Carte blanche

Pour l’énergie atomique (circulaire), mais contre une certaine industrie nucléaire

La question nucléaire en Belgique est présentée de façon binaire: pour/contre, il faut choisir son camp. Un débat sain et exhaustif aborderait pourtant séparément de multiples sous-questions.

(1) Faut-il prolonger Tihange 3 et/ou Doel 4, qui ont certes le même âge mais ont chacune une situation géographique et un emplacement réseau spécifique1 ?

(2) Est-il sain que l’approvisionnement énergétique de la Belgique dépende à ce point du groupe privé Engie ?

(3) Faut-il amender l’article 3 de la loi de 2003 pour permettre la construction de réacteurs neufs en Belgique, dans l’effort de décarbonation urgente de l’Humanité ?

(3b) Si oui, le(s)quel(s) parmi les 6 types de réacteurs de IVe génération serai(en)t éligible(s), et au bénéfice de qui ?

(3c) Sinon, la Belgique peut-elle néanmoins financer et contribuer à la construction de centrales nucléaires découplées d’applications militaires dans des territoires moins densément peuplés en Europe et/ou dans le monde, notamment dans des pays recourant toujours massivement au charbon ?

(4) Faut-il se priver de la possibilité de valoriser énergétiquement nos déchets nucléaires, tout en réduisant leur radiotoxicité et leur période de décroissance?

(5) Quel avenir proposer aux 7000 travailleurs du secteur au-delà de 2025 ?

(6) Quelles sont les conséquences environnementales et géopolitiques de l’abandon du nucléaire, au profit d’un mix électrique gaz / ER / importations ?

(7) Dans l’intérêt de nos 11 millions de concitoyens et de la planète, les écologistes sont-ils disposés à réexaminer et nuancer factuellement leur position, et leurs partenaires politiques auront-ils la maturité de reconnaître que la filière nucléaire belge posait effectivement quelques problèmes légitimement mis en cause par les élus verts ?

Car il faut admettre que ces derniers ont soulevé un certain nombre d’interrogations fondées: Malgré les démentis d’Engie, les témoignages d’employés de centrales qui ont dénoncé ces dernières années le report répété des investissements dans la sécurité des installations sont préoccupants. Il est tout aussi troublant que les cuves de refroidissement ne soient pas sécurisées contre d’éventuelles attaques terroristes et que des sabotages internes soient possibles sans qu’on ne parvienne à identifier les auteurs. Il est affligeant qu’une ministre de l’Energie ait presque laissé filer des millions d’euros de redevance, et rechigne à communiquer des rapports d’experts aux parlementaires, pendant que les PDG successifs d’Engie ne se privent pas de toucher des salaires à 7 chiffres et que leurs actionnaires empochent 5 à 10% de dividendes annuels sur la dernière décennie (hors corona). Il est en outre légitime d’interroger la provenance de l’uranium utilisé dans nos centrales, quand Areva laisse des communautés du Niger boire de l’eau contaminée aux abords de ses mines. Et oui, c’est sain pour une société démocratique d’encourager les citoyens et entreprises qui le souhaitent à s’affranchir du réseau, à s’approprier leur production et maîtriser leur consommation à travers l’isolation des bâtiments, la mobilité douce et un maillage de petites et grandes unités renouvelables. Enfin, il est vrai qu’il n’y avait pas meilleur incitant qu’un discours de sortie du nucléaire pour accélérer les investissements dans l’éolien offshore, les interconnexions réseau etc.

Toutefois, vouloir bannir la fission dans l’après-Tchernobyl en 1986 dans un monde à 350ppm de CO2 peuplé de 5 milliards d’humains, ce n’est pas la même chose que de se priver de la moins mauvaise option en 2021 sur une planète en feu à 415ppm de CO2 partagée par 8 milliards de nos semblables, et un permafrost qui dégèle son stock de méthane avec 70 ans d’avance sur le scénario à +4.5°C du GIEC2. Le consensus du GIEC en 2019 était d’ailleurs éloquent sur la nécessité du nucléaire dans tout scénario limitant l’impact de nos émissions à 1,5°C de réchauffement, sans jamais dépasser ce seuil.

