Typhanie Afschrift
L’Etat ivre de pouvoir
Jusqu’ici, le fisc avait des pouvoirs exorbitants mais il devait les utiliser dans un bref délai. Aujourd’hui, l’équilