Christophe De Caevel
Le climat, les riverains et les compagnies aériennes
Le compromis politique sur le futur de l’aéroport de Liège tente la toujours délicate conciliation des intérêts économiques et écologiques.
La semaine dernière, je constatais avec quelque inquiétude l’aspiration d’une majorité de Belges à une gouvernance plus autoritaire dans laquelle les journalistes, les fonctionnaires et même les juges ne pourraient plus entraver l’exécution des décisions politiques. J’y repense en observant les réactions au compromis dégagé par le gouvernement wallon en vue d’un relèvement du plafond des mouvements autorisés à l’aéroport de Liège. Le politique réagissait ainsi à une décision du fonctionnaire délégué qui avait fixé ce plafond à 50.000 mouvements.
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Depuis, plusieurs associations de riverains ont déjà annoncé des recours contre la décision du gouvernement wallon. Comme, d’ailleurs, des opérateurs avaient l’intention de le faire face à une autre décision. Ce sont donc des juges qui, dans quelques mois ou quelques années, devront sans doute se prononcer sur le bien-fondé de l’accord politique conclu à l’Elysette. Entravent- ils injustement l’action de dirigeants soucieux du bien-être économique de la Wallonie et de ses habitants ou protègent-ils les droits légitimes des personnes directement concernées par les nuisances de l’aéroport? Le débat est bien plus complexe que le contenu des discours populistes auxquels se rallie apparemment une partie de la population.
La question cruciale est celle d’une rationalisation européenne et d’une concentration des grandes infrastructures dédiées au commerce international.
Le compromis politique sur le futur de l’aéroport de Liège tente donc la toujours délicate conciliation des intérêts économiques et écologiques. Du point de vue environnemental, le sujet d’étonnement est la relative absence de la donne climatique dans ce débat. Comme si rien n’avait changé en 20 ans, comme si le bruit des avions et la quiétude des riverains demeuraient le principal écueil environnemental du développement aéroportuaire. L’enjeu sociétal est pourtant celui-là et c’est effectivement lui qui conditionne le potentiel économique de Liege Airport.
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Ce potentiel économique, venons-y. La réaction satisfaite de l’aéroport et des opérateurs indique a priori que le nombre de mouvements autorisés sera suffisant pour permettre le développement de l’infrastructure et la rentabilisation des investissements publics et privés consentis sur le site. Un pari sur l’avenir, que les opposants rejettent catégoriquement. Ils sont convaincus que les enjeux climatiques réduiront le recours au transport aérien et comparent d’ailleurs volontiers les investissements dans l’aéroport au soutien accordé dans les années 1970 à un secteur sidérurgique condamné à disparaître.
Les milliards (de francs) dépensés alors étaient sans doute excessifs mais, 50 ans plus tard, la sidérurgie existe toujours en Wallonie. Elle emploie encore quelques milliers de personnes, elles s’est repositionnée sur des produits haut de gamme et mise résolument sur la recherche, notamment dans le recyclage et la circularité. Les soutiens publics ne furent donc pas totalement de l’argent gaspillé. Il est utile de s’en souvenir aujourd’hui.
L’aéroport devra sans doute se repositionner comme l’a fait la sidérurgie. Le fret aérien – le créneau privilégié de Liège – ne disparaîtra pas mais il diminuera vraisemblablement en raison des enjeux climatiques. La question cruciale devient alors celle d’une rationalisation européenne et d’une concentration des grandes infrastructures dédiées au commerce international, à Liège ou ailleurs.
En somme, l’inverse des tentatives de débauchage de compagnies menées par l’aéroport d’Ostende. Cette rationalisation, on l’attend toujours, comme on attend toujours l’alternative du TGV-fret pour les connexions intra-européennes. De telles lignes stratégiques aideraient pourtant à concilier au mieux les intérêts économiques et écologiques.
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