Parmi tous les investissements réalisés par Marc Coucke ces dernières années, deux retiennent particulièrement l’attention : le club de football d’Anderlecht et Durbuy. Dans ces deux projets, l’entrepreneur ne se contente pas d’un simple engagement financier, il mise sur le long terme et souhaite construire quelque chose de durable. Pour concrétiser sa vision à Durbuy, il a fait appel à l’énergique Liégeois Benoit Bronckart. “Nous avons de grandes ambitions ensemble”, confie ce dernier.
Au fil de la dernière décennie, Marc Coucke a façonné un véritable petit empire touristique à Durbuy, avec un parc d’aventures, des hôtels de luxe, un restaurant étoilé, deux parcours de golf et diverses autres activités. Pourtant, malgré ces investissements dans la “plus petite ville du monde”, les retombées financières restent limitées. Son hôtel cinq étoiles, Le Sanglier des Ardennes, peine notamment à devenir rentable, en partie à cause d’un manque de chance.
Il y a d’abord eu la pandémie et ses confinements. Puis, à l’été 2021, l’hôtel a été touché par les inondations de l’Ourthe. L’eau est montée à plus d’un mètre dans le hall d’entrée. Et juste au moment où Le Sanglier semblait enfin se diriger vers un résultat positif, la période cruciale de fin d’année a viré au désastre puisqu’un incendie a ravagé la cuisine et le toit de l’hôtel.
Les traces de l’inondation ont été subtilement intégrées dans l’ambiance du lobby de l’hôtel. Benoit Bronckart, nommé en septembre 2023 en tant que CEO de SDA (Sanglier Durbuy Adventures), l’entité regroupant les activités communes de Marc Coucke et du chef Wout Bru dans la ville ardennaise, pointe la légère décoloration du bois, témoignant du niveau atteint par l’eau. Ce détail symbolise la vision de Bronckart pour SDA : construire une offre de loisirs de qualité supérieure, tout en respectant le passé et les traditions.
Après plus de 20 ans passés au sein de grandes multinationales comme Unilever et AB InBev, Bronckart a ressenti le besoin d’un nouveau défi professionnel. Il ne connaissait pas personnellement Marc Coucke lorsqu’il a été mis en contact avec Alychlo, le holding familial qui gère, entre autres, les activités de Durbuy. “Lors de plusieurs entretiens, j’ai eu l’opportunité de rencontrer Marc Coucke et l’équipe d’Alychlo. J’ai été séduit par leur enthousiasme et leur vision à long terme pour Durbuy, dans un secteur aussi passionnant que le tourisme. Pour moi, c’était aussi une opportunité de prendre la fonction de CEO avec une grande diversité de missions. J’y ai plus un rôle d’entrepreneur que de simple manager. Ici, on peut mener à bien un nouveau projet en trois mois, de la première idée à sa mise en œuvre. Ce qui n’est pas toujours possible dans une multinationale”, explique le Liégeois, qui passe aisément du néerlandais au français, en passant par l’anglais.
TRENDS-TENDANCES. La reconstruction après l’incendie est-elle achevée ?
BENOIT BRONCKART. Depuis le week-end de la Saint-Valentin, toutes les chambres sont de nouveau accessibles et, depuis cette semaine, le restaurant Wagyu a rouvert complètement. C’est peut-être étrange à dire, mais l’incendie nous a aussi appris beaucoup de choses. Nous sommes évidemment soulagés qu’il n’y ait eu aucune victime, et cela est dû en grande partie à la réactivité exemplaire de notre personnel. Ils suivent des formations pour gérer ce type de situations, mais ce n’est que lorsqu’un incident réel survient que l’on mesure leur professionnalisme. J’ai également été très impressionné par le sang-froid et la compétence des pompiers, qui ont aidé aussi bien le personnel que les clients. Chapeau à eux !
Vous avez rapidement lancé les réparations
Une fois assuré que tout le monde était sain et sauf, nous sommes immédiatement passés à l’action. Avec l’état d’esprit “let’s not waste a crisis“, nous avons réfléchi à nos priorités pour ressortir renforcés de cette épreuve. Quelques jours seulement après l’incendie, une partie de l’hôtel a rouvert. En deux mois, nous avons pu récupérer l’entièreté de notre capacité d’accueil. Toutes les chambres concernées ont été entièrement rénovées. L’étape suivante était la réouverture du restaurant Wagyu, ce qui est désormais chose faite. Et dans un futur proche, nous allons investir dans un nouveau concept de petit-déjeuner et brunch, et nous construisons un centre de conférences pour mieux accueillir les entreprises, notamment pour des séminaires et des réunions.
