Blocus assisté, qu’a-t-on pour son argent?

Appel à l'équipe. Blocus assisté en groupe dans une ambiance studieuse ou cours individuels, l'assistance en période de blocus cartonne. © PG

Sur le marché des aides aux examens, les entreprises se multiplient. Et ce, d’autant plus facilement qu’aucune qualification précise et aucun lourd investissement de départ ne s’imposent.

Cours particuliers, coaching, blocus assisté, avec d’autres étudiants ou avec des personnes diplômées et qualifiées… L’offre d’assistance aux étudiants en période de blocus se veut protéiforme afin de pouvoir mieux servir ses clients toujours plus enthousiastes… ou toujours plus stressés. Les différentes structures tiennent souvent à leur statut d’ASBL. Elles sont également libres de toute obligation de certification ou de tout lourd investissement dans des locaux.

Les deux premières structures d’envergure, Cogito et MySherpa, ont vu le jour à l’aube du siècle. MySherpa, une des premières structures d’envergure, a été initiée par deux anciens de Solvay et Polytech. Ils font ainsi carrière dans ” l’accompagnement individualisé ” depuis plusieurs générations d’étudiants (2003 pour être précis). Pour Ron Kelijman, cofondateur, ” on a structuré un marché qui existait, via les petites annonces, au noir. Il y en a pour tous les goûts, pour toutes les bourses. Maintenant, c’est le choix des familles de mettre une somme en priorité pour l’éducation des enfants, avant l’écran plat dernier cri par exemple “, avance-t-il.

Cogito, l’autre entreprise pionnière du secteur, est encore plus ancienne : elle est sur le marché depuis 2001. Elle a brassé des milliers d’étudiants et inspiré d’autres entreprises, avec un succès tel qu’elle s’est lancée en Suisse et en Flandre (sous le nom de Succedo) et bientôt en ligne (Cogitomundi). Parmi ces milliers d’étudiants, forcément, il y a tous les avis : certains disent ” avoir été très bien aidés “, d’autres jugent l’expérience ” peu concluante “. Il n’y a pas de statistiques exhaustives sur le taux de réussite. ” On ne peut pas exiger des étudiants qu’ils nous fournissent leurs notes “, explique Drieu Godefridi, son fondateur, qui avance quand même que, selon les feed-back volontaires des étudiants, ” entre 80 et 90 % des examens pour lesquels Cogito a collaboré ont été réussis “. Un chiffre biaisé, et donc à prendre avec des pincettes : ” ce sont les étudiants qui réussissent qui ont le plus tendance à nous communiquer leurs résultats “, concède le patron de Cogito.

La formation des formateurs

L’autre grande question de ce genre d’assistance, c’est celle de la qualité des formateurs. Chez MySherpa, on fonctionne plutôt selon le schéma peer-to-peer, entre étudiants. Chez Cogito, on a choisi la voie des professionnels, souvent de jeunes diplômés férus d’enseignement ou en quête d’un peu de beurre à mettre dans les épinards. Il faut pouvoir trouver la bonne personne pour le bon cours. Et parfois, ça ne colle pas. Ainsi, cet ingénieur, recruté pour coacher des étudiants en maths, physique et chimie : ” Ça faisait huit ans que je n’en avais plus fait et je n’étais réellement pas en mesure d’aider les étudiants “.

Pour augmenter la qualité de ses formateurs, Cogito leur impose depuis deux ans une formation pédagogique obligatoire et gratuite. Les candidats (qui ont envoyé un formulaire via le site de Cogito) sont sélectionnés selon leur CV, leurs grades académiques et après un rendez-vous avec le responsable de la formation. Les formateurs touchent 25 euros de l’heure en individuel, et 900 pour une semaine complète de blocus assisté, sous forme d’honoraires. Comment sont-ils payés ? ” Dans le mois qui suit leur déclaration d’heures. Il n’y a pas de facture dans le domaine de l’enseignement car il n’y a pas de TVA. Leur statut social est de leur ressort “, répond Drieu Godefridi.

De plus en plus d’acteurs

Le succès de ces pionniers a rapidement inspiré d’autres entrepreneurs. Par exemple, c’est fin 2008 que Philippe Gillisjans, anciennement consultant en informatique, a mis sur pied avec deux amis l’ASBL Cours En Plus. Il se montre très critique vis-à-vis de ceux qui ont débroussaillé – sans doute parfois avec quelques errements – le chemin : ” Un de mes copains travaillait pour une de ces grandes boîtes d’aide aux études. Il m’a dit que c’était de la garderie plus qu’autre chose. Il n’y avait pas sur le marché de structure avec un rapport qualité-prix correct. Alors on s’est lancés “.