Les perspectives offertes par de récentes percées en ingénierie méritent par ailleurs d’être analysées sans être taxées a priori de “fuite en avant technocratique et scientiste”. Le grand public -et de nombreux décideurs- méconnaissent d’ailleurs le degré de maturité et les avantages comparatifs des différentes technologies de fission nucléaire, dont celles de 4e génération (sodium, sel fondu, plomb-bismuth, hélium, eau supercritique…). Sans idéaliser ou minimiser les écueils techniques, il faudrait au moins expliquer ces procédés qui permettent de convertir en combustible exploitable le thorium ou l’isotope 238 de l’uranium3 (abondant mais non-fissile). Si la réduction drastique du risque, de la gravité et du périmètre de pollution4 des accidents potentiels se confirme, ainsi que la diminution de la quantité et la durée de toxicité des déchets à vie longue, cela changerait objectivement la balance coûts/bénéfices du nucléaire. Et l’industrie ne part pas d’une feuille blanche: l’humanité a accumulé 400 années d’opérations surtout expérimentales mais aussi commerciales de réacteurs à neutrons rapides5. Si la sécurité de leur fonctionnement en mode surgénérateur fait débat6, leur déploiement avec un facteur de conversion inférieur à 1 pour éliminer des actinides et du combustible usagé est une solution crédible au problème de gestion des déchets de haute activité (Une partie des fonds provisionnés pourraient être utilement mobilisés à cette fin, comme le suggère un chercheur allemand).

Pour le reformuler de façon plus hype, les centrales de 4e génération à neutrons rapides ne font rien d’autre que de l’économie circulaire appliquée aux déchets radioactifs. Littéralement. Il s’agit de valoriser les rebuts miniers, des armes de destruction massive et les déchets les plus dangereux dont on ne sait où ni comment les stocker en sécurité, et de les convertir en combustibles pour produire de l’énergie décarbonée, en diminuant la pression sur les écosystèmes terrestres et sous-marins menacés par l’industrie minière des hydrocarbures et des terres rares. Il subsistera certes une quantité (bien moindre) d’actinides et un volume comparable de déchets de moyenne et faible activité, dont l’ONDRAF devrait continuer à assurer la gestion, mais à un horizon de quelques siècles au lieu de dizaines de millénaires. Cela changerait radicalement le cahier de charge technique et le coût des sites d’enfouissement. En bonus, certains réacteurs (dont ceux à sel fondu) offrent l’avantage de pouvoir varier leur charge très rapidement, ce qui les rend plus compatibles avec un mix fluctuant d’énergies renouvelables (un reproche fréquent adressé aux réacteurs à eau pressurisée actuels étant justement leur manque de flexibilité).

Le maintien des filières civiles et leur évolution pour un découplage des applications militaires est en outre indispensable au démantèlement et à la réduction de l’arsenal nucléaire mondial (+ de 13000 ogives). Les récentes menaces explicites de recours à l’arme atomique en Asie-Pacifique, ainsi que les risques de déstabilisation de l’Inde et du Pakistan voisines de l’Afghanistan rappellent la nécessité de poursuivre activement la promotion du traité de non-prolifération, mais aussi celui de prohibition de ces armes, auquel notre pays et l’OTAN n’adhèrent toujours pas.

Enfin, amputer volontairement la Belgique, et plus généralement l’Union Européenne, de cette source d’énergie abondante et sobre en carbone -alors que nous disposons d’atouts considérables pour la déployer- c’est accepter de laisser d’autres acteurs géopolitiques en fixer les normes internationales et en désigner exclusivement les bénéficiaires. Est-il lucide et raisonnable d’abandonner une manne équivalente à plusieurs décennies (voire siècles) de consommation énergétique mondiale7 à des régimes autoritaires qui emprisonnent ou empoisonnent leurs opposants, qui annexent des territoires au mépris du droit international, qui surveillent en masse leurs populations par reconnaissance faciale, qui cautionnent des dictatures et des coups d’états militaires sous un vernis de “non-ingérence” sélective, qui enferment des minorités ethniques dans des camps de concentration, qui endettent et/ou arment des Etats dont la jeunesse désespérée vient mourir en Méditerranée, qui déploient des légions d’influenceurs et de bots pour manipuler nos opinions publiques à coup d’infox antivax, pour diviser et affaiblir les pays démocratiques ? Des importations supplémentaires en gaz renforceraient davantage encore notre mutisme, notre dépendance et notre complicité envers des sponsors de l’extrémisme religieux, des autocrates recourant à des drônes tueurs autonomes, ou des oligarques qui envisagent de forer en Arctique l’équivalent des réserves pétrolières de l’Arabie Saoudite.

