Le péage urbain à Bruxelles est loin de faire l’unanimité

Trois organisations patronales bruxelloise, flamande et wallonne, le Beci, le Voka et l’Uwe, se sont opposées jeudi à un péage urbain à Bruxelles, après la présentation du plan SmartMove du gouvernement bruxellois qui prévoit, entre autres, la mise en place d’une taxe kilométrique intelligente en 2022. L’Union des classes moyennes et l’industrie technologique le décrient également, tout comme les partis qui ne siègent pas au gouvernement bruxellois.

Le projet de taxe kilométrique appliquée à tous les véhicules circulant en Région bruxelloise a suscité un tollé jeudi au sein des partis non représentés au sein du gouvernement régional.

Le gouvernement bruxellois s’est mis d’accord jeudi sur une proposition de modèle de taxation automobile à soumettre à une large concertation y compris avec les autres Régions et le Fédéral.

Le modèle s’appuie principalement sur une taxation à l’usage de la voiture plutôt qu’à sa possession, comme actuellement. Celle-ci reposera sur un montant de base assorti d’un montant variable en fonction du nombre de kilomètres, de l’heure et de la puissance du véhicule. Pour les habitants de la capitale, la taxe à l’immatriculation disparaîtra.

Ce projet, qui pourrait voir le jour en 2022, a suscité un tollé tant au sein des partis qui ne siègent pas au gouvernement bruxellois que des organisations patronales bruxelloises.

“Un péage urbain ne constitue pas une mesure de mobilité durable. Il risque en effet de déplacer les problèmes de trafic vers la périphérie de Bruxelles”, déclare Olivier Willocx, de Beci.

Le Beci, le Voka et l’Uwe se disent cependant favorables à un prélèvement kilométrique intelligent qui améliorerait la gestion globale de la mobilité sur les routes. Il pourrait différer entre les régions, “mais il doit fonctionner sur base d’un système commun”, estiment les organisations, qui insistent sur la concertation.

“Les problèmes de congestion transcendent les limites des régions et revêtent donc une dimension interfédérale, certainement dans la zone métropolitaine de Bruxelles”, argumente Hans Maertens, du Voka.

La fiscalité “intelligente” doit pour les organisations se moduler en fonction des kilomètres parcourus et du type de véhicule, selon un principe de pollueur payeur. Le tarif dépendrait du moment et du lieu où le véhicule est utilisé. La mesure devrait également remplacer la taxe de circulation annuelle ainsi que la taxe de mise en circulation dans les trois régions.

Les trois organisations préconisent enfin qu’une partie des revenus générés soit investie et serve à la maintenance de l’infrastructure routière.

L’annonce est “malvenue et précipitée” pour l’Union des classes moyennes (UCM), qui estime que l’idée ne garantit pas un trafic fluide mais “bel et bien des charges et des problèmes en plus” pour les entrepreneurs “en pleine tempête Covid”.

Supprimer la taxe de mise en circulation pour les Bruxellois ne compensera pas le coût de l’usage du véhicule pour les professionnels “qui n’ont pas d’autre choix que la voiture pour exercer leur métier”, explique l’UCM. “Pour les Wallons qui ont des clients ou des contacts à Bruxelles, c’est purement et simplement une taxe nouvelle.”

La fédération de l’industrie technologique Agoria se prononce quant à elle pour une mesure appliquée à l’ensemble du territoire, neutre sur le plan budgétaire. “Ce péage va en effet accroître les coûts pour les employeurs bruxellois et vont rendre les emplois dans la capitale moins attractifs. Nous risquons ainsi de faire fuir des entreprises de Bruxelles”, s’inquiète le responsable d’Agoria Bruxelles, René Konings, qui craint également une rupture des réseaux logistiques. “Si les déplacements entre les régions deviennent plus onéreux, il ne vaudra plus la peine de faire de tels déplacements pour de nombreux citoyens et entrepreneurs”, relève la fédération.

Tollé au sein des partis ne siégeant pas dans la majorité bruxelloise

“Que cherche le gouvernement de gauche bruxellois ? “, s’est interrogé le président du MR Georges-Louis Bouchez sur Twitter. “Détruire un peu plus la région capitale ? Faire fuir les entreprises ? Les classes moyennes et populaires n’ont pas besoin d’impôts ou de taxes en plus mais au contraire d’investissement et d’intelligence ! ” “Ce n’est vraiment pas le moment, on demande un report”, a renchéri Alexia Bertrand, cheffe de groupe des libéraux francophones au Parlement bruxellois, citant l’Union des Classes Moyennes (UCM).

Cette taxe est une folie intégrale. Elle est indigne et purement idéologique: on veut frapper la voiture mais sans offrir d’alternatives crédibles, même en termes de parkings de délestage qui sont insuffisants”, a de son côté fulminé le chef de file du MR au parlement wallon, Jean-Paul Wahl. “C’est l’ensemble des Wallons qui seront impactés” alors que la Région “verse déjà 19 millions d’euros chaque année à Bruxelles pour l’aider à gérer cette question du trafic”, a-t-il ajouté en dénonçant lui aussi le moment choisi et l’absence de concertation avec les autres entités. “Cette taxe est inacceptable, tant sur sa forme que sur son montant”, a-t-il encore estimé.

Même son de cloche du côté du cdH. “A nouveau, ce gouvernement travaille à l’envers : il communique avant de concerter et braque les navetteurs avant de leur offrir des alternatives crédibles à la voiture”, a déploré le député bruxellois Christophe De Beukelaer dans un communiqué. “Le gouvernement bruxellois trébuche encore sciemment sur un dossier sensible et qui mérite une concertation respectueuse et réfléchie. Cette fois, la gaffe touche tous les citoyens ! ” s’est insurgé son homologue wallon Julien Matagne.

Pour le PTB, “ce seront une nouvelle fois les travailleurs qui paieront la note ! Plutôt que de taxer, les gouvernements de ce pays feraient mieux d’investir dans les alternatives au transport automobile”, a suggéré le député Raoul Hedebouw.

Sans surprise, les partis nationalistes flamands ont tiré à boulet rouge. “Une nouvelle règle embêtante de l’arc-en-ciel pour les Flamands qui travaillent”, a tweeté le président de la N-VA Bart De Wever, le bourgmestre d’Anvers ajoutant au passage que sa ville était “ouverte au business”. “Les partis de la majorité bruxelloise sont contre les autres Régions”, a renchéri Cieltje Van Achter, cheffe de file des nationalistes flamands dans la capitale.

De son côté, l’extrême-droite du Vlaams Belang a d’ores et déjà annoncé son intention de réclamer une procédure en conflit d’intérêt.

“Vilvorde veut devenir d’une autre manière le nouveau centre économique du pays”, a enfin ironisé le secrétaire d’Etat fédéral CD&V Sammy Mahdi, citoyen de cette commune frontalière de la région-capitale.

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