“Le plaisir de nos visiteurs repose sur l’engagement de nos collaborateurs, et cela, l’intelligence artificielle ne pourra pas le remplacer de sitôt.” – Benoit Bronckart (Sanglier Durbuy Adventures)
En cette période de l’année, c’est très calme ici. Est-ce l’un des aspects que vous espérez changer ?
Ce qui est formidable avec les Ardennes et Durbuy, c’est qu’il y a toujours quelque chose à faire tout au long de l’année. À cet égard, c’est un véritable paradis. En réalité, notre meilleur trimestre est toujours le dernier grâce à la période des fêtes de fin d’année, tandis que le premier trimestre est le plus calme. C’est pourquoi nous voulons nous concentrer sur les entreprises, les conférences, les activités de team-building et autres durant cette période.
Les résultats financiers restent mitigés. Comment s’est déroulée l’année écoulée ?
Plutôt bien. Malgré l’incendie, nous avons enregistré une très belle croissance et une trésorerie positive, ce qui nous permet d’autofinancer nos investissements. Jusqu’à l’incendie, 2024 était même une année particulièrement solide. Sans cet incident, nous aurions réalisé une croissance à deux chiffres de notre chiffre d’affaires. L’incendie a logiquement eu un impact négatif sur notre mois le plus important de l’année, ce qui ne nous empêche pas d’être satisfaits de l’année écoulée. L’ensemble des activités dans le centre-ville, que ce soit l’hôtel, les restaurants ou le spa, a progressé.
La nouvelle stratégie pour notre glamping Greenfields, qui, avec ses 400 lits, est en réalité notre plus grand hôtel, porte ses fruits. Nous nous concentrons désormais davantage sur l’organisation d’activités pour les clients du camping et moins sur les visiteurs d’un jour. Cela a permis une augmentation de notre chiffre d’affaires de plus de 20%. Il y a encore un potentiel de croissance important pour Adventure Valley, notre parc d’aventures. Le nombre de visiteurs y est resté stable l’année dernière, mais il doit absolument croître dans les années à venir. À l’échelle du groupe, je suis donc satisfait. D’un point de vue comptable, nous ne réalisons pas encore de bénéfices, mais nous sommes satisfaits de notre performance opérationnelle (Ebitda).
“D’un point de vue comptable, nous ne réalisons pas encore de bénéfices, mais nous sommes satisfaits de notre performance opérationnelle” – Benoit Bronckart (Sanglier Durbuy Adventures)
Avez-vous reçu une sorte d’échéance de la part de Marc Coucke pour atteindre la rentabilité ?
La priorité d’Alychlo est avant tout le client. Bien sûr, nous travaillons avec un budget annuel ambitieux. Nous gardons une vision à long terme, et la tendance est positive. Mais il va de soi que je ne suis pas ici pour une simple croissance de quelques pour cent. Nous avons de grandes ambitions. Nous visons une croissance annuelle à deux chiffres. Notre vision se traduit par un plan à long terme, qui ne peut être réalisé en un ou deux ans. C’est un projet ambitieux, mais les entités impliquées ne sont pas encore toutes parvenues au même niveau de maturité. En réalité, il s’agit d’un ensemble de PME que nous devons maintenant structurer afin qu’elles collaborent mieux et se renforcent mutuellement. Pour cela, nous devons encore accroître nos capacités, élargir notre offre et la faire connaître davantage à l’international. Aujourd’hui, plus de deux tiers des visiteurs d’Adventure Valley sont belges. Nous pouvons donc encore davantage nous tourner vers les marchés néerlandais et français.
Mais il doit bien y avoir un objectif concret, une échéance pour rendre les activités réellement rentables ?
Notre but est d’offrir aux clients une expérience parfaite. Nous avons des objectifs précis sur notre positionnement à 5 ans, à 10 ans. Nous avons une grande confiance en l’avenir. Nous voyons un fort potentiel à Durbuy et dans la région, et nous sommes déjà rentables sur le plan opérationnel. Nous avons les moyens d’investir, et dans toutes nos décisions, le client reste au centre. Une décision bénéfique pour le client l’est également pour notre activité. Nous voulons surtout bâtir quelque chose de durable. Grâce à notre cash-flow opérationnel, nous avons le choix entre de nouveaux investissements ou le remboursement de la dette. Et nous privilégions la première option. Cela peut sembler paradoxal, mais bien que nos ambitions soient élevées et la pression forte, il n’y a pas d’urgence immédiate à court terme.

