Bérengère Ménart (directrice générale de Ménart): Pionnière de l’économie circulaire

© MATHIEU GOLINVAUX / ISOPIX
Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Du Viêtnam à la Colombie en passant par l’Afrique du Sud, partout dans le monde, quand on veut trier, composter, recycler des déchets, on utilise de gigantesques machines fabriquées par une PME de Dour.

En observant les imposants engins qui sortent des ateliers de chez Ménart, à Dour, le premier terme qui vient à l’esprit, ce n’est sans doute pas ” agilité “. Et pourtant, l’agilité est la force de cette entreprise familiale fondée en 1961 par le grand-père et l’arrière-grand-père de la directrice actuelle, Bérengère Ménart. Il fallait en effet de l’agilité – au sens de l’esprit d’à-propos, de la créativité – pour faire évoluer tout doucement un distributeur de matériel agricole en un concepteur de machines de traitement des déchets.

” A force de modifier et d’améliorer les machines agricoles pour répondre aux souhaits des clients, la société a décidé de développer ses propres produits “, résume Bérengère Ménart. Elle leur a ensuite trouvé de nouvelles utilisations, en phase avec les débuts de la prise de conscience environnementale dans les années 1980. C’est ainsi que ses ingénieux techniciens ont, par exemple, transformé un épandeur à fumier en un broyeur de déchets verts, avant de concevoir des tamis, des retourneurs, des lignes de tri, etc. Ménart était devenu le spécialiste de l’équipement destiné à la valorisation des déchets organiques. ” Mais nous avons toujours nos retourneurs pour composter le fumier en bordure des champs, précise notre interlocutrice. Ménart reste le partenaire des agriculteurs. ”

Pour croître, nous avons besoin de bons techniciens. Il est temps de mettre en valeur ces filières d’enseignement.

Fille unique, Bérengère Ménart a rejoint l’entreprise familiale dès la sortie de ses études. A-t-elle hésité? ” Pas vraiment, répond-elle. Il y avait, certes, le poids de la réussite des générations précédentes mais il y avait surtout un job intéressant dans une entreprise que je connaissais bien. ”

Elle a contribué à l’expansion internationale de la société, aujourd’hui présente dans une cinquantaine de pays à travers le monde. A nouveau, il a fallu faire preuve d’agilité pour dégager des ” solutions alternatives ” pour les pays désargentés mais aux besoins énormes en matière de traitement des déchets organiques. Cela marche puisque Ménart réalise 85% de son chiffre d’affaires (7 millions au dernier exercice et il devrait passer à 9 millions cette année) à l’exportation. ” Nous avons une concurrence féroce en Europe, face à de grandes entreprises allemandes et autrichiennes, dit-elle. Tout en préservant notre esprit familial et artisanal, avec un bureau d’étude capable de concevoir des machines sur mesure pour les besoins du client, nous devons passer à un mode plus industriel pour garder notre place dans le podium de tête. ” Pas question qu’une entreprise qui a grandi en faisant de l’économie circulaire sans le savoir (le traitement des déchets, c’est ça! ) se fasse dribbler maintenant que le concept est à la mode.

Cette image verte, Bérengère Ménart entend l’accentuer en 2021 grâce à des investissements en vue de rendre la société autonome en énergie: panneaux photovoltaïques, bâtiments basse énergie et peut-être même une éolienne sur le site de Dour. ” Il y a la réglementation, bien entendu, mais aussi une prise de conscience, conclut Bérengère Ménart. De plus en plus d’entreprises, notamment agricoles, sont aujourd’hui convaincues de l’intérêt de récupérer les déchets organiques et de les réutiliser. ”

CV

– Née en 1975, mère de trois garçons

– Ingénieure industrielle agricole (Haute Ecole Condorcet Ath)

2000 Rejoint l’entreprise familiale, où elle contribue notamment au développement de la grande exportation (Viêtnam, Amérique latine…)

2010 Directrice de Ménart

2019 Gérante de l’entreprise

– Passionnée de photographie, d’équitation et de bijoux qu’elle fabrique elle-même à partir de matériaux recyclés

Coronavirus: quel impact?

On se dit toujours que nous sommes flexibles, que nous savons nous adapter. Avec le Covid-19, nous avons vu que c’était vrai. Quand le lockdown a été décidé, j’ai vu l’entreprise se vider en 1h30 et, l’après-midi, tous les employés étaient opérationnels en télétravail.

Pour les ateliers, c’est différent: impossible de souder une grande machine dans son jardin! Heureusement, nos machines sont tellement grandes que la distanciation est de facto respectée. Nous avons donc pu continuer à travailler et à les expédier par bateau. Le plus gros problème, c’est le déplacement des équipes à l’étranger. Pour monter la machine, pour former les gens, la présence de techniciens est indispensable. Obtenir des visas, trouver des avions à des prix abordables, ce n’est pas évident.”

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