Les canicules, un fardeau également économique
Les vagues de chaleur qui se multiplient sous l’effet du réchauffement de la planète ont un coût humain majeur, avec des morts par milliers, mais quand le thermomètre s’affole, l’économie dans son ensemble est aussi affectée.
Les températures extrêmes sont responsables de 9% des quelque 2 millions de morts attribuées à des catastrophes météo entre 1970 et 2019 dans le monde, selon l’Organisation météorologique mondiale, mais la proportion a largement augmenté sur la période récente, avec près de la moitié des 185.000 morts enregistrées lors de la dernière décennie.
Et en Europe, les canicules comptent pour environ 90% de la mortalité liée aux désastres météo entre 1980 et 2020, selon l’Agence européenne de l’Environnement (AEE).
Alors que lors d’inondations ou de tempêtes, les assureurs entrent vite en jeu pour chiffrer les dégâts déjà bien visibles à la télévision, c’est plus difficile pour les canicules qui sont le plus souvent évaluées sous le prisme de la mortalité.
Elles représentent pourtant aussi un coût économique, en terme de vies perdues, de pression sur le système de santé, mais aussi de baisse de productivité des travailleurs en raison de la chaleur et de l’impact sur l’agriculture.
Il existe peu d’estimations globales sur cette question.
Mais l’AEE estime qu’entre 1980 et 2000 les canicules ont coûté entre 27 et 70 milliards d’euros dans 32 pays européens.
Années de vie en moins
Notant que l’impact des canicules est rarement considéré sous un angle économique, l’agence nationale Santé Publique France s’est saisie de ce “fardeau sociétal sous-estimé et largement invisible”.
Selon son étude publiée en 2021, les canicules de 2015 à 2020 ont ainsi coûté en France entre 22 et 37 milliards d’euros en raison des décès, des frais médicaux et de la perte de bien-être, avec la plus grande part attribuée aux “coûts intangibles liés à la mortalité prématurée”.
Productivité réduite
La chaleur réduit aussi la productivité des travailleurs, ce qui se chiffre.
Ainsi les canicules remarquables de 2003, 2010, 2015, 2018 en Europe ont entraîné des dommages estimés à environ 0,3 à 0,5% du PIB européen, avec des pics à plus de 2% du PIB dans certaines régions du sud, selon une étude publiée dans la revue Nature en 2021.
Et cet impact pourrait être multiplié par près de cinq d’ici 2060 par rapport à 1981-2010 si des mesures ne sont pas prises pour limiter le réchauffement et améliorer l’adaptation aux impacts, met en garde l’étude.
A 33-34°C, un travailleur moyen “perd 50% de ses capacités de travail”, selon l’Organisation international du travail (OIT). Elle a estimé qu’en 2030, la chaleur pourrait réduire de 2,2% le total des heures travaillées dans le monde, soit l’équivalent de 80 millions d’emplois à temps plein. Et pour un coût estimé de 2.400 milliards de dollars en 2030, contre 280 milliards en 1995.
La perte de productivité touche en particulier les travailleurs en extérieur, agriculteurs ou ouvriers dans la construction.
“Le stress thermique lié au changement climatique va réduire les capacités de travail en extérieur à l’échelle mondiale”, insistent les experts climat de l’ONU (Giec), estimant que certaines régions vont perdre entre 200 à 250 jours de travail en extérieur d’ici la fin du siècle.
Sécheresse et agriculture
L’agriculture est bien sûr climato-sensible et, pour cette raison, canicules et sécheresses sont des menaces majeures pour l’alimentation.
La sécheresse a un effet direct sur les cultures. Et même si une courte période de forte chaleur ne va pas nécessairement à elle-seule provoquer des dégâts majeurs, elle peut renforcer la sécheresse des sols, comme c’est le cas en France en ce moment.
La canicule de 2019 en France avait entraîné une baisse de rendement de 9% sur le maïs et d’environ 10% en blé par rapport à la moyenne quinquennale, selon le ministère français de l’Agriculture. Autre exemple, aux États-Unis, la vague de chaleur de 2012 avait entraîné une baisse de production du maïs de 13%, provoquant une hausse des prix au niveau mondial.
Les canicules réduisent également la production des vaches laitières et donc l’offre de lait. Et le Giec note l’impact du stress thermique sur la mortalité et la productivité des animaux d’élevage en général.
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