La fission nucléaire de 3e et 4e génération8 constitue la seule piste déployable à bonne échelle et à bref délai pour alimenter les batteries ou produire le dihydrogène et autres carburants de substitution pour la part incompressible de nos besoins, après les indispensables efforts de sobriété individuelle et collective. C’est aussi une question de stabilité politique, prérequis crucial à la coordination de l’effort climatique des prochaines décennies. L’Européen moyen supporte difficilement qu’on rationne aujourd’hui sa liberté de mouvement pour une pandémie qui fauche majoritairement des octogénaires. Imaginez le nombre de gilets jaunes et le chaos semé par une pénurie prolongée de l’énergie si le vortex polaire dévie régulièrement sur notre continent, ou que le ralentissement du Gulf Stream nous confronte à des hivers extrêmes (entre autres désagréments).

La Belgique et l’Europe doivent pourtant non seulement réduire drastiquement leur empreinte environnementale, mais aussi avoir l’ambition de produire un excédent exportable d’énergie décarbonée à prix abordable si nous voulons convaincre les BRICS, NEXT-11, et toutes les économies émergentes, de laisser leurs stocks de fossiles sous terre. Nous avons accumulé dans notre pays un savoir-faire nucléaire de plusieurs décennies, et portons une responsabilité en tant que pays de l’OCDE pour contribuer à la lutte contre le changement climatique avec ambition, au-delà du simple satisfecit comptable, et à la mesure de nos émissions historiques. La neutralité carbone qui semble une utopie lointaine pour la vieille génération n’est qu’une étape, un minimum syndical pour les gamins qui sortent de l’école aujourd’hui et n’ont que trop peu voix au chapitre.

In fine, est-ce qu’il faut fermer Doel 4 et/ou Tihange 3 ? Si ces réacteurs sont objectivement trop vétustes et dangereux, notamment parce qu’Engie y a sous-investi en raison des interminables chamailleries de l’ensemble de la classe politique belge, soit. Mais si ne fut-ce qu’un seul de ces réacteurs est encore techniquement prolongeable dans des conditions correctes, ce serait une erreur fondamentale de ne pas nous y atteler par posture politique ou paresse intellectuelle. C’est invérifiable pour un citoyen extérieur (et cyniquement prévisible de la part d’une entreprise privée), mais est-il farfelu de penser que les communiqués d’Engie aient été calculés pour facturer le coût d’une éventuelle prolongation au contribuable ?

Indépendamment du sort des équipements existants, peut-on envisager d’amender la loi de 2003 pour investir dès maintenant dans la construction de réacteurs de 4e génération, au lieu de nous embarquer sur du gaz fossile pour des décennies ? Pouvons-nous identifier l’emplacement le plus raisonnable pour ces futures centrales européennes, sur base des cartes de densité démographique, du réseau continental de lignes à haute tension, des bassins hydrographiques, plutôt que sur la lâche proximité d’une frontière ou l’indice de sinistre économique d’un territoire ? Nos scientifiques et industriels peuvent-ils s’associer à d’autres initiatives européennes publiques et privées de développement de ces nouvelles filières énergétiques ? Peut-on imaginer que la prochaine flotte de réacteurs appartienne aux entreprises, aux universités et aux citoyens de Belgique et d’Europe, sur un modèle coopératif transparent à la NewB (plutôt qu’à Bill Gates et Warren Buffett ) ? Ces générateurs seront-ils gérés par un.e CEO et un CA qui habitent et scolarisent leurs propres enfants à côté de la centrale ? Qui ont la sagesse d’anticiper les risques pour le refroidissement liés à la décrue des cours d’eau accentuée par les sécheresses futures, ou de provisionner le coût des formations pour assurer la transmission du savoir-faire aux prochaines générations, sans présumer de la continuité de nos systèmes éducatifs sous-financés pour recruter leurs ressources humaines ?

Au lieu d’engraisser des parachutistes dorés court-termistes, peut-on sauver des milliers d’emplois locaux qualifiés, garantir un prix de l’énergie équitable aux ménages les plus vulnérables, tout en allouant les profits et la puissance de ces centrales aux enjeux de notre siècle ? La liste est longue : reforestation, aide aux réfugiés climatiques, rachat et interdiction d’exploitation de gisements fossiles, reconversion professionnelle digne pour les travailleurs des secteurs condamnés, transition énergétique et adaptation dans les pays qui souffrent déjà de la montée des eaux ou des invasions de criquets bouffeurs de récoltes, partage équitable des profits avec les communautés dont nous exploitons les ressources naturelles, etc. Cette énergie abondante peut-elle être consacrée à dépolluer et désacidifier les océans, irriguer des sols arides, débétonner et accroître l’albédo des paysages, recycler les artefacts superflus en infrastructures vitales, éteindre les feux qui tuent les derniers écosystèmes viables, et préserver l’habitabilité de zones au bord de la guerre ?

