Annick De Poorter (Ontex): “La durabilité est présente dans toutes nos conceptions”

Le centre R&D de Ségovie. "La région dispose de beaucoup de talents et se situe à proximité d’un centre de production important." © PG

Le mois dernier, Ontex a ouvert un centre de recherche et développement dans la ville espagnole de Ségovie. L’entreprise belge investit ainsi dans des produits de soin pour femmes et une production de couches plus circulaire. Pour ce dernier objectif, elle a collaboré avec la start-up Woosh.

La circularité est un mot-clé au siège d’Ontex, à Alost. Le fabricant de couches coté en Bourse, qui emploie 7.000 personnes et dispose de sites dans 14 pays, opère sur un marché dominé par les produits jetables. L’année 2025 marque la fin d’un plan triennal visant à transformer l’entreprise.

“Nous observons une croissance continue aux États-Unis, malgré les incertitudes géopolitiques, affirme le CEO Gustavo Calvo Paz. En même temps, nous espérons également progresser en Belgique. Nous voulons reconstruire notre site de Buggenhout pour en faire un centre important. Mais ce qui est le plus important, c’est améliorer nos résultats financiers. Nous visons un solide cash-flow et une forte croissance.”

L’innovation est un élément essentiel du plan de transformation. Ontex souhaite améliorer la performance de ses produits, un objectif important pour répondre aux exigences de qualité accrues des marques de distributeur. “Un centre de recherche et développement, comme ceux de Ségovie et de Buggenhout, transforme les idées en conceptions concrètes, soutient Annick De Poorter, directrice de l’innovation et de la durabilité. Les idées doivent être abordables, évolutives et rapidement commercialisables. En parallèle, nous intégrons la durabilité dans nos conceptions. Ce type de centre sert également à former les équipes de production.”

Ontex génère encore une quantité importante de déchets. Annick De Poorter espère que des produits plus facilement recyclables et des collaborations avec des start-up pourront changer cela. “Nous avons établi un partenariat avec Woosh, explique la responsable. Cette start-up belge livre nos couches aux crèches, les récupère après usage et les achemine vers l’usine de recyclage de Bruges.”

“Woosh livre nos couches aux crèches, les récupère après usage et les achemine vers l’usine de recyclage de Bruges.” – Annick De Poorter (Ontex)

Recycler les plastiques

GUSTAVO CALVO PAZ. “Les droits de douane sont là, il s’agit maintenant d’en atténuer les effets.” © PG

Ontex a exploré plusieurs manières de recycler ses produits. Certaines se sont révélées infructueuses. “Nous avons, par exemple, expérimenté le compostage avec des instituts de recherche, raconte Annick De Poorter. Le problème, c’est que les matériaux compostables sont beaucoup plus chers. Cela nuit à l’accessibilité de nos produits. De plus, les matériaux résiduels après compostage ont une valeur moindre que ce que nous obtenons via le recyclage avec Woosh.”

La start-up a développé un procédé permettant de séparer les plastiques contenus dans les couches des matières organiques. Ces plastiques sont ensuite réutilisés. Parallèlement, Ontex conçoit des couches plus faciles à recycler.

“La couche est conçue pour Woosh, poursuit la directrice de l’innovation et de la durabilité. Son design la rend plus facile à recycler. Pour l’instant, cela concerne une gamme spécifique destinée aux crèches partenaires de la start-up. Mais les innovations s’infiltrent aussi dans nos produits classiques.”

Démographie

Ontex fabrique des produits d’hygiène, comme des couches et des protège-slips. L’entreprise se concentre sur trois grands segments : les produits pour bébés, l’hygiène féminine et les soins aux personnes âgées. Elle produit principalement pour les marques de distributeur (MDD).

“En Europe, nous travaillons depuis longtemps pour les distributeurs, indique le CEO Gustavo Calvo Paz. Leurs marques étaient initialement conçues pour offrir une alternative bon marché aux marques nationales. Aujourd’hui, elles misent davantage sur la qualité. Parfois, on ne distingue plus vraiment la différence entre une MDD et une marque nationale.”

Les facteurs démographiques sont très importants pour une entreprise comme Ontex. Avec la baisse du taux de natalité, la demande de couches pour bébés diminue, mais le vieillissement de la population entraîne une hausse des ventes de couches pour adultes. “Notre marché ne connaît pas une croissance rapide, résume le dirigeant. Mais nous parvenons à compenser la baisse d’un segment par la croissance d’un autre.”

Les dernières années ont toutefois été difficiles pour Ontex. L’entreprise était fortement endettée, en raison de coûts incontrôlés et d’investissements importants, notamment des acquisitions. Alors que l’action valait encore plus de 30 euros début 2016, elle a atteint un creux à moins de 6 euros en 2022.

Le casse-tête Trump

Gustavo Calvo Paz a pris la direction d’Ontex cette année-là, et il a, au cours des dernières années, cédé certaines parties de l’entreprise, notamment les filiales au Brésil, au Mexique, en Algérie et au Pakistan. En 2024, Ontex a également annoncé la suppression de 500 emplois en Belgique, avec la fermeture du site d’Eeklo. Le CEO souhaite recentrer l’entreprise sur les marchés clés que sont l’Europe et l’Amérique du Nord, et en affiner la structure.

“L’entreprise était dans une situation délicate en 2022, explique-t-il. Les performances financières étaient problématiques, tandis que l’empreinte et les opérations étaient trop importantes. Il y avait un manque de compétitivité. C’est pourquoi nous avons lancé un plan de trois à cinq ans. Les trois premières années devaient être marquées par une transformation intense, suivie de deux années supplémentaires de consolidation. Les deux dernières années se sont relativement bien déroulées. En 2025, nous espérons conclure la première phase du plan.”

Les résultats annuels de 2024 montrent que le plan de transformation semble porter ses fruits. Le chiffre d’affaires augmente, les coûts diminuent et la dette se réduit. Mais rien n’est certain en ces temps instables. L’élection de Donald Trump donne des maux de tête à Alost. Ontex dessert une partie des États-Unis via une usine au Mexique, désormais soumise aux mesures protectionnistes du président américain.

“Les droits de douane sont là, il s’agit maintenant d’en atténuer les effets, résume Gustavo Calvo Paz. Pour l’Amérique du Nord, nous prévoyons de desservir uniquement la côte Ouest via le Mexique, et la côte Est depuis notre usine en Caroline du Nord. Nous renforçons donc activement notre usine aux États-Unis. En parallèle, nous prenons des mesures d’atténuation, comme l’optimisation de notre logistique.”

“Les salaires ont joué un rôle”

Gustavo Calvo Paz reconnaît que les salaires ont joué un rôle dans le choix de Ségovie, mais selon le CEO, ce n’est pas la principale raison.
“Les salaires sont un facteur, je ne vais pas le nier. Mais la région dispose aussi tout simplement de beaucoup de talents et se situe à proximité d’un centre de production important. En tout cas, nous ne sommes pas en train de fuir la Belgique. Nous avons conservé le centre de connaissances et la production adult care sur notre site de Buggenhout, un marché en forte croissance. Et les salaires n’y sont certainement pas bas (rires). La fermeture du site d’Eeklo a été une décision difficile, mais nous devons devenir plus compétitifs. Nous devons rationaliser nos opérations. Cela signifie conserver un seul site de production et de R&D en Belgique. Nous allons y investir 45 millions d’euros. Nous voulons rendre notre présence belge plus compétitive.”

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content