Outre cette expérience belge, Laurianne Lejour est la toute récente lauréate des Meilleurs Jeunes Talents de Champagne 2021. En 2016, elle a repris les vignes (1,5 ha sur les communes d’Ambonnay, Bouzy, Louvois et Trépail) travaillées auparavant par sa grand-mère et sa maman. Ces dernières sortaient directement des cuvées labellisées d’abord Champagne Billiot et ensuite Potié. C’est en 2019 qu’a été commercialisée la première bouteille du Champagne Laurianne Lejour. La jeune Champenoise produit du brut, du brut nature et du rosé. C’est son Brut Nature Premier Cru qui nous intéresse aujourd’hui. Un assemblage à parts égales de chardonnay et de pinot noir. Une jolie surprise tout en finesse et en équilibre. La cuvée fait une belle synthèse entre son côté vineux et une fraîcheur de bon aloi. Une cuvée originale qui conviendra tant à l’apéritif que sur des poissons délicats voire des plateaux de fruits de mer. Elle est disponible, temporairement, au prix de 35,50 euros, chez Oenostock (Braine-l’Alleud – c-de-c.be/oenostock). Ne pas hésiter à contacter Benjamin Duplouy pour la disponibilité au 0472 34 32 90.
Le berceau des bulles italiennes
A côté du prosecco, l’Italie élabore aussi des bulles de très haute tenue comme le Trentodoc ou le Franciacorta en Lombardie. Alta Langa est encore moins connue. C’est une toute petite zone d’appellation située dans le Piémont dans la région des Langhe autour d’Asti, de Cuneo et d’Alessandria. Le cahier des charges est drastique: 250 m d’altitude minimum, uniquement du chardonnay et du pinot noir, méthode traditionnelle, au moins 30 mois sur lattes, rien que des cuvées millésimées, etc. Fontanafredda, la maison créée en 1854 par Victor-Emmanuel II, premier roi d’Italie, et renommée pour son barolo, fut une des pionnières de cette appellation. Elle élabore, entre autres, une épatante cuvée appelée BollaCiao. Certains y voient, en référence au chant des partisans antifacistes italiens remis au goût du jour par la série Casa de Papel, un symbole de la résistance de l’Alta Langa face aux autres effervescents. Il faut savoir que la première méthode traditionnelle italienne a été produite au milieu du 19e siècle dans les fameuses cathédrales souterraines de la région, aujourd’hui classées au patrimoine de l’Unesco. D’autres soulignent que la chanson, dans sa version initiale, était un hymne de protestation piémontais et de défense des Mondines, des saisonnières qui travaillaient dans les champs dans des conditions de travail inouïes. Quoi qu’il en soit, voilà des bulles délicates et vineuses, à la bouche fraîche aux notes de brioche et fruits à chair blanche. Elles sont disponibles (22,50 euros) chez Melchior Vins (Mons – melchior-vins.be) ou sur le site e-wines.be qui livre dans toute la Belgique.
Une reconversion réussie
Nous l’avons rencontrée cet été dans son domaine en biodynamie sur la rive droite de la Dordogne. Autrefois cadre supérieure à Paris, Virginie Aubrion a radicalement changé de vie et a repris en 1998 le château de Piote qui, depuis sa création, n’a été dirigé que par des femmes! Récipiendaire du trophée Faune et Flore de l’interprofession bordelaise, elle vit désormais au milieu des moutons, des chiens, des poules, des cochons et d’un couple de paons. Elle a replanté des haies, n’utilise aucun pesticide ni herbicide et favorise la couverture végétale. Vinifiées, pour partie, dans 18 amphores, ses cuvées détonnent dans le microcosme bordelais. On les retrouve d’ailleurs chez nous sur les tables des restaurants Humus et Hortense ou d’Humphrey. Virginie élabore deux bulles appelées Perles de Piote. Voilà de bien agréables crémants de Bordeaux emballés dans de jolis flacons. Le blanc est bien droit, bien minéral, avec juste ce qu’il faut de fruité. Les Perles de Piote sont disponibles aux alentours des 19 euros à l’Oeno TK (Saint-Gilles – Oenotk.com), chez Les voisines en font toute une cocotte (Forest – lesvoisines-lesite.com) ou à la Cave Saint-Job (Uccle – cavesaintjob.be).
De Maison à Domaine
L’an dernier, à pareille époque, nous vous avions parlé de la Maison Alexandre Bonnet située dans les Riceys quasi à la frontière avec la Côte d’Or bourguignonne. Fils de Bourgogne, frère de Champagne dit d’ailleurs le dicton. Depuis l’an dernier, il y a du changement chez Bonnet qui appartient, comme Philipponnat d’ailleurs, au groupe Lanson-BCC. La Maison Alexandre Bonnet est devenue le Domaine Alexandre Bonnet. Ce n’est pas qu’un petit jeu de sémantique puisque cela signifie que Bonnet ne propose plus que des cuvées issues de ses propres vignes (47 hectares en HVE3) sous son nom. Si la Bourgogne classe ses terroirs en climats, la Champagne aime parler de contrées. Sur celle de la Géande, Alexandre Bonnet a réintroduit les sept cépages historiques de la Champagne: pinot noir, chardonnay, pinot meunier, petit meslier, arbane, pinot blanc et pinot gris. La Géande, qui associe les sept cépages, est un tout grand champagne: puissant et délicat à la fois, vineux, long et minéral. Il n’y a aucun vin de réserve, ce ne sont que des jus issus de la vendange 2017. Une bouteille de plaisir à découvrir au prix de 68 euros à la Maison Pirard (vinspirard.be – trois espaces vins et trois corners). Celle-ci propose aussi un épatant Crémant d’Alsace rosé du Domaine Muré (24,95 euros). Cela fait 12 générations que la famille produit des vins d’Alsace d’une qualité irréprochable aujourd’hui en biodynamie. Ce crémant rosé est une vraie merveille: un 100% pinot noir à la bulle fine, la bouche puissante et à la finale délicate et persistante.
Un ovni aquatique
C’est le coup de coeur absolu de cette année. André Heucq, avec ses enfants Fanny et Alexandre, produit de magnifiques champagnes de terroir labellisés bios. On a été littéralement bluffé par le H60, un 100% pinot meunier assemblé en 2016. Les 654 bouteilles produites ont vieilli 20 mois sur lattes avant d’être immergées pendant tout une année à 60 m de profondeur au large de la Bretagne. Ne vous fiez pas à la bouteille un peu cracra ou au muselet rouillé, c’est un immense champagne au profil aromatique très particulier. La minéralité typique des meuniers de ce terroir est amplifiée et doublée d’une douce salinité. C’est une cuvée élégante, épicée, complexe et d’une belle persistance. C’est un champagne de gastronomie qu’on ne servira pas trop frais (pas en dessous de 10 °C) dans des verres à vin (pas de flûte donc). Il est disponible au prix de 106,50 euros chez Oenostock.
Au nom de la terre
Voilà un champagne qui a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois. En cause, son étiquette très chargée qui donne une foule d’explications sur la composition et l’élaboration de la cuvée. Peu importe après tout, seul compte le contenu. Le Champagne Telmont fait assurément partie des belles découvertes de l’année, singulièrement son Réserve Brut ou La Réserve de la Terre (64 euros). Centenaire, la maison vient d’être reprise par le groupe Rémy- Cointreau sous l’impulsion de Ludovic du Plessis, le nouveau directeur général de la marque. Mais la maison continue d’être gérée, dans les caves et au champ, par la famille fondatrice, Les Lhôpital. Du Plessis a mis au point un programme environnemental de pointe assez rare dans la région: conversion du vignoble en bio à 100%, installation de 2.500 charmilles, suppression des emballages comme les boîtes ou les coffrets, passage aux bouteilles vertes qui utilisent plus de verre recyclé, collecte et nettoyage des bouteilles vides, etc. On trouve le Champagne Telmont chez Drinkland à Etterbeek ou à la Barrique près de Charleroi (Nalinnes – labarrique.be).
Atteindre la plénitude
Pour clôturer, impossible de ne pas évoquer le nouveau P2 de Dom Pérignon. Soit un champagne millésimé qui, une dizaine d’années après sa première commercialisation, commence une deuxième vie. Cette année, c’est le millésime 2003, très particulier, qui a été choisi. C’est un champagne hors catégorie, crémeux, sensuel, dense, profond et vibrant. Une cuvée dont le côté physique exprime les limites que le chef de cave a dû repousser pour dompter le millésime chaud avec des chardonnays très riches (la part du pinot noir est, du coup, plus importante que d’habitude) et des tannins très présents qu’il a fallu atténuer en laissant s’oxyder les jus dans les pressoirs. P2 version 2003 est disponible sur commande chez les meilleurs cavistes du pays à un prix tournant autour de 400 euros. Le prix d’une émotion immense.
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