Les trois amis ont trouvé des partenariats avec des communes de Bruxelles et du Brabant wallon et, par là, des locaux. Ce sont des petits groupes qui s’y retrouvent : maximum quatre personnes, ” pour pouvoir faire de l’individuel “. Les formateurs sont obligatoirement des diplômés, enseignants à la retraite ou assistants d’université, par exemple. Et n’enseigne pas qui veut : ” Ce sont souvent des gens qu’on connaît, des amis d’amis. On les teste, on leur demande d’être polyvalents, de se déplacer rapidement, d’avoir des connaissances à jour. Un CV long comme le bras, ça ne suffit pas. Encore faut-il pouvoir transmettre… ” Ces oiseaux rares touchent un ” défraiement ” de 30 euros : ” Nous sommes une ASBL. On en vit… plus ou moins “, avoue Philippe Gillisjans.

Grâce à ces différents arrangements, une semaine de cours complète avec Cours En Plus, au tarif plein, revient à 400 euros. Lorsque le CPAS intervient, comme pour certains clients à Boitsfort, une heure revient à trois euros. Parce que, pour Philippe Gillisjans, ” tout le monde doit avoir accès à l’université ” et qu'” avec une bonne méthode et du travail, si on est bien aiguillé, on y arrive “. D’ailleurs, résultats il y a : entre 70 et 80 % de réussite en première session, 90 % en deuxième, selon le fondateur.

“Challenger les grandes structures”

Autre société qui cherche sa place dans un marché déjà bien occupé, Blocus Assistance, qui a été créée en 2011 par Pierre Boonen et Pierre Collinet. Les deux fondateurs avaient identifié, pendant leurs études d’ingénieur, ” un manque de structures pour répondre rapidement aux questions “. La petite entreprise compte ” challenger les grandes structures ” et recense déjà 300 ou 400 étudiants assistés depuis ses débuts. De jeunes diplômés encadrent les blocus en groupe et dispensent les cours particuliers. Ils peuvent le faire en parallèle, à un projet entrepreneurial par exemple. Ou pour des étudiants en fin d’études, avec un statut d’étudiant-entrepreneur. ” On calcule pour eux le net qu’ils peuvent gagner chez nous, cotisations sociales déduites “, précise Pierre Boonen. Ils gagnent ainsi ” 12,5 euros de l’heure en blocus assisté, 30-35 euros le cours particulier “.

Matthieu Vrancken, de Student Academy, lui, se dit ” passionné par l’enseignement “. Avec une associée, Lola Van Lierde, il a donc mis sur pied une offre en externat ” très peu présente jusque- là “. Il s’est aussi formé avec passion à la méthode de travail. Comme chez Blocus Assistance, les professeurs sont recrutés après une évaluation, une discussion, une mise en situation. La plupart du temps, ils sont rémunérés comme indépendants ou, occasionnellement, via une convention de bénévolat. Sous la houlette de ces enseignants, les étudiants parviennent à neuf heures d’étude par jour, pour 450 euros par semaine. ” Près d’un tiers de nos étudiants paient la note grâce à des petits boulots, précise Matthieu Vrancken. On se disait que l’enseignement était gratuit… mais l’idée que des systèmes payants existent et facilitent la réussite entre peu à peu dans les mentalités. ”

Marchandisation de l’éducation

Les universités ont réagi, tant à l’ULB, où les étudiants ont organisé un blocus assisté, qu’à l’UCL. Patricia Vandamme, de l’UCL, se dit préoccupée par la nouvelle tendance : ” Les parents qui ne savent plus où donner de la tête sont prêts à faire des sacrifices financiers pour que leurs enfants réussissent. De gros sacrifices financiers même… On s’insurge contre cette marchandisation de l’éducation. D’ailleurs, j’ai déjà refusé qu’une de ces organisations (d’assistance au blocus, Ndlr) vienne faire des descentes d’auditoire pour expliquer son produit. ”

Patricia Vandamme entend donc contrecarrer la profusion d’offres. Elle coordonne entre autres l’organisation de ” Pack en bloque ” sur le site de Louvain-la-Neuve : un blocus à Pâques pendant lequel les étudiants de première sont encadrés par des étudiants jobistes plus avancés. ” Une solution win-win, à 85 euros pour une semaine (et encore moins pour les étudiants boursiers), explique-t-elle. Dans ce prix, il y a les repas, une aide méthodologique et des moments de détente. Et on touche notre public-cible : ceux qui en ont vraiment besoin “.

L’offre de l’UCL est certes très bien ciblée, mais elle arrive peut-être un peu tard : ” certaines structures privées sont grandes et ont une force de frappe évidente “, regrette-t-elle. ” Mais nous avons les locaux, les partenariats et des conseillers qui connaissent bien les réalités des étudiants, ce qui permet d’offrir des conditions alléchantes “, ajoute l’universitaire.

Par Sibylle Greindl et François Hubert.

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