Alexandre Dallemagne, nouveau propriétaire du Monde Sauvage d’Aywaille

Alexandre Dallemagne, CEO de Sodaphi et nouveau proprietaire du Monde Sauvage d Aywaille.
Frederic Brebant Journaliste Trends-Tendances  

Quel est le point commun entre le Monde Sauvage d’Aywaille, le championnat de Formule E avec ses F1 électriques, une maison médicalisée à Spa et des vélos reconditionnés à Malines ? Un Liégeois, Alexandre Dallemagne, qui mise sur les investissements durables. Portrait d’un homme plutôt discret.

C’est l’un de ses nombreux projets. Donner vie à la fameuse “Gyrosphere” aperçue dans le film Jurassic World en 2015. Un véhicule futuriste, électri­que, qui roule comme une bulle transparente, tout en étant solide et rapide. Mais cette fois, il ne s’agirait pas d’admirer les dinosaures ressuscités par des généticiens cupides sur une île improbable. Non, Alexandre Dallemagne se contenterait plu­tôt de faire voyager cette drôle de voiture parmi des animaux exotiques, certes, mais beaucoup plus familiers comme des tigres, des girafes, des ours et des singes. Une faune que l’on trouve par exemple au Monde Sauvage d’Aywaille, nouvelle propriété de cet investisseur discret.

Ambitieux, le fantasme circulaire de la “Gyrosphere” ne se réalisera peut-être pas avant plusieurs années, mais le jeune patron y croit car ce projet est justement à la croisée de ses multiples activités, entre mobilité électrique, ingénierie pointue et infrastructures touristiques. Depuis 10 ans, Alexandre Dallemagne est en effet présent, via son groupe Sodaphi, au capital de Spark Racing Technology, l’acteur incontournable du championnat de Formule E (la F1 version électrique) et, depuis quelques semaines à peine, l’administrateur délégué d’un parc animalier en région liégeoise: le Monde Sauvage d’Aywaille avec ses 40 employés et ses 670 animaux.

“C’est un peu le rêve d’un ado­lescent qui se réalise, confie ce Liégeois de 43 ans. J’avais déjà dessiné, de mon côté, un projet idéal de parc, mon Arche de Noé, mais j’ai finalement eu l’opportunité de reprendre le Monde Sauvage d’Aywaille. Je connais ce domaine par cœur et donc, maintenant, je vais pouvoir y insuffler ce que j’ai déjà mis sur le papier.”

Un nouveau souffle

Alexandre Dallemagne entend faire du parc liégeois non pas un concurrent mais un acteur complémentaire à Pairi Daiza. © Valentin Bianchi – Hans Lucas

Très sensible à la cause animale, Alexandre Dallemagne entend faire du parc liégeois non pas un concurrent mais un acteur complémentaire à Pairi Daiza, situé à l’autre bout de la Belgique. Le nouveau propriétaire veut repenser le Monde Sauvage d’Aywaille en travaillant sur “l’architecture naturelle des lieux pour aménager au mieux les espaces réservés aux animaux”, mais surtout redynamiser l’expérience visiteur avec des offres inédites. Un “continent asiatique” devrait ainsi prochainement émerger, tout comme de nouvelles plaines de jeux indoor pour mieux répondre aux caprices de la météo. L’aventure Safari du parc sera également revisitée dans les tout prochains jours, ainsi que les espaces de restauration qui seront rénovés et améliorés. Objectif: donner un nouveau souffle à cette attraction touristique pour faire passer le nom­bre actuel de 130.000 visiteurs par an à 200.000 dans un avenir proche.

Pour ce faire, Alexandre Dallemagne mise aussi sur une nouvelle offre de logements qui ne serait pas, à proprement parler, au cœur du Monde Sauvage d’Aywaille, mais juste en bordure du domaine. “Le master plan sera finalisé à la mi-septembre, détaille l’administrateur délégué, mais l’idée est de cons­truire des logements avec vue sur les animaux. Les premiers devraient être opérationnels au début de l’année 2026, mais à terme, dans 10 ou 15 ans, nous devrions proposer deux grappes de 40 logements, soit 80 au total. Et précisément, pour ce genre de projet, nous disposons d’une expertise puisque nous sommes aussi spécialisés, depuis de nombreuses années déjà, dans l’immobilier, la gestion d’infra­structures touristiques et les facility services.”

Immo durable

C’est effectivement avec la cas­quette de promoteur immobilier que le jeune Alexandre Dallemagne fait ses premiers pas professionnels. Fraîchement diplômé en tourisme d’affaires à Louvain-la-Neuve, il est rapidement engagé, au milieu des années 2000, par l’entreprise AD Réalisations, spécialisée dans le développement de projets immobiliers. “J’y avais fait mon stage de fin d’études, se souvient-il, et j’y ai beaucoup appris aux côtés du directeur Alain Delrez. Ma première mission consistait à construire un hôtel en région liégeoise et, même si cela ne s’est jamais fait, cela m’a permis de me créer rapidement un réseau et de m’intéresser de près à l’évolution des techniques énergétiques.”

Alexandre Dallemagne restera moins de deux ans chez AD Réalisations, mais ce passage sera décisif pour lui inculquer la fibre écologique. Il s’investit dans la construction de bâtiments passifs et basse énergie, et sera d’ailleurs le premier à travailler sur une maison passive en Wallonie, sur la base de matériaux classiques.

En 2007, il fonde l’entreprise Neo Construct avec son associé Bruno Busch, spécialisée dans les projets immobiliers durables, mais la crise financière de 2008 le pousse à prendre un nouveau virage. A 28 ans à peine, Alexandre Dallemagne est engagé comme directeur financier dans un groupe de soins de santé et découvre le monde des maisons médicalisées.