Le sentiment dominant chez nombre de citoyens ordinaires est que le débat public demeure superficiel et procédurier, avec une apparence de technicité cantonnée aux équilibres juridiques et économiques centrés sur ce confetti de 30000km² que nous habitons, alors que l’enjeu est planétaire. Avant une décision finale dans quelques mois, nous aimerions entendre l’avis détaillé d’un panel diversifié de professionnels du secteur plutôt que des militants et des chargés de com’. Peut-on à cet effet rendre caduques les clauses de confidentialité, “devoirs de réserve” et autres menaces de représailles juridiques qui musèlent certains ingénieurs et chercheurs de la filière ? Si cette immunité n’est pas légalement possible, les journalistes peuvent-ils collecter ces informations en protégeant leurs sources pour nourrir un débat exhaustif sur le coût-vérité d’une prolongation des réacteurs, sur les écueils techniques à considérer, sur les partenariats internationaux à renforcer, sur l’ordre de grandeur des budgets qui permettraient d’accélérer la disponibilité commerciale de réacteurs alternatifs ?

La Team Belgium a peut-être les cartes en main pour initier l’avènement d’un monde sobre et pacifique en réparant les dégâts de la civilisation thermo-industrielle. De part et d’autre, ne gâchez pas cette mince -mais réelle- fenêtre d’opportunité pour des querelles d’ego. S’il vous plaît.

Signataires:Tsurukawa Nicolas (bioingénieur), Mathilde Roda (agronome), Vincent Lejeune (informaticien), Liza Melo Carrion (développeuse web), Jean-Pierre Vermeulen (graphiste), Alexandre Lefebvre (expert en agriculture urbaine), Jacques Delfosse (dentiste), Lucas Gossiaux (ingénieur environnement), Arkadiusz Zaleski (étudiant), Pierre Loos (ingénieur agronome & pompier), Gaël Grouwels (biologiste, rédacteur médical), Julien Delfosse (ingénieur civil), François Rouchet (ingénieur agronome), Christian Hanzen (professeur honoraire en médecine vétérinaire)

Les signataires sont apolitiques, s’expriment à titre personnel, et n’ont aucun lien ou conflit d’intérêt avec le secteur de l’énergie nucléaire.

1 Dans le débat public, les sorts de Doel 4 et Tihange 3 semblent indissociables (“les 2 réacteurs les plus récents“). Pourtant, chacune a ses spécificités. Le site de Doel semble a priori plus problématique, car situé à seulement 3 mètres au-dessus du niveau de la mer. Prolonger l’exploitation de cette centrale, c’est aussi en retarder le démantèlement. Or une élévation de l’ordre de 2 à 3 mètres du niveau des mers dans les prochaines décennies ne peut être exclue, uniquement par l’effet d’entraînement en cas de détachement du glacier de Thwaites en Antarctique (un glaçon de la superficie de la France, dont la base est déjà dangereusement fragilisée par le contact avec des courants marins toujours plus chauds). Et il est vrai que la suppression de Doel libérerait aussi le passage sur certaines sections des lignes à haute tension, pour la production éolienne offshore belge ou hollandaise. La “boucle du Hainaut” est une alternative pour acheminer le surplus d’électricité généré offshore lors des pics de production, mais il faudrait convaincre les riverains lésés de cette nouvelle ligne à haute tension par des compensations acceptables.

2 Le nouveau rapport paru ce 9 août prend mieux en compte les publications décrivant ce type de rétroaction ‘positive’ (c’est à dire négatives pour l’humanité). Les conclusions sont similaires ou pires aux hypothèses évoquées.

3 c’est-à-dire l’isotope abondant et inutilisé qui constitue plus de 99% des réserves mondiales de cet élément, alors que seul l’Uranium 235 est fissionné actuellement.

4 Le fait que le liquide refroidisseur soit à pression atmosphérique (et non à plus de 150 bars comme l’eau à Tihange), et la substitution de l’eau (produisant du dihydrogène, explosif, en cas de surfchauffe) par un autre medium empêchent de facto la dissémination atmosphérique de matière radioactive sur de larges territoires.

5l’abandon de ces projets fut souvent liée à leur coût: la rareté (perçue) de l’uranium disponible et/ou des crises pétrolières ont eu tendance à encourager les investissements, tandis que l’abondance et la diversification des sources d’approvisionnement en uranium ont en revanche favorisé l’abandon de ces projets (souvent à l’occasion d’incidents même bénins – ce qui est plutôt attendu dans des prototypes destinés à tester et améliorer une technologie): les acteurs privés n’ayant pas d’intérêt à court terme à développer un modèle concurrent et plus performant que les réacteurs déjà opérationnels, et les décideurs publics y voyant l’occasion d’économiser des budgets tout en donnant satisfaction à la frange anti-nucléariste de l’électorat.

