Big Mamma fête ses 10 ans

Tigrane Seydoux. "Nous ne sommes que des humains et les humains font des erreurs. La cuisine, ce n’est pas un métier de process ou de robots." © ROBERTO MAROTO

East Mamma, le premier restaurant de la marque, a ouvert ses portes à Paris le 19 avril 2015. Dix ans plus tard, Tigrane Seydoux et Victor Lugger, les deux fondateurs, sont à la tête d’un groupe qui compte 28 restaurants et emploie désormais 2.500 personnes. La première adresse bruxelloise est un gros succès.

Dix ans après son ouverture, East Mamma, le premier restaurant Big Mamma, ne désemplit pas. Logé au Faubourg Saint-Antoine à Paris, il continue à servir entre 500 et 700 couverts par jour, même si les cofondateurs Tigrane Seydoux et Victor Lugger ont entretemps complété l’offre parisienne par cinq restaurants, un food-court de 450 m² et deux bars supplémentaires. Depuis le début, les deux copains issus d’HEC Paris avaient misé sur une promesse de qualité délivrée sans faille (ou quasi) pour asseoir un concept qui n’avait rien de révolutionnaire : proposer de la cuisine de trattoria avec un service assuré par des Transalpins, venus de leur pays ou issus de la diaspora, dans un joyeux bordel à l’italienne.

“À l’origine, nous ne prenions pas de réservation à East Mamma, se souvient Tigrane Seydoux. Imaginez le couple qui sort du boulot et qui doit faire la file pendant plus d’une heure pour aller manger une pizza à 11 euros : elle doit être sacrément bonne la pizza pour justifier cela. Si elle n’est pas délicieuse, ce couple ne revient plus. Faire un beau lieu comme le Barracuda à Bruxelles, finalement, c’est la partie la plus facile. Derrière, pour tenir sur la durée, votre seul atout, c’est la constance de la qualité délivrée. Ce ne sont même pas nos recettes puisqu’elles ont été décrites dans trois livres disponibles en librairie. La différence, c’est l’âme et l’envie que nous mettons dans notre cuisine et notre service.”

“Faire un beau lieu comme le Barracuda à Bruxelles, c’est la partie la plus facile. Derrière, pour tenir sur la durée, votre seul atout, c’est la constance de la qualité délivrée.” – Tigrane Seydoux

500 couverts par jour à Bruxelles

Fin septembre, Big Mamma a donc ouvert Barracuda au rez-de-chaussée de la Maison de la Radio, sise à la place Flagey, à Bruxelles. Dans une magnifique ambiance Art Déco, le resto est capable de servir 180 couverts à la fois, hors terrasse. Sept mois plus tard, le premier bilan est très positif.

“Nous avons reçu un super accueil, poursuit Tigrane Seydoux. Mais il est encore trop tôt pour crier victoire. Nous souhaitons devenir l’une des institutions immanquables de la ville et pour cela, du recul est nécessaire. Nous étions attendus, c’est clair, mais cette attente, entre autres liée aux réseaux sociaux et à la proximité entre nos deux pays, instille une pression certaine aux équipes. Plus nous sommes attendus, plus c’est compliqué. Mais à la place Flagey, la sauce a bien pris, avec une clientèle très variée suivant les jours de la semaine ou les moments de la journée. Nous servons 500 couverts en moyenne par jour. Dans la lignée donc d’East Mamma. Mais contrairement à notre première adresse parisienne, le ticket moyen est plus élevé : 30 euros à Paris pour 35-40 à Bruxelles.”

Pour se donner toutes les chances de réussir, Big Mamma avait dépêché à Bruxelles une équipe expérimentée dont Alessio, l’ancien directeur du restaurant de Lille.

“Il a déménagé à Bruxelles, comme d’ailleurs une moitié de l’équipe, souligne Tigrane Seydoux. Honnêtement, au bout de sept mois, nous sommes au-delà des objectifs que nous nous étions fixés. Barracuda est une adresse accessible, grand public et conforme à notre esprit. Alors, oui, comme pour toute ouverture, il y a eu des failles. Vu notre sourcing, unique et en direct par notre propre logistique, de produits italiens, nous faisons tout nous-mêmes : les pâtes, le pain, etc. Nous ne sommes que des humains et les humains font des erreurs. La cuisine, ce n’est pas un métier de process ou de robots. Mais nous nous remettons en cause constamment et assurons un contrôle permanent de la qualité.”

Big Mamma a ouvert Barracuda fin septembre à la place Flagey. © JEROME GALLAND

Deux autres restos bruxellois ?

Le succès de ce premier resto bruxellois conforte évidemment l’avenir de la marque en Belgique. Big Mamma dispose de 28 restaurants en Europe depuis la dernière inauguration à Barcelone, il y a quelques jours. Mais l’ouverture de la Gloria Osteria, non loin de la Sagrada Familia, a pris cinq ans, et ce, alors que Tigrane Seydoux vit en Espagne depuis 2020 et qu’il a ouvert trois restaurants à Madrid. Big Mamma est opportuniste et cherche des lieux iconiques. Toute nouvelle ouverture est une affaire de coup de cœur qui ne se commande pas.

“Je connais bien Bruxelles, j’y ai des amis et j’y viens très souvent, confie Tigrane Seydoux. À l’heure où je vous parle, aucun nouveau projet n’y est validé. Je ne vois pas de deuxième ouverture avant 2027. Mais c’est vrai que c’est après-demain en fait. Il y a, vu le succès de Barracuda, certainement la place pour deux restos complémentaires à Bruxelles. L’un plus haut de gamme dans l’un des quartiers plus chics de la capitale et l’autre plus bas de gamme, comme une pizzeria, par exemple. On ne fera pas un deuxième Barracuda, ça, c’est certain. Chaque resto est unique et nous n’allons pas changer cela. Mais nous viendrons sûrement avec deux projets aux positionnements de prix, de public et de localisation différents.”

Quand on lui parle d’Anvers, Tigrane Seydoux évoque la situation de Barcelone par rapport à celle de Madrid. Anvers serait clairement complémentaire à Bruxelles.

“Il y a, vu notre sourcing particulier, une logique à créer des hubs opérationnels et managériaux. Mais nous ne faisons pas la course à l’ouverture, et ouvrir pour ouvrir n’a aucun sens. Depuis dix ans, Big Mamma est une histoire de croissance et d’exploration de nouveaux territoires. Deux personnes dans un bureau il y a 10 ans, 2.500 employés aujourd’hui. Il y a une dimension plaisir qui fait que nous continuons. Plaisir de faire grandir les gens qui sont autour de nous, sans nous oublier Victor et moi. Big Mamma, c’est d’abord une mission interne avec une devise qui est : change people’s lives with pizza. Big Mamma n’apporte rien dans la société : les gens ne mourraient pas de faim si nous n’étions pas là. Mais nous avons apporté de l’espoir à des jeunes qui sont arrivés chez nous un peu perdus et sans trop savoir quoi faire de leur vie. La restauration, de tout temps et partout, a toujours eu cette vocation. Nous leur avons permis de prendre leur destin en mains. Cela ne marche pas avec tout le monde, mais certains se sont révélés et se sont découverts eux-mêmes. Il y a quasi 10 ans, Enrico a débarqué chez East Mamma avec ses cheveux longs jusqu’aux épaules et sa guitare en bandoulière. Il venait de sa Sardaigne natale et ne parlait qu’italien. Il a commencé chez nous par apporter les assiettes et débarrasser les tables. Aujourd’hui, Enrico vit à Londres, parle trois langues et dirige, au quotidien, nos 2.500 employés…”

Labellisée B-Corp et Iso 5001, Big Mamma, société à impact selon le droit français, obtient des scores staliniens dans les statistiques d’égalité et de durabilité humaines.

“C’est cette aventure humaine qui me motive et qui va guider les 10 prochaines années, poursuit Tigrane Seydoux. Chez Big Mamma, règnent la méritocratie et une forte politique de progression interne. Une deuxième ouverture bruxelloise va faire grandir les équipes de Barracuda avec l’assistant-manager qui deviendra manager de l’une des deux adresses et ainsi de suite… Nous prenons finalement plus soin de notre personnel que de nos clients. Pourquoi ? Parce qu’il y a un effet ricochet : un client, qui arrive dans un resto qui a une âme et dont l’équipe vibre à l’unisson, ressent cette vibe positive et vous avez déjà fait 90% du chemin.”

“Un client qui arrive dans un resto qui a une âme et dont l’équipe vibre à l’unisson ressent cette ‘vibe’ positive et vous avez déjà fait 90% du chemin.” – Tigrane Seydoux

© JEROME GALLAND

Un futur eldorado américain ?

Jusqu’en 2023, Big Mamma était soutenue, financièrement et au niveau du capital, par une bonne vingtaine de business angels et d’entrepreneurs. McWin, une société d’investissement britannique spécialisée dans la restauration et les technologies alimentaires, a alors racheté les parts de ces investisseurs, ainsi qu’une partie de celles de Victor et Tigrane, pour devenir l’actionnaire majoritaire. Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur cette arrivée, mais Tigrane Seydoux tient à mettre les choses au point.

“L’arrivée de McWin est un tournant, c’est certain, et c’est rassurant d’avoir un partenaire aux épaules solides en cas de coup dur qui vient toujours quand on ne s’y attend pas. Le covid n’est pas si loin… Ceci dit, McWin n’a fait que racheter le capital et n’a pas mis un euro pour le développement de Big Mamma. Les ouvertures de restaurants se financent en propre et avec un peu de dette auprès des banques pour chaque nouvelle adresse. Nous ne distribuons pas de dividende et réinvestissons tout. Le but est de créer de la valeur à long terme. McWin est un fonds qui voit à long terme et n’a pas besoin de sortir d’un capital au bout de deux ou trois ans.”

Un des investisseurs initiaux avait conseillé aux deux fondateurs de ne jamais ouvrir dans un pays sans y habiter d’abord. Un conseil que Victor, longtemps résident londonien, et Tigrane, résident espagnol, ont quasiment suivi à la lettre. Victor Lugger est actuellement aux États-Unis pour promouvoir Sunday, l’autre entreprise que les deux copains d’HEC Paris ont créée. Elle offre, via une appli unique, à tous les types de restaurants des solutions élégantes, rapides et digitales de paiements et de commandes. De nombreuses enseignes l’utilisent déjà : Bouillon, Mamma Shelter, Gordon Ramsay, Brewdog, etc. Est-ce à dire, par recoupement, qu’un premier restaurant américain de Big Mamma arrive sous peu ?

“Les États-Unis seront notre première destination hors Europe, conclut Tigrane Seydoux. Nous regardons attentivement ce marché. Mais à ce stade, nous ne faisons que cela : regarder. Et je n’ai pas de grande nouvelle à vous annoncer. Victor va rentrer à Londres cet été après avoir été bien humer le milieu de l’horeca américain. Nous aviserons après. Trump ? Nous avons toujours voulu nous extraire du climat politique ambiant. Partout et tout le temps. Et dieu sait s’il y en a eu des problèmes en France, par exemple…”

Si les États-Unis vont attendre, Londres comptera cet été une sixième adresse appelée Barbarella et située à Canary Wharf.

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