Antonio Baptista (Makro): “Nous devenons le grand supermarché spécialisé de proximité”
En pleine restructuration, le distributeur allemand inaugure ce jeudi son nouveau concept dans son magasin de Machelen. L’enseigne tente une relance par la spécialisation alors que son modèle est sous pression, attaqué par la proximité, les magasins spécialisés et l’e-commerce. Nous avons rencontré son CEO pour la Belgique, Antonio Baptista.
C’était en juin 2016. Deux ans seulement après un premier plan de restructuration, Makro et Metro annonçaient à nouveau leur intention de supprimer des emplois. Quelque 505 emplois menacés, soit un emploi sur six chez nous.
Parallèlement, le groupe allemand annonçait la mise en oeuvre d’une toute nouvelle stratégie commerciale destinée à relancer ses marques. Soutenue par un plan d’investissement de 61 millions d’euros, cette stratégie est basée sur la spécialisation. Makro a décidé d’abandonner une bonne fois pour toutes son positionnement de grossiste et de se centrer clairement sur le particulier. L’enseigne a par ailleurs décidé de se concentrer sur trois spécialisations (good food, party et home).
Sur ses six magasins belges, Makro vient d’en rénover deux selon ce nouveau concept (ceux de Machelen et de Lodelinsart). Les travaux sont encore en cours dans les autres hypers du groupe, et devraient prendre fin en juin prochain. Retour sur les défis de l’enseigne avec Antonio Baptista, CEO pour la Belgique.
Trends-Tendances. D’après plusieurs experts, votre nouvelle stratégie commerciale est une stratégie de la dernière chance… Qu’en pensez-vous ?
Antonio Baptista. Nous ne voyons pas les choses comme ça. Makro doit se réinventer car nos clients nous demandent de nous réinventer. Nous n’avons pas suffisamment accompagné l’évolution des modes de consommation et nous avons trop longtemps pensé que notre façon de faire était la bonne. Après avoir mené une réflexion sur les changements demandés par nos clients, nous avons élaboré une stratégie très claire. Pendant longtemps, nous nous sommes adressés aux PME et aux indépendants, alors que les chiffres montraient que les particuliers constituaient la base majoritaire de notre clientèle. Tant que notre cible n’était pas claire, notre proposition de valeur ne pouvait être claire. Pour vous donner un exemple, si nous décidons que notre cible est le consommateur final, le packaging doit être adapté. Nous devons privilégier les petites quantités.
Vous avez donc clairement décidé de vous centrer sur les particuliers ?
Tout à fait, même si nous avons décidé de conserver notre assortiment destiné aux professionnels de la construction/rénovation et du jardinage. Notre atout, c’est l’espace dont nous disposons dans nos six magasins. Cet espace doit être utilisé pour faire de la spécialisation et proposer une grande profondeur d’assortiment.
Si votre rayon électro a disparu au profit de shops-in-the-shops Media Markt, vous aviez également déclaré vouloir trouver des partenaires spécialisés pour d’autres secteurs dans lesquels vous n’estimiez plus pouvoir fournir une offre suffisamment pertinente face aux spécialistes. Il s’agit des rayons textile et livres. Qu’en est-il ?
En ce qui concerne les livres, nous pensons qu’avec le partenaire que nous avons, nous sommes en mesure de conserver ce secteur. Pour les vêtements, nous sommes à la recherche de partenaires avec lesquels nous pourrions travailler. Le chiffre d’affaires de l’activité textile est intéressant, mais à long terme, nous ne pensons pas avoir la capacité de permettre un renouvellement rapide de l’offre. Nous sommes en train de mener des tests avec un partenaire qui doit nous permettre de bénéficier d’un renouvellement régulier des collections. Notre objectif est de continuer à gérer l’activité, mais de trouver un partenaire capable de trouver la marchandise.
Certains observateurs affirment que Makro ne sera plus un magasin primaire que l’on visite chaque semaine, mais bien un point de vente secondaire pour les grandes occasions. Vous partagez cette analyse ?
Je ne suis pas d’accord. Pour les clients qui vivent dans la zone de chalandise de nos points de vente, nous serons la destination pour l’alimentaire. Nous devenons leur grand supermarché spécialisé de proximité. En revanche, pour les clients qui habitent plus loin, nous serons intéressants pour le non-alimentaire, spécialement pour l’univers de la maison et celui de la fête. Ils pourront par ailleurs trouver chez nous des aliments très spécifiques.
Outre la concurrence de la proximité et des magasins spécialisés, les hypermarchés subissent de plein fouet la concurrence de l’e-commerce dans le non-alimentaire. Qu’allez-vous faire pour résister ?
Dans un premier temps, la partie alimentaire ne sera pas disponible en ligne. Mais les univers “maison” et “fête” seront pour leur part disponible sur notre site à partir du mois de juillet. Notre webshop fonctionnera comme une extension du magasin.
En ce qui concerne l’univers “good food”, vous allez devoir changer votre image auprès des clients. Un fameux défi…
Nous ferons la communication nécessaire. Mais je tiens à préciser que nous avons un savoir-faire dans tout ce qui est good food. Metro approvisionne les meilleurs restaurants. Alors si nous sommes capables de servir ce qui se fait de mieux dans la restauration belge, je pense que nous avons toute la légitimité nécessaire pour l’offrir à nos clients chez Makro.
Reste que la concurrence est rude sur ce segment avec Delhaize et différents petits concepts qualitatifs de proximité…
Oui mais notre concept good food s’adresse surtout aux clients proches de nos magasins, même si nous espérons aussi en attirer de plus lointains grâce à la qualité de nos produits.
N’est-ce pas un grand défi pour vous de proposer un univers “home” quand on voit la concurrence de magasins type Ikea, Casa, Blokker, etc. ; et surtout la situation dans laquelle se trouvent ces derniers, concurrencés par l’e-commerce et de nouveaux acteurs style Action ?
Encore une fois, nous servons aujourd’hui les artisans de la construction et du jardinage. Cela nous donne une légitimité énorme dans le secteur de la maison. Il est sûr que nous serons en concurrence avec Ikea sur certaines catégories, mais pas sur toutes. Et puis nous n’offrons pas la même proposition de valeur. Nous offrons certaines marques que l’on ne trouve pas ailleurs, et nous proposons des produits utilisés par les professionnels. Notre concept, ce n’est pas uniquement la décoration. Dans l’univers “maison”, nous proposons cinq “piliers” sous le même toit : construire, améliorer la maison, équiper la maison, ranger et enfin décorer.
Que va devenir le personnel qui travaillait dans le rayon électro, à présent aux mains de Media Markt ?
Media Markt va recruter le personnel dont il a besoin. Et le personnel qui travaillait au sein de notre rayon électro a la possibilité de postuler auprès de Media Markt. Par ailleurs, dans nos magasins rénovés, l’activité d’active selling devient très importante, ce qui fait des postes de travail supplémentaires. A la fin de notre transformation, nos magasins seront beaucoup plus vivants, au niveau du conseil, de la dégustation, etc.
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