Rudy Aernoudt

Ramenez notre industrie

Ne serait-ce pas la meilleure des combinaisons, à même de concilier à la fois écologie (empreinte carbone moindre, production locale) et économie (emploi, produits de qualité)?

Je suis récemment intervenu dans un congrès du MR à Auvelais, là où Saint-Gobain possédait autrefois une immense verrerie, fermée en 2019. Depuis, le site a été reconverti et abrite désormais des start-up et un espace de congrès. Je recommande la visite du lieu, gigantesque. A une époque, 4.500 travailleurs y étaient employés. “J’avais le numéro 4.150”, m’y a expliqué fièrement un ancien salarié, encore ému. Avec un chiffre d’affaires de 45 milliards d’euros et un bénéfice de 2,5 milliards d’euros, le groupe français rayonne toujours de santé. Pourtant, Auvelais a dû fermer.

Saint-Gobain, bien sûr, n’est pas un cas isolé. Entre 2000 et 2010, pas moins de 40% des entreprises européennes de plus de 50 salariés ont été délocalisées en totalité ou en partie, principalement en Chine ou au Vietnam, afin d’y bénéficier de coûts de main-d’oeuvre moins élevés. Et l’industrie a cédé la place aux services. Dans un pays comme la Belgique, seuls 16% du produit intérieur brut concernent encore des activités industrielles.

Même si la différence de coût salarial entre l’Asie et l’Europe se réduit chaque jour, elle reste très importante. Le salaire moyen horaire en Belgique est de 42 euros, contre 7 euros en Chine… Mais nous ne devons pas nous focaliser sur cet écart. Voyez Adidas, qui a relocalisé en Allemagne son usine chinoise. Des milliers de travailleurs ont été remplacés, grâce à une numérisation et une automatisation poussées, par 160 employés. L’entreprise Coyote a aussi rapatrié sa capacité de production en France, affirmant pouvoir combler l’écart salarial grâce à une productivité accrue.

Et puis, il y a les exigences des consommateurs, qui préfèrent de plus en plus la production locale. La sensibilisation à l’environnement ne cadre pas avec ce principe voulant qu’on fabrique un produit à l’autre bout du monde avant de le réexpédier vers le marché européen. En outre, en Chine, la propriété intellectuelle n’est pas toujours respectée, la corruption y est monnaie courante, les frais de logistique ont énormément augmenté (le trajet d’un conteneur entre Shanghai et Anvers coûte aujourd’hui 10 fois plus cher qu’au début de l’année dernière) alors que les exigences des consommateurs à l’égard de la qualité des produits et des délais de livraison ne cessent de s’accroître. Autant d’éléments à prendre en compte dans le calcul de ce qu’on appelle le total cost of ownership (TCO), le coût total d’exploitation d’un bien. Or, sur base de ce TCO, on estime aujourd’hui que 56% des entreprises qui se sont délocalisées en Asie, en tout ou en partie, ont intérêt à revenir.

Si seulement en Belgique nous avions la bonne idée de faire revenir notre industrie

De nombreuses entreprises l’ont fait, en Europe ou aux Etats-Unis. Il suffit de penser à Whirlpool, Mango, aux scooters Peugeot, aux voitures Volvo, etc. Les Etats-Unis ont une politique très active à cet égard, créant des agences de relocalisation (reshoring agencies). Les entreprises qui sont revenues y ont ainsi créé 1,5 million d’emplois dans l’industrie, représentant 90% des nouveaux jobs dans ce secteur. Aujourd’hui, la relocalisation y est plus importante que les investissements étrangers. Le Royaume-Uni a également créé ses propres agences de relocalisation, après avoir constaté que 60% des entreprises britanniques qui avaient quitté le Royaume-Uni envisageaient de relocaliser leurs activités.

Si seulement nous, en Europe et en Belgique, avions la bonne idée de faire revenir notre industrie, et mettions en oeuvre des politiques industrielles et de formation professionnelle appropriées à cette fin… Ne serait-ce pas la meilleure des combinaisons, à même de concilier à la fois écologie (empreinte carbone moindre, production locale) et économie (emploi, produits de qualité)?

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