Comme Yves Saint Laurent, mais avec des fleurs

© Liesje Reyskens

Nele Ost et son époux Yann Callaert ont repris les rênes du célèbre fleuriste Daniël Ost. Cela fait déjà deux ans que the man himself a pris sa retraite. Cette transition est passée quasi inaperçue et selon eux, c’est plutôt une bonne chose: “Le plus beau compliment, c’est quand personne ne se rend compte que les bouquets ont été composés par quelqu’un d’autre.”

Nele Ost a grandi comme presque tous les enfants de commerçants: dans les rayons, en jouant et en aidant ses parents. Il arrivait donc que des clients choisissent sans le savoir des fleurs portant non pas la signature du père Daniël Ost, mais celle de la petite Nele. “Je mettais mes créations en douce dans la vitrine… à la grande surprise de mes parents lorsqu’un client choisissait mon bouquet”, jubile-t-elle encore aujourd’hui. Entre-temps, beaucoup de choses ont changé. Le magasin de fleurs de son enfance, Floreal, créé en 1979 à Sint-Niklaas, s’est épanoui en une entreprise au nom de plus en plus connu de son fondateur. Avec à son actif, pour ne citer que quelques highlights, le statut de fournisseur royal de la cour des Saxe-Cobourgs, des mariages royaux bien au-delà des frontières, une oeuvre d’art aux Floralies de Gand et une scène recouverte de fleurs à Tomorrowland, Daniël Ost est considéré comme l’un des meilleurs fleuristes au monde. Une icône de Lochristi au Qatar.

Comme Yves Saint Laurent, mais avec des fleurs
© Liesje Reyskens

Ce que l’on sait moins, c’est que le fleuriste de Sint-Niklaas, aujourd’hui âgé de 68 ans, a passé le flambeau il y a quelque temps. Aujourd’hui, Nele Ost n’a plus besoin de faire passer ses bouquets en douce. Avec le projet de succéder à son père, elle a rejoint l’entreprise en 2014, après des études de gestion hôtelière et du travail dans le monde de la mode et les événements. Elle avait une seule condition: “Je ne voulais pas être toute seule à la barre, ce n’était pas faisable. J’ai toujours vu mes parents travailler ensemble, ils se complétaient parfaitement.” Aujourd’hui, Nele Ost est directrice créative: elle conçoit les bouquets et les événements, elle gère l’orientation créative des équipes étrangères et travaille, entourée de fleurs, dans la boutique de la Dumortierlaan à Knokke. Son époux, Yann Callaert, en est le CEO. Nele: “Je ne suis vraiment pas douée en affaires: je m’en remets à lui pour cela.”

Comme Yves Saint Laurent, mais avec des fleurs
© Liesje Reyskens

“Je m’occupe du côté économique, commercial et de tout ce qui concerne le personnel”, complète Yann. Pour cela, ce n’est pas nécessaire d’avoir grandi parmi les renoncules, les iris et les lys. “Gérer une entreprise tourne souvent autour des mêmes aspects, qu’il s’agisse de pneus de voiture ou de fleurs.”

Yves Saint Laurent

“L’image que nous souhaitons véhiculer, c’est le respect du nom et des valeurs de l’entreprise, maintenant que Daniël n’en est plus le personnage principal”, explique Yann. À l’exception de quelques projets, comme l’académie des fleuristes, Daniël Ost n’est aujourd’hui actif qu’en tant que président du conseil d’administration. “En ce sens, nous voulons évoluer comme les maisons de haute couture. Tout le monde sait que les vêtements Yves Saint Laurent ne sont plus conçus par Yves Saint Laurent.”

“Évidemment, c’est difficile de succéder à une légende”, confie Nele à propos du changement de génération. “Daniel Ost est le bébé de mes parents, il fallait apprendre à lâcher prise et à faire confiance. Il y a eu des hauts et des bas, ce n’était pas toujours aussi facile. Je mentirais si je disais qu’il n’y a jamais eu de conflit.”

Comme le nom et le style sont restés pratiquement inchangés — le père de Nele lui a évidemment appris toutes les ficelles du métier — la transition est passée inaperçue pour de nombreux clients. “Mais ce n’est pas très grave, car le plus beau compliment, c’est quand ils ne se rendent pas compte que les bouquets ont été composés par quelqu’un d’autre.” C’est la continuité et non l’excentricité qui prime.