Le rêve électrique

Devenu directeur général quel­ques mois plus tard, il décide toutefois de quitter ce groupe pour fonder, à l’aube des années 2010, sa propre structure baptisée Sodaphi. Avec l’appui des banques, il rachète alors un château et son domaine à Spa pour y fon­der Les Sorbiers, une maison médicalisée avec une petite centaine de lits et 70 membres de personnel. L’opération se transforme rapidement en suc­cès et Alexandre Dallemagne peut alors enclencher la vitesse supérieure : en 2012, Sodaphi se lance dans l’immobilier résidentiel avec l’acquisition et la rénovation d’un immeu­ble de 15 logements à Angleur, puis la même année avec le rachat d’un manoir à Spa pour le transformer en un lieu de tourisme haut de gamme.

Le jeune trentenaire ne délaisse pas les enjeux du développement durable pour autant. Que du contraire. De plus en plus captivé par la “mobilité verte”, le patron de Sodaphi suit de près le développement des véhicules hybri­des et électriques. Il assiste à la montée en puissance de l’homme d’affaires Elon Musk et de sa marque automobile Tesla, en caressant le rêve d’endosser un jour, lui aussi, un rôle déterminant dans cette industrie naissante.

Le destin finit par lui sourire. En 2013, Alexandre Dallemagne rencontre deux acteurs clés d’une compétition automobile qui verra officiellement le jour un an plus tard à Pékin : le nouveau championnat de Formule E dédié aux monoplaces 100% électri­ques. Le premier de ces deux hommes se nomme Alejandro Agag. Il est le promoteur de cette compétition émergente qu’il a créée en partenariat avec la Fédération internationale de l’automobile (FIA) et dont il détient les droits commerciaux. Le second acteur est Frédéric Vasseur qui vient de fonder Spark Racing Technology pour équiper précisément le championnat de Formule E de voitures de course à propulsion électrique. Cet ingénieur français a en effet remporté l’appel d’offres de la FIA pour construire 42 mono­places destinées à la première saison 2014-2015.

Monoplaces et vélos

Jour de la Saint-Valentin, le 14 février 2014 est une étape déterminante dans le parcours d’Alexandre Dallemagne. Le CEO de Sodaphi signe avec Frédéric Vasseur pour entrer dans le capital de Spark Racing Technology à hauteur de 25%, de nouveau avec l’appui d’une grande banque. En coulisse, on parle de plusieurs millions d’euros. Un virage stratégique pour le patron belge qui commence à se faire un nom dans l’univers des voitures électriques et de la Formule E qui, depuis, a gagné en popularité.

“Spark Racing Technology emploie aujourd’hui une soixantaine de personnes et couvre tous les métiers qui concernent la monoplace électrique, explique Alexandre Dallemagne, de la conception d’un nouveau prototype à la course proprement dite, en passant par la chaîne de production. Personnellement, je ne suis pas présent dans l’opérationnel, mais plutôt dans la gouvernance et la surveillance à travers mon profil d’investisseur, tout comme Frédéric Vasseur qui, lui aussi, a quitté la direction tout en restant au capital, puisqu’il est devenu entretemps le patron de l’écurie Ferrari.”


De quoi donner encore un peu plus de crédit au patron de Sodaphi qui, depuis, a élargi le spectre de ses investissements dans la mobilité douce. Au début de cette année, le groupe belge a en effet participé à la dernière levée de fonds de la société française Upway, spécialisée dans la vente de vélos électriques reconditionnés. Un tour de table de quelque 30 millions et qui permet aujourd’hui au groupe Sodaphi de détenir, via son investissement, un petit 3% de cette entreprise qui voit grand : après l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique où elle vient d’ouvrir son premier centre de reconditionnement à Malines, la société Upway vise le développement de sa marque aux Etats-Unis où elle a déjà posé le pied à New York.

Quatre grands pôles

MONDE SAUVAGE D’AYWAILLE. L’idée d’Alexandre Dallemagne est de travailler sur l’architecture naturelle du parc pour aménager au mieux les espaces réservés aux animaux. © PG

Pour clarifier quelque peu les différentes activités de son groupe d’investissement, Alexandre Dallemagne a réorganisé Sodaphi en quatre grands pôles d’activité. Le premier, So’Move, est préci­sément axé sur la mobilité verte et vise à dynamiser le développement de véhicules hybrides et électriques. Le deuxième, So’Care, est focalisé sur le développement et la gestion d’infra­structures dans les secteurs des soins et de la santé. Le troisième, So’House, est ancré dans le tourisme à travers différentes activités telles que la rénovation et la gestion de gîtes, de villages de vacances et de parcs de loisirs, avec la volonté de s’ouvrir davantage à l’écotourisme. C’est dans cette optique que le groupe est d’ailleurs entré au capital de la société Immobilière de Mambaye pour construire, à Spa, un nouveau village de vacances écoresponsable et neutre en CO2.

Enfin, le dernier pôle So’Invest a pour mission d’investir dans des projets sociétaux ou envir­onnementaux durables via des participations minoritaires. “Je les vois plutôt comme des participations prospectives dans l’impact, corrige Alexandre Dallemagne. Nous sommes par exemple présents dans la société Newtree qui est spé­cialisée dans le chocolat et le café écoresponsables.”

Distincts mais complémentaires, ces quatre pôles “durables” permettent surtout à Alexandre Dallemagne de connecter aujour­d’hui, via Sodaphi, les différentes compétences de chaque entité et d’encourager si possible les synergies. Histoire de voir peut-être un jour une “Gyrosphere” parcourir les vastes étendues du Monde Sauvage d’Aywaille…

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