6 le projet de réacteur ASTRID en France, annulé suite à un revirement budgétaire, devait démontrer la viabilité industrielle d’un réacteur à neutron rapide refroidi au sodium. Le design avec un coefficient de vide négatif devait assurer une sécurité passive. A notre connaissance, aucun parti belge du gouvernement ou de l’opposition n’a produit d’avis indépendant argumenté qui valide ou critique ces upgrades techniques (voir p.83 de ce document) par rapport à la version précédente de cette technologie, le réacteur Superphénix (très critiqué par certains). Nous non plus, du reste. Et c’est bien ça le problème: l’absence de débat contradictoire objectif et étayé pour décider de l’avenir en connaissance de cause.

7 le calcul d’ordre de grandeur est le suivant: consommation d’énergie primaire mondiale en 2017 était d’environ 165000 TWh (ou 14 Gtep). Le parc nucléaire mondial consomme annuellement 53000 t d’uranium naturel (donc environ 500t d’U235 fissile), pour produire 6600 TWh d’énergie primaire (c’est-à-dire environ 4% de la consommation mondiale en 2013, alors que les énergies fossiles en fournissaient près de 90%). Ce calcul est cohérent avec les 2500 à 2600 TWh d’énergie finale produite par le nucléaire, si on considère un facteur de conversion énergie primaire / énergie finale de 2,58. BREF, si les centrales de 4e génération permettent d’exploiter l’U238 qui est 99x plus abondant que l’U235, et que 500t d’uranium = 4% de consommation énergétique primaire mondiale (donc 12500t =100%), les 318000t d’uranium appauvri stockés rien que par la France suffiraient à couvrir 25 ans de consommation mondiale totale. En considérant les gisements accessibles sous un prix de 130US$/t, la société française d’énergie nucléaire (Sfen) évoque plusieurs millénaires de consommation énergétique mondiale. PS: selon le type de réacteur, il ne serait pas faisable / avantageux économiquement d’exploiter 100% de l’uranium 238, mais plutôt de l’ordre de 60 à 80% de cette ressource, ce qui est déjà considérable. Les raisons techniques précises n’ont pas pu être identifiées mais le document sera mis à jour à ce sujet dès que possible.

8 NB: les critères définissant la fission de 4e génération sont notamment vulgarisés dans ce document du Swedish Energy Research Center. Une description des différentes technologies (GFR, LFR, MSR, SCWR, VHTR) de fission nucléaire de 4e génération, ainsi que les différents programmes de recherche et prototypes à travers le monde sont disponibles via ce lien, mis à jour en décembre 2020 par la World Nuclear Association. La fission de 4e génération est à ne pas confondre avec la fusion nucléaire, dont la maturité technologique pour une exploitation commerciale à grande échelle n’est pas attendue avant plusieurs décennies.

Post-scriptum : “le nucléaire coûte beaucoup plus cher quand on intègre les coûts de démantèlement et de stockage des déchets” : en réponse à cette affirmation, nous renvoyons le lecteur au raisonnement (et à l’excellent MOOC) de Jean-Marc Jancovici qui étaye que le coût du nucléaire est surtout lié à la rémunération des capitaux privés, et serait significativement réduit par (1) une politique d’investissement public et (2) un effet de série en cas de déploiement massif. Ajoutons à cela que les points de comparaison (que signifie “cher”?) prennent comme référence un marché de l’énergie où les externalités négatives des combustibles fossiles ne sont pas intégrées dans le prix (ou très marginalement avec un marché carbone balbutiant). Pour la gestion des déchets, nous réitérons que le nucléaire peut en grande partie devenir la solution à son propre problème. “les dégâts en cas d’accidents seraient incommensurables“: Fukushima a rendu un périmètre d’un rayon de quelques dizaines de kilomètres inhabitables selon nos standards actuels pour plusieurs décennies. Le changement climatique va rendre une part considérable des terres émergées inhabitables selon nos standards actuels pour des millénaires. Aussi terrifiantes que soient les conséquences d’un accident nucléaire non-maîtrisé, il faut les comparer à l’annihilation d’écosystèmes entiers que la poursuite de nos émissions de GES va provoquer. Un nombre croissant de scientifiques appelle à une hiérarchisation rationnelle des problèmes.

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