Carte blanche

Le futur de l’Europe : “Soyons courageux !”

Aujourd’hui plus que jamais, rassemblons notre courage pour renforcer cette Europe que nous chérissons. Pour y parvenir, l’audace. Soyons tous Italiquecourageux !

Lundi 9 mai. Douce journée de printemps. À Moscou, l’armée russe procède à la célébration annuelle de sa victoire sur l’Allemagne nazie en 1945 : ses chars paradent sur la Place Rouge devant un Vladimir Poutine anxieux que le ciel ne lui tombe sur la tête (à moins que cela ne soit son avion Iliouchine IL-80, l’avion de l’Apocalypse).

2.166 km plus au sud, en Gaule, dans l’hémicycle européen de Strasbourg, ce même jour de “Saint Schuman” – d’après le jargon – a été choisi pour la cérémonie de clôture de la Conférence sur l’avenir de l’Europe (COFE). Aussi une célébration, mais sur le ton de la réconciliation de l’Europe et de réflexion sur son avenir commun. Les symboles sont forts en présence, notamment, de Emmanuel Macron, présent au titre de Président en exercice du Conseil de l’Union européenne, et de Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, qui porte maternellement dans ses bras le bébé d’une participante née pendant la COFE, incarnation d’avenir et d’espoir en ces temps troublés.

Que peut-on en retenir ? Si le décalage entre ce qu’attendent les citoyens de l’Europe et ce qu’elle est actuellement capable de produire comme résultats était encore évident il y a quelques années, aujourd’hui, l’Europe n’est plus du tout dans la contemplation. Elle a répondu aux vulnérabilités de la crise financière de 2008 et à celles de la pandémie de Covid-19 avec Next Generation EU (806 milliards d’euros de subventions et de prêts destinés à reconstruire une Europe plus verte, plus résiliente et plus numérique après la pandémie). Elle a aussi lancé un Green Deal européen et déployé des capacités d’actions inédites que l’on constate, par exemple, aujourd’hui vis-à-vis de la Russie. La mise sur pied de cette Conférence sur l’avenir de l’Europe – qui visait à mieux prendre en compte les aspirations des citoyens – participe à ce nouvel élan d’envergure.

Même si l’on peut déplorer que la COFE soit restée plutôt confidentielle en ces temps de Pandémie, elle n’en reste pas moins un exercice inédit de consultation citoyenne qui a nourri les débats sur la façon de relancer la construction européenne, après quinze ans de crises sans fin ou à venir : Brexit, migration, pandémie, crise écologique, et désormais, une guerre à ses portes avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Premier exemple de démocratie délibérative à l’échelle européenne, cette COFE a été vécue avec beaucoup de fierté et d’enthousiasme par les 800 citoyens Européens tirés au sort, les représentants de la société civile, et les députés européens qui y ont participé pendant plus d’un an. Une année de débats et de délibérations aura été nécessaire pour élaborer des propositions venant toucher à des thématiques telles que la démocratie européenne, la migration, la lutte contre les dérèglements climatiques, ou encore l’économie au service des gens.

Résultat ? 49 propositions déclinées en 300 actions concrètes ont été remises officiellement aux coprésidents de la Conférence ainsi qu’aux présidents des trois institutions européennes. Permettre de construire une Union européenne plus démocratique, plus intégrée en matière de fiscalité et de politiques étrangères, et plus impliquée dans la transition écologique, la santé et le social,… Notamment grâce à des propositions telles que l’introduction de salaires minimaux dans l’UE, la réduction des déchets issus des emballages, l’interdiction de produits issus du travail forcé, la définition de normes à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE en matière de politique environnementale, la suppression du droit de vote à l’unanimité au Conseil européen. Bref, une Europe capable d’agir rapidement, consciemment et avec fermeté face aux défis de demain.

