TTIPLeaks: que retenir des révélations ?

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Greenpeace a frappé un grand coup en publiant ce lundi matin un document qui reprend, grosso modo, l’état d’avancement des négociations sur le traité transatlantique (TTIP) et qui porte sur deux tiers des matières en discussion tel qu’il était le 22 avril…

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Voici un peu moins d’un an, Wikileaks et l’ancien grand argentier grec Yanis Varoufakis avaient proposé 100.000 euros à celui qui publierait le contenu du traité de commerce transatlantique (TTIP) négocié en secret par les Etats-Unis et l’Union européenne. Greenpeace aura-t-il la cagnotte ?

Plus sérieusement, le TTIP (traité de libre-échange transatlantique) est un partenariat commercial de large envergure que les Etats-Unis et l’Union européenne veulent mettre en place, afin d’éliminer les milliers de problèmes (de normes, de douanes, etc..) qui entravent le commerce entre les deux grandes régions économiques. Un tel traité serait important : les flux commerciaux entre les deux zones, qui incluent aussi les revenus réalisés par ces investissements, sont estimés à 5.000 milliards de dollars par an. Aux Etats-Unis et en Europe, il y a 15 millions d’emplois directement concernés. Selon une étude (contestée) de la Commission européenne, le TTIP devrait apporter d’ici à 2027 un surcroît de 119 milliards d’euros au PIB européen.

Critiques multiples

Le projet cependant de nombreux détracteurs. Les critiques sont multiples, mais se focalisent essentiellement sur trois points. Primo, la disparition du principe de précaution, cher aux Européens. C’est le fameux exemple du “poulet au chlore” brandi par l’écologiste français José Bové : on ne sait pas aujourd’hui si un poulet traité au chlore est néfaste pour la santé. Dans le doute, l’Europe ne permet pas ce type de traitement. Les Etats-Unis, si.

Deux, le recours à l’arbitrage plutôt qu’aux tribunaux : Beaucoup de citoyens et d’entreprises européennes craignent l’instauration, en cas de litige, d’une procédure d’arbitrage international dont les décisions peuvent parfois paraître aléatoires et ne sont pas susceptibles d’appel. Les lois nationales risqueraient ainsi d’être dépassées par des décisions aléatoires de juges internationaux. On pourrait par exemple imaginer qu’un grand laboratoire pharmaceutique puisse porter plainte parce qu’un pays défavorise l’utilisation de ses médicaments au profit de produits génériques coutant moins cher à la sécurité sociale…

Trois : la disparition des normes protectrices européennes dans une série de domaines, et notamment l’agriculture. Le traité nivellerait les normes vers le bas. Aujourd’hui, le Parmesan est une appellation d’origine contrôlée comme il en existe des centaines en Europe. Mais aux Etats-Unis, des formes alimentaires commercialisent un parmesan qui n’a que peu à voir avec le fromage de Parme.

Quels sont ces documents ?

Les négociations sur TTIP sont entamées depuis 2013. Les experts américains et européens se rencontrent régulièrement lors de “rounds” de négociation. Le dernier round en date, le 13ème, a eu lieu voici dix jours à Washington.

Les documents rendus publics par Greenpeace ont été rédigés avant ce round, et sont de natures diverses. Il y a un document américain qui reprend une proposition de Washington concernant les commandes publiques. Il y a 13 brouillons d’accord concernant le traitement national et l’accès au marché pour les biens, l’agriculture, les services, les télécommunications, la commande publique, la coopération réglementaire, les barrières techniques au commerce, les mesures sanitaires et phytosanitaires, les droits de douane et facilitation du commerce, la concurrence, les PME, les entreprises publiques, la résolution des différends entre Etats.

Et il y a un document qui résume les positions européennes à l’entame de ce 13e round et l’état des lieux à l’issue du précédent round de négociations qui s’est tenu à Bruxelles en février. “Ce dernier document sort du lot”, souligne Charlotte Dammane, une spécialiste des accords commerciaux internationaux.

Des positions très éloignées

Que retenir ? Une première lecture montre que les positions sont encore très éloignées entre les deux camps. On sait que l’administration Obama voudrait finaliser ce traité commercial avant de remettre les clés de la Maison Blanche, à la fin de cette année. Mais des pays comme l’Allemagne et la France veulent prendre leur temps…

Il apparaît aussi que la crainte de certains secteurs est justifiée : les agriculteurs européens craignent que l’on sacrifie les normes protectrices européennes dont ils bénéficient en échange d’une ouverture plus large du marché américain à d’autres secteurs d’activités européens, comme l’automobile. A priori, une proposition va dans ce sens.

Autre point de contentieux crucial : les Etats-Unis ne sont pas du tout disposés à laisser les banques européennes venir leur faire concurrence chez eux…

Au final, ce TTIPLeaks montre l’étendue des divergences entre les deux camps. Mais attention: cette fuite dévoile un état des lieux quin’est plus très “frais” : entretemps, s’est tenu le 13e round de discussions, dont on ignore tout du résultat.

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