Eddy Caekelberghs

Main-d’oeuvre: le 21e siècle sera celui de l’Afrique

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

Tout analyste politique sait qu’une crise pour les uns est une opportunité pour les autres. Et la crise “covid zéro” qui frappe la Chine peut être une aubaine pour les Africains.

Depuis 1989, le 20 novembre marque traditionnellement la journée mondiale de l’industrialisation de l’Afrique “célébrée” (il faut le dire vite! ) par l’ensemble de la communauté internationale. Mais ce volet reste une gageure tant l’Afrique subsaharienne est restée jusqu’ici à la périphérie de l’industrie mondiale.

Pourtant, une étude récente de l’Agence française de développement (AFD) montre les opportunités, bien résumées dans le titre de l’étude-même: Quelles perspectives d’industrialisation tardive pour l’Afrique subsaharienne? On peut y lire combien “l’industrie légère – qui produit des biens de consommation et nécessite une utilisation limitée de capital – a toujours été une activité à la recherche d’une main-d’oeuvre abondante et de salaires bas, ce qui a provoqué un déplacement régulier à l’échelle mondiale de ses productions vers de nouveaux territoires plus attractifs en y créant des emplois, souvent nombreux”.

Main-d’oeuvre: le 21e siècle sera celui de l’Afrique

C’est ce qui s’est passé en Asie avec l’émergence de l'”atelier du monde” chinois dont les parts de marché ont atteint des niveaux impressionnants. Après les succès japonais et des tigres d’Asie du Sud-Est, il est incontestable à présent que la Chine a atteint, elle-même, des sommets en la matière avec, corollaire obligé, des hausses salariales entraînant un mouvement de réorientation des investissements vers des activités à plus forte valeur ajoutée. Conséquence: les parts de marché de la Chine ont commencé à décliner dans l’industrie légère.

De 10 à 30 millions d’emplois pourraient être créés dans les industries du textile-habillement-cuir vers 2030 dans des pays africains.

Et le rapport de l’AFD de conclure: “L’après-Chine a ainsi commencé dans ces activités intensives en travail et a déjà ouvert des marchés aux pays plus pauvres d’Asie. La filière habillement apparaît particulièrement concernée, ainsi que d’autres industries de main-d’oeuvre comme les chaussures, le cuir, les meubles, etc.”

Et de poursuivre: “En parallèle, du point de vue démographique, le 21e siècle sera celui de l’Afrique. Alors que l’Asie a concentré les deux tiers de l’augmentation de la population active mondiale depuis 60 ans, dans les prochaines décennies, les nouveaux actifs seront principalement africains. En 2050, la population active de l’Afrique subsaharienne comptera 700 millions de personnes supplémentaires ; ce qui impliquera la création de plus de 20 millions de nouveaux emplois par an!”. Pour l’heure, cela dit, “l’essentiel du potentiel généré par le déclin chinois dans ces branches est capté par une demi-douzaine d’exportateurs asiatiques, comme le Bangladesh, le Vietnam ou encore le Cambodge”.

Cependant, ces pays seront rapidement à leur tour à saturation. Avec, là aussi, des augmentations de salaire, ne pouvant plus absorber tout le recul chinois et libérant des opportunités pour une nouvelle génération d’exportateurs. Dès lors l’étude estime, dans un scénario moyen, que “près de 16 millions d’emplois formels et autant d’emplois informels seront concernés à l’horizon 2030, la plupart dans les branches textile-habillement-cuir, soit plus de 30 millions d’emplois cumulés”.

De 10 à 30 millions d’emplois pourraient donc être créés dans ces industries vers 2030 dans des pays africains. Dans un premier temps, vers un petit groupe de pays, qui apparaîtront plus attractifs et plus compétitifs. Mais, sans résoudre tout le développement africain, cela ouvrira la possibilité d’un doublement de l’emploi industriel africain actuel.

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