Ainsi, hormis les projets de création d’une nouvelle boutique un peu plus lifestyle hébergée par le futur hôtel Corinthia à Bruxelles, la relève par la nouvelle génération se remarque à peine dans les boutiques de Sint-Niklaas, de Bruxelles et de Knokke. Les changements se sont en grande partie déroulés en coulisses — “pour ce qui est de la structure, de l’innovation et de la gestion du personnel” — et à l’étranger.

Survivre dans le désert

Alors que Daniël Ost était passionné par le Japon, la nouvelle route commerciale conduira la génération suivante au Moyen-Orient. “En Belgique, il y a des fleurs dans les jardins et dans les champs, mais ce n’est pas le cas là-bas”, déclare Yann. “Le potentiel est énorme: il y a du capital, ils souhaitent se positionner comme une destination de voyages touristiques et d’affaires, et les hôtels y poussent comme des petits pains.”

Au Moyen-Orient, avec les bijoux et le chocolat, les fleurs sont l’un des rares cadeaux socialement acceptables. L’Islam interdisant les effigies, c’est aussi une expression d’art visuel qui est autorisée. Ajoutez à cela le processus épineux d’exportation de fleurs coupées qui préfèrent les températures entre cinq et dix degrés pour survivre dans un climat désertique, et vous comprendrez à quel point les fleurs sont teintées de prestige au Moyen-Orient.

Comme alternative au style floral traditionnel du Moyen-Orient, on trouve désormais des tulipes, des asters et des dahlias dans les boutiques d’Amman en Jordanie et de Riyad en Arabie saoudite, gérées par une équipe internationale, souvent formée pendant des mois en Belgique. “Là-bas, les clients ont une perception différente de ce qui est beau”, explique Nele. “Nous les sortons de leur zone de confort, nous leur montrons des approches différentes, avec un plus large éventail d’impressions.”

Pendant les vacances, le couple passe le plus clair de son temps au Moyen-Orient. Yann: “Nous ne pouvons pas nous reposer sur notre réputation en Belgique, nous devons nous retrousser les manches. Entre-temps, nous sommes devenus les fleuristes officiels de l’hôtel Mandarin Oriental à Riyad, en Arabie saoudite. Ce n’est pas évident d’avoir ses entrées dans un hôtel de luxe comme celui-là, c’est donc un signe de confiance .”

Le mythe de la durabilité

Les fleurs coupées sont intrinsèquement périssables, et l’industrie qui les entoure peut difficilement être qualifiée de respectueuse de l’environnement — on ne lésine pas sur les airmiles pour envoyer des fleurs dans le monde entier depuis les criées aux fleurs hollandaises. “Penser que la durabilité est possible est un mythe”, estime Yann. “Dommage, mais c’est comme ça. En tant que détaillant, nous ne pouvons pas faire grand-chose, si ce n’est d’acheter les fleurs à des producteurs qui font des efforts pour recycler l’eau et réduire l’utilisation de papier.”

Par contre, la durabilité est plus soutenable dans l’aménagement paysager, qui est l’une des nouvelles activités de la maison florale. Autrefois, c’était surtout un loisir pour le père Ost — “un remède contre l’éphémère, pensait-il”, dit Yann — mais la maison emploie aujourd’hui deux paysagistes à temps plein. Trois ans après son achèvement, un jardin land art privé est en train de prendre vie à Laethem-Saint-Martin. Leur jardin pour The Wings, un immense projet immobilier de Ghelamco à Diegem, a remporté un International Property Award.

Plus parcimonieux

“Ce que l’on peut faire, c’est respecter les saisons et ne pas proposer de pivoines en octobre et en novembre”, suggère Nele comme pratique plus durable. D’ailleurs peut-être plus par nécessité que par choix en cette saison, car plusieurs producteurs ont fermé leurs serres en raison de la flambée des prix de l’énergie. Ce qui laisse la place aux alternatives, pense Nele qui, quant à elle, préfère les délicates anémones. Celles-ci seront disponibles, tout comme les tulipes. “Selon moi, on fera des choix plus parcimonieux, avec des bouquets qui durent plus longtemps. On arrête le gaspillage, le consumérisme à l’excès, on préfère réfléchir et profiter réellement de son choix.”

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