La Chine en route vers un horizon inconnu

FEUILLE BLANCHE - La fin de l'année a été marquée par des manifestations réclamant plus de liberté et l'allégement des mesures anti-covid. Xi Jiping a déjà été obligé de lâcher du lest. © REUTERS

La Chine a du mal à s’adapter aux nouvelles réalités. Un Xi Jinping dominant a-t-il suffisamment de cran pour déterminer un nouveau cap?

Xi Jinping a passé ses 10 premières années à la tête de l’Etat à remettre en cause l’idée qu’un contrôle politique très strict est l’ennemi du dynamisme économique et de l’harmonie sociale. En 2023, alors qu’il entame sa deuxième décennie au pouvoir, son approche en matière de gouvernance – l’accaparement du pouvoir et la micro-gestion – sera mise à rude épreuve.

Lors de ses deux premiers mandats à la tête du parti communiste chinois entre 2012 et 2022, l’interventionnisme de Xi Jiping a été compensé par la vaste taille du pays, sa position dominante dans de nombreuses chaînes d’approvisionnement mondiales et la dynamique économique créée par des décennies de réformes du marché et d’ouverture au reste du monde.

L’essor de la Chine semblait inexorable, alors même que Xi Jiping renforçait la mainmise du parti dans tous les domaines, du système juridique aux universités, en passant par les médias et les industries du divertissement, tentant de développer une économie plus stable et moins inégalitaire.

La sécurité nationale est devenue un pilier de la politique de l’ère Xi. Des sommes considérables sont allouées aux stratégies industrielles pour rendre la Chine autosuffisante, afin que les Etats-Unis et d’autres concurrents ne puissent bloquer l’approvisionnement en technologies indispensables.

Plus étonnament, la Chine de Xi a mis en place, en réaction à la pandémie de Covid-19, le système de surveillance le plus ambitieux de son histoire, impliquant la fermeture des frontières, des tests continuels, le confinement de villes entières pendant des semaines, des applications sur smartphones permettant de suivre le moindre mouvement et des armées d’agents chargés d’appliquer les règles.

Les mauvais chiffres s’accumulent

Les partisans de cette politique affirment que leur président est doté d’une vision à long terme et que les quelques perturbations d’aujourd’hui ne sont qu’un petit prix à payer pour une stabilité future. Grâce à l’explosion de ses exportations, la Chine a été la seule grande économie à afficher une croissance substantielle en 2020, avant de connaître une croissance fulgurante de 8% de son PIB réel en 2021. Le président Xi et les responsables chinois clament haut et fort au reste du monde que ces résultats sont la preuve de la supériorité de leur système de parti unique.

Aujourd’hui pourtant, alors que Xi Jiping endosse les pouvoirs inégalés qui lui ont été conférés lors du 20e congrès du parti en octobre 2022, les mauvais chiffres s’accumulent. Le PIB risque d’avoir du mal à atteindre les 3% de croissance en 2022. Le chômage chez les jeunes, même diplômés, est élevé, ce qui soulève certaines inquiétudes. En Chine et en Occident, des barrières politiques et réglementaires s’élèvent pour bloquer les investissements transfrontaliers et les liens académiques par lesquels entre l’innovation.

Un moral en berne

Les conséquences sur le moral des Chinois sont indéniables. La demande des consommateurs est faible. Les ventes de biens immobiliers ont chuté en 2022. Le rapport du président Xi au congrès du parti préconise des politiques visant à augmenter le taux de natalité, car les jeunes fondent de moins en moins une famille. La crise de l’immobilier a impacté les revenus des gouvernements locaux au moment même où les factures de surveillance liées au covid arrivaient à échéance, entraînant des réductions de salaire pour les fonctionnaires dans tout le pays.

Le monde doit s’attendre à une diplomatie plus affirmée, de type “loup guerrier”.

Au printemps 2023, la session annuelle de l’assemblée législative, le Congrès national du peuple, doit confirmer les nouveaux dirigeants. Au Congrès du parti, Xi Jiping a nommé des fidèles et des collaborateurs de longue date aux sept postes du comité permanent du Politburo, dont Li Qiang, prochain Premier ministre selon toute vraisemblance.

La session parlementaire décidera quels départements seront attribués aux technocrates expérimentés – y compris les scientifiques du programme spatial chinois – qui feront ainsi leur entrée au Politburo.

La promotion des “faucons” des services de sécurité a été caractéristique de l’ère Xi. Comme l’a dit un homme d’affaires, “on a remplacé les ingénieurs par des policiers”. Cela continuera ainsi, avec des postes importants accordés à des anciens combattants du redouté ministère de la Sécurité de l’Etat. Le monde doit s’attendre à une diplomatie plus affirmée, de type “loup guerrier”, avec probablement des avancements pour les responsables de la politique étrangère, tels que Qin Gang, l’ambassadeur de Chine aux Etats-Unis. Qin Gang est un proche de Xi Jiping. Il est capable de passer du charme le plus mondain au mépris le plus féroce et menaçant à l’égard des émissaires étrangers.

La politique “zéro covid” ne peut pas changer en un jour. Même si la Chine fait le plein de traitements antiviraux efficaces et augmente son taux de vaccination, elle ne pourra pas s’ouvrir tant qu’elle n’aura pas préparé sa population à vivre avec des infections légères et répandues.

Pour que les contrôles draconiens soient respectés, il a fallu stigmatiser tout ce qui a trait au covid. Ceux qui attrapent et transmettent le virus sont cloués au pilori et accusés d’être égoïstes et indisciplinés. Pour convaincre les citoyens lambda qu’aucune autre alternative acceptable existe, les médias publient des rapports sur les décès dus au covid aux Etats-Unis et dans les autres pays étrangers. Même si des variants plus légers mettent un terme à la pandémie, les services de sécurité chinois pourraient renâcler à défaire les systèmes qui leur permettent de suivre des centaines de millions de Chinois dans leurs moindres déplacements.

A maintes reprises pendant l’ère Xi, on a estimé qu’un contrôle vertical était justifié pour assurer une prospérité durable. Mais la Chine a aujourd’hui le moral en berne. Et décréter d’en haut qu’il faut rester optimiste ne fonctionnera plus.

David Rennie, chef du bureau de Pékin de “The Economist”

Source : The Economist. Sous licence exclusive à Trends-Tendances.

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