Avez-vous beaucoup de contacts avec Marc Coucke ?
Bien sûr. Marc Coucke et l’équipe d’Alychlo sont des entrepreneurs très impliqués et portent une immense attention aux clients. Marc Coucke a une forte intuition, et nous nous comprenons bien. Certaines semaines, nous avons deux ou trois appels téléphoniques, puis il peut arriver que je ne l’entende pas pendant une ou deux semaines. Mais après chaque échange avec lui, qu’il s’agisse d’une discussion de 10 minutes ou d’une réunion plus longue, je ressors toujours avec une liste d’idées et de pistes de réflexion. C’est très stimulant. Marc Coucke suit de près le business, il vient régulièrement à Durbuy et connaît parfaitement les chiffres. Nous avons une collaboration intense avec le conseil d’administration et Alychlo, mais avec une grande autonomie pour gérer les choses comme nous l’entendons.
Y a-t-il aussi des plans pour de nouvelles activités ? À une époque, il était question d’un musée, avec notamment des œuvres de Marcel Duchamp.
Nous avons actuellement cinq entités principales : la vieille ville, Adventure Valley, Greenfields, les terrains de golf et les résidences de vacances. Chacune de ces entités nécessite encore des investissements. Pour l’instant, notre priorité est Le Sanglier des Ardennes et Adventure Valley. Un musée fait partie des nombreuses options envisageables, mais ce n’est pas une priorité à court terme. Ce qui est intéressant, c’est que nous avons un large éventail de projets et d’idées parmi lesquels choisir. Mais notre priorité actuelle est de structurer et développer les entités existantes. Notre objectif avec SDA est de devenir une plateforme complète pour toutes les activités de loisirs à Durbuy et aux alentours.
“Notre objectif est de devenir une plateforme complète pour toutes les activités de loisirs à Durbuy et aux alentours.” – Benoit Bronckart (Sanglier Durbuy Adventures)
Le gouvernement wallon veut fortement investir dans la relance économique de la région. Avez-vous déjà ressenti les effets de ces plans ?
Comme toute entreprise, nous avons besoin d’un environnement politique qui soutienne l’économie et l’entrepreneuriat. Ce dont nous avons surtout besoin, c’est de stabilité, ainsi que de règles claires et simples. J’ai pris connaissance des propositions concernant l’horeca, les horaires de travail, les flexi-jobs. Beaucoup d’entre elles sont bienvenues et peuvent nous aider à recruter du personnel. C’est un défi majeur dans ce secteur, et encore plus dans cette région peu densément peuplée. Nous sommes l’un des plus gros employeurs de la région avec 280 emplois à temps plein. Près de 80% de nos employés vivent dans un rayon de 30 kilomètres autour de Durbuy. En été, nos effectifs grimpent jusqu’à 700 personnes grâce aux flexi-jobs et aux étudiants. Cela montre notre importance : nous créons de la valeur pour cette région. Et nous voulons être ce moteur de développement, en collaboration avec les autorités locales et la population.
Le personnel est un élément clé dans votre secteur.
C’est même l’élément le plus important. Mes premiers mois ont été entièrement consacrés à la constitution d’une équipe solide. Nous sommes dans un secteur qui existe par et pour les gens. Le recrutement et la formation de notre personnel sont donc des priorités absolues. Notre équipe garantit non seulement la sécurité et le bon fonctionnement des opérations, mais aussi la qualité de l’expérience client. Le plaisir de nos visiteurs repose sur l’engagement de nos collaborateurs, et cela, l’intelligence artificielle ne pourra pas le remplacer de sitôt.
Profil
• Né à Rocourt (Liège) le 27 août 1976
• Master en business engineering, administration en management à HEC-ULg à Liège
• A été customer & trade marketing manager chez Unilever
• A travaillé 15 ans chez AB InBev, en Belgique, France et Italie, notamment comme business unit president de la division Europe-Centrale.
• Depuis septembre 2023, il est le CEO de Sanglier Durbuy Adventures