Volkswagen a développé depuis 25 ans un véritable parc à thème près de son siège, à Wolfsburg. Il attire plus de deux millions de visiteurs par an. C’est aussi un site de livraison de voitures, où les clients viennent en famille.
Venir chercher son auto à l’usine ? C’est devenu une tradition en Allemagne. Chez Volkswagen, plus de 25% des clients viennent chercher leur véhicule en famille, à Wolfsburg (à 90 km de Hanovre), la ville où s’élève l’usine historique du groupe. C’est possible aussi chez les autres constructeurs du pays, mais VW a poussé très loin la démarche en construisant, en 2000, un véritable parc de loisirs baptisé Autostadt, l’un des plus populaires du pays.
Le symbole d’Autostadt est constitué par deux tours de verre, les Car Towers (Autotürme, en allemand), hautes de 48 mètres. Les clients y aperçoivent leur voiture quelques heures avant d’en prendre le volant. Les véhicules y sont amenés via des souterrains sur des chariots automatisés, puis rangés, en hauteur, dans leurs alvéoles, dans un ballet d’ascenseurs robotisés, un spectacle très couru. Les images de l’intérieur de ces tours – des étagères en cercles remplies d’autos – sont souvent utilisées par la presse pour illustrer les articles sur le secteur de l’automobile.
Ensuite, les véhicules rejoignent un centre de livraison voisin, où les clients viennent les chercher et reçoivent des explications, après une dernière inspection et la pose des plaques d’immatriculation.
Trois cents livraisons par jour
Les acheteurs viennent de tous les coins du pays. “On les reconnaît car ce sont de petits groupes qui viennent généralement en train, des familles, avec leurs plaques”, explique Blanche de Béarn, qui m’a guidé à travers le site et ses coulisses. “Ils restent souvent un ou deux jours pour visiter Autostadt et la ville.” Le rythme des livraisons atteint les 300 voitures par jour.
Wolfsburg est bien connue en Allemagne : c’est le siège du groupe Volkswagen et s’y trouve sa principale usine automobile, l’une des plus grandes du monde. VW y occupe 60.000 personnes. La ville est construite autour de l’usine, dont la capacité maximale de production est d’environ 4.000 autos par jour, et qui en assemble actuellement plus de 2.000 quotidiennement. L’installation assemble des Golf, des Touran, des Tiguan. Une partie des modèles livrés à Autostadt sont issus d’autres sites. Les électriques ID.3 ou ID.4 proviennent surtout de Zwickau, près de Leipzig, à 300 kilomètres au sud-est.
Venir chercher sa voiture au siège du constructeur est une tradition bien établie outre-Rhin. BMW dispose à cet effet d’un bâtiment dédié à cette fonction : BMW Welt, à Munich, voisin du siège du groupe bavarois et de son musée. C’est aussi un immense show-room à l’architecture audacieuse, présentant les derniers modèles du groupe (BMW, autos et motos, MINI, Rolls-Royce), retraçant l’histoire de ses marques, et libre d’accès.
Seulement pour les clients allemands
Pour les clients belges, cette livraison à l’usine est quasiment impossible. “Il est trop compliqué d’organiser une livraison à Autostadt, regrette Jean-Marc Ponteville, porte-parole de D’Ieteren Automotive. Une nouvelle voiture doit être immatriculée sur le territoire belge, cela rend une livraison en Allemagne très difficile.” Tout au plus, Porsche organise des livraisons à l’usine de Zuffenhausen pour les clients du programme “Sonderwunsch”, via lequel les autos peuvent être personnalisées (couleur unique, sellerie, équipement spéciaux…). Le niveau des tarifs de ces véhicules permet d’absorber le surcoût des formalités.
Volkswagen a poussé très loin le concept de la livraison à l’usine. Elle a lieu dans un parc de loisirs paysager déployé sur 28 hectares, et structuré autour de lagons.
Autostadt comporte des pavillons, un par marque du groupe, qui en réunit quelques-unes (VW, Audi, Seat/Cupra, Bentley, Lamborghini, notamment). S’y ajoutent encore celui de Porsche, qui n’est plus dans le groupe, ainsi que la Zeithaus (la maison du temps) qui retrace l’histoire de l’automobile avec les modèles qui ont apporté des innovations ou marqué l’époque : Coccinelle, mais aussi Ford T, DS, R16, etc. Le site compte également des zones de loisirs aquatiques, avec un toboggan de 18 mètres de haut, fort apprécié en été, ainsi que beaucoup d’attractions et de jeux pour les enfants.
Enfin, le parc comprend un hôtel 5 étoiles (Ritz Carlton) et un restaurant 3 étoiles au Michelin (Aqua).
Une histoire compliquée
• Fondation en 1938. Inauguration de l’usine par Adolf Hitler, chancelier de l’Allemagne. Il avait souhaité la production d’une voiture populaire, conçue par Ferdinand Porsche : la Coccinelle. C’est un projet public. Le site se situe entre Berlin et Hanovre, proche d’un canal et d’une ligne ferroviaire. Une agglomération sera construite pour héberger les travailleurs. Le nom Wolfsburg provient d’un château voisin.• Usine d’armement pendant la guerre. L’usine participe à l’effort de guerre allemand, en produisant notamment des Kübelwagen (des jeep allemandes), en utilisant de la main-d’œuvre forcée.
• Renaissance britannique. Située après-guerre dans la zone d’occupation britannique, l’usine est relancée par le major Ivan Hirst. Il tente en vain d’intéresser des constructeurs britanniques. Hirst a relancé avec difficulté la production de la Coccinelle, d’abord pour les forces alliées. Le site passe ensuite entre les mains du Land de Basse-Saxe, en 1948. La même année, la société D’Ieteren devient importateur en Belgique.
• Numéro 1 mondial. La Coccinelle devient un succès dans les années 1950. C’est la base de la progression du groupe VW, devenu numéro 1 mondial entre 2016 et 2018, en vendant annuellement entre 9 et 10 millions de véhicules, grâce à des usines dans le monde entier. Toyota l’a depuis lors dépassé.
Will Smith, Zaz et Tom Jones en concert
La vie du parc est ponctuée par des événements. Le Summer Festival a attiré notamment Will Smith, Katie Melua, Ray Dalton, Tom Jones, Samu Haber, la Française Zaz. En hiver, on y patine et on y déambule dans un marché de Noël. La création d’Autostadt remonte à 2000. Auparavant, le site ne comptait qu’un parking, des réserves de carburant et des hangars. La “ville de l’auto” est le résultat d’un plan qui ambitionnait de sortir Wolfsburg d’une certaine déprime. La cité, qui compte plus de 125.000 habitants, était trop dépendante du constructeur. Quand ce dernier va moins bien, le chômage augmente. La municipalité et le constructeur, dont le Land de Basse-Saxe est un actionnaire important (11,8% actuellement), ont alors mis en place, dans les années 1990, un partenariat public-privé avec des projets pour attirer d’autres entreprises et rendre la ville plus attractive.
C’est dans ce contexte qu’a été créé Autostadt. Le parc est né de la volonté de Ferdinand Piëch, CEO du groupe VW à l’époque. Il a mis la pression pour que tout soit prêt pour l’Exposition universelle de Hanovre en 2000, après seulement deux ans de chantier.

L’idée fixe de Ferdinand Piëch
Ferdinand Piëch a voulu construire une plateforme de communication pour le groupe dans un environnement de loisir familial. Il a articulé le parc autour de la livraison de voitures des marques VW et Seat (Cupra actuellement).
Même si les véhicules des autres marques n’y sont pas livrés, il a tenu à ce que chaque marque du groupe y soit représentée par un pavillon, comme chaque pays à l’expo de Hanovre. Le plus spectaculaire est sans doute celui de Porsche. Il se distingue par l’absence de bâtiment visible, car les salles sont souterraines. Le visiteur descend le long d’une allée en spirale vers les derniers modèles (un Macan électrique et un Taycan, plus une 911), dans un décor noir qui sert d’écrin aux voitures.
La seule structure visible est symbolique : une salle de concert de plein air, couverte par une structure courbe en porte-à-faux, surmontant une scène installée face à une étendue d’eau. La Porsche Bühne (scène Porsche), d’une capacité de quelques centaines de personnes, accueille les concerts à petite capacité durant l’été, tandis qu’une scène provisoire servant aux concerts qui attirent un plus grand public, la Lagune Bühne (scène du lagon), peut accueillir jusqu’à 10.000 personnes.
Ferdinand Piëch a voulu construire une plateforme de communication pour VW dans un environnement de loisir familial.
Il faut bien deux jours pour parcourir Autostadt et en faire l’expérience. La voiture est partout, mais les attractions et animations couvrent des sujets plus larges. L’espace Mobiversum accueille des enfants de tous âges : ils y font du bricolage, des expériences scientifiques, voire de la cuisine. Il y a même un car design studio pour que les adolescents puissent créer leur propre maquette d’auto. Des expositions temporaires sont organisées, sur l’intelligence artificielle notamment.
Les clients VW allemands qui viennent chercher leur voiture bénéficient de conditions particulières : tickets gratuits pour l’accès à Autostadt pour eux et leur famille (sinon, c’est 20 euros par personne), réduction à l’hôtel Ritz Carlton pour ceux qui veulent s’offrir un extra. Ils peuvent faire des tours guidés, participer à des stages de conduite, notamment sur une piste tout-terrain.
City-trip dans une ville industrielle
Autostadt n’est pas réservée aux seuls acheteurs de VW en Allemagne. Le public est beaucoup plus large. Et d’autres projets ont augmenté l’attractivité de la ville industrielle allemande.
Le plus spectaculaire est Phaeno, le musée des sciences, œuvre de l’architecte Zaha Hadid, ouvert en 2005, et qui se dresse entre la gare et Autostadt. C’est une œuvre architecturale particulièrement originale, comparée dans sa créativité au Guggenheim de Bilbao, de Frank Gehry, ou au Centre Pompidou de Paris. Il ressemble à un vaisseau spatial et repose sur 10 cônes de béton inclinés qui donnent le sentiment d’un bâtiment en suspension dans l’air. Il est rempli d’expériences qui permettent aux visiteurs de s’initier aux sciences. Une sorte de Technopolis (le centre des sciences de Malines), en plus grand et encore plus audacieux. Phaeno permet de diversifier les pôles d’attraction de la ville, car tout le monde n’est pas passionné par la voiture.
Une autre partie du plan d’attractivité est la construction, à côté du musée Phaeno et d’Autostadt, d’un village de marques, un outlet center qui est le plus grand d’Allemagne. Ce dernier compte surtout des marques de vêtements proposant des tarifs réduits.
Tous ces projets montrent, sur le terrain, le tour de force que peuvent réaliser une ville industrielle et son entreprise phare pour se transformer en destination de city-trip.
Wolfsburg se trouve à environ 55 km de la Belgique. La ville est accessible en train via Cologne. Infos sur Autostadt.de (en anglais et en allemand).
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