Après un mois de juillet très pluvieux, quels risques pour la cuvée 2023 du vin belge ?
Un mois de juillet particulièrement humide qui suit une période de sècheresse de plus d’un mois. Quel est l’impact de ce grand écart climatique sur la production de vin en Belgique ? Éléments de réponse avec la “Bonne Baronne” Jeanette Van der Steen, du Château Bon Baron à Dinant.
Sale temps en Belgique. Plusieurs records ont été battus en juillet, note l’Institut royal météorologique (IRM) dans son rapport mensuel, sobrement intitulé “Un mois humide et plutôt sombre”. Ainsi, il n’avait jamais autant plu sur les dix derniers jours du mois juillet à Uccle (sur la période de référence, c’est-à-dire depuis 1991). Il est tombé 91 mm/m², soit le triple de la moyenne. Autre record : 21 jours de pluie sur le mois.
Le mois qui vient de se finir devient ainsi le troisième mois de juillet le plus humide, avec 131 mm. La normale saisonnière est d’à peine 77 mm. Le mois de juillet le plus pluvieux est le tristement célèbre mois de juillet 2021, avec 166,5 mm, à Uccle.
Or cette période humide (il devrait en plus continuer à pleuvoir jusque mardi prochain) suit une période très sèche. Juste avant, la météo a failli égaler son précédent record de jours sans précipitations. “Le 16 juin a été le 32ème et dernier jour d’une longue période sans précipitations à Uccle. Depuis le début des observations à Uccle (1892), il s’agit de la deuxième plus longue période de sécheresse”, selon l’IRM.
Cette météo qui passe d’un extrême à l’autre a des conséquences sur les nombreux secteurs qui dépendent de la météo. Et c’est, notamment, le cas du vin belge. À un mois et demi environ des premières vendanges, quel pourrait être l’impact sur la cuvée 2023 ?
“Pas encore inquiète”
“Nous sommes contentes, la floraison s’est bien passée”, nous explique Jeanette Van der Steen du Château du Bon Baron, situé du côté de Dinant. Il s’agit de la période où la fleur se transforme en raisin. Elle se termine habituellement à la mi-juin. Mais pour la suite, elle estime qu’il faut rester vigilant : “S’il y a de la pluie et de la chaleur, il y a des risques qu’il y ait des champignons. Il y en a tous les ans, mais cette année je m’attends à ce qu’il y en ait plus. Pour l’instant, je ne suis pas encore inquiète… mais il faut rester prudent.”
Elle sait que le plus important est d’anticiper. Et pour cela, elle peut s’appuyer sur un réseau d’informations. “Nous avons un groupe WhatsApp avec d’autres vignerons wallons. On y partage des informations sur l’état de la vigne, et on s’avertit en cas de soucis constatés. S’il y a des maladies comme le botrytis, on sait qu’on doit être extra prudent et qu’on doit prendre des mesures pour se protéger.” Elle indique que pour l’instant, les autres vignerons partagent les mêmes constats qu’elle quant à l’impact du temps pluvieux, mais qu’il peut y avoir des différences entre les régions.
Jeanette Van der Steen a des astuces en tout cas, pour se prémunir contre les effets de la chaleur ou de l’humidité. Cacher les raisins avec les feuilles, les enduire d’un film d’argile, pour refléter le soleil, s’il fait chaud. Pour un temps pluvieux, l’astuce est d’avoir un vignoble exposé au vent, pour que les vignes puissent sécher plus vite. Mais les cépages réagissent très différemment aux conditions météorologiques. Au Château Bon Baron, il y a 14 types différents et le résultat est différent tous les ans.
Mauvaise récolte ? Une opportunité surprenante
Celle que l’on surnomme “La Bonne Baronne” se souvient de l’été 2021. Elle n’avait alors récolté que le tiers de la production habituelle. “Certains domaines dans notre région n’ont rien pu récolter du tout, avec les inondations”. L’année suivante, la récolte était cependant exceptionnelle : “Si elle produit moins une année, la vigne va faire des réserves et stocker de l’énergie et de la nourriture. Elle produira normalement davantage l’année suivante”, explique-t-elle. L’été suivant avait en plus été très chaud et ensoleillé (et sec).
La viticultrice espère néanmoins un peu de soleil et de chaleur pour les semaines à venir. Le raisin en a notamment besoin pour développer du sucre, ce qui fait le goût et l’alcool du vin.
“Le changement climatique profite au vin belge”
Mais pas trop de sucre non plus – sinon le vin devient trop chargé en alcool. C’est notamment le cas dans le sud de l’Europe : les vins deviennent plus “lourds” avec le réchauffement climatique, allant jusqu’à 14, 15, voire 16 degrés, selon Jeanette Van der Steen. Les viticulteurs doivent alors ajouter des produits pour faire baisser le taux d’alcool. “En Belgique, ce n’est pas le cas. Le vin a plus de fraicheur, de manière naturelle”, continue la vigneronne, faisant référence à un taux d’alcool moindre dans le vin belge.
Mais ce n’est pas le seul élément qu’elle observe avec le changement climatique. “Le réchauffement climatique profite au vin belge. Il y a un temps ‘plus beau’ aujourd’hui qu’il y a 30 ou 40 ans. Le vin devient ainsi de plus en plus qualitatif.” Elle note également qu’il y a moins de grêle et de gel de printemps dans notre pays – là où ces phénomènes augmentent dans le sud de l’Europe, avec des conséquences désastreuses pour la production de vin.
Pour conclure, Jeanette Van der Steen fait l’éloge du vin belge. “Il y a aujourd’hui beaucoup de maturité dans la production. Les vins belges gagnent de plus en plus de prix. Dans des tests à l’aveugle, les critiques choisissent souvent nos produits locaux.”
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