Plusieurs des propositions de la COFE requièrent une modification des traités. Nous, au Parlement européen, avons immédiatement demandé la convocation d’une Convention, préalable nécessaire à toute modification substantielle des traités. Cette Convention réunira des représentants des Etats membres, des parlementaires nationaux et européens, et des représentants de l’exécutif européen. Elle devra adopter les mesures proposées par la COFE pour accroître l’autonomie et l’efficacité d’une Europe qui doit devenir une vraie puissance souveraine.

Plus que jamais, le courage doit être de mise. Il faut, comme le demande la COFE, oublier cette volonté de décider à l’unanimité pour soi-disant rester unis à tout prix, car cela nous interdit d’être ambitieux. En effet, là où elle existe encore – en matière de fiscalité et de politique étrangère, notamment – le vote à l’unanimité empêche, par exemple, de taxer les GAFA. Autres exemples : le vote à l’unanimité permet au hongrois V. Orban de bloquer l’embargo européen sur les importations de pétrole russe, ou, comme en novembre 2021, de faire blocage à l’adoption du Plan de relance européen au motif qu’il était conditionné au respect de l’État de droit. Bref, au final, avec le droit de vote à l’unanimité, l’Europe se retrouve bloquée par des Etats membres qui cherchent à tout bloquer. Merci mais non merci.

La Convention devra aussi clarifier les objectifs de l’UE, renforcer le contrôle démocratique via un droit d’initiative pour le Parlement européen, ou se pencher sur la mise sur pied de coopérations renforcées d’Etats membres désireux de s’intégrer davantage et de montrer la voie dans certains domaines. Une coopération européenne renforcée en matière de santé aurait ainsi démontré tout son sens dans la gestion de la pandémie et évité des situations folles.

À côté de cette nécessaire réforme institutionnelle, l’Union européenne doit continuer à agiravec courage, détermination et solidarité pour contrer les effets du conflit ukrainien sur nos économies et sur la population. Par exemple, en Belgique, le coût de la guerre est déjà chiffré à plus de 4 milliards par la Banque Nationale. Tandis que certains n’ont déjà plus le choix que de prendre un congé maladie plutôt que de remplir leur réservoir d’essence tant les prix à la pompe ont explosé. Sans parler des autres factures de gaz et électricité qui atteignent des montants indécents. Agir avec courage, car l’UE doit soutenir l’Ukraine en décrétant un embargo sur tous les carburants fossiles russes (charbon, pétrole et gaz) au plus vite. Il est inacceptable de financer la guerre de Poutine. Détermination, car cette guerre – dont l’enjeu est aussi la défense de nos valeurs – va exiger que l’UE garde le cap sur la durée pour mener des transformations structurelles notamment pour garantir son autonomie alimentaire, énergétique, numérique, sanitaire et militaire. Solidarité et générosité à chacun et à chacune car ce faisant, personne ne doit rester sur le bord du chemin, ni les Etats membres les plus touchés par l’embargo, ni les populations devenues plus fragilisées.

Ces actions sont aujourd’hui incontournables pour aboutir à une Union européenne forte et vraiment protectrice. Pour parvenir à un bloc européen uni qui puisse se mobiliser rapidement pour formuler des réponses à la hauteur des besoins actuels et qui soit en ordre de bataille pour affronter les prochaines turbulences. Tout le défi sera d’être efficaces, en temps de paix, comme en temps de crise.

Dans le contexte géopolitique actuel, les résultats de la COFE et les réponses à y apporter constituent un Momentum unique dans l’histoire européenne. Tout comme le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil vont devoir apporter des réponses rapides et ambitieuses. L’on scrutera particulièrement le Conseil européen des 23 et 24 juin dont la tournure sera décisive.

Aujourd’hui plus que jamais, rassemblons notre courage pour renforcer cette Europe que nous chérissons. Pour y parvenir, l’audace. Soyons tous courageux !

(*) Pour les conclusions de la Conférence sur l’avenir de l’Europe : https://aeur.eu/f/1GH

Benoît Lutgen, eurodéputé et Chef de délégation belge au groupe PPE du Parlement européen

Pascal Arimont, eurodéputé et Membre de la Convention sur l’avenir de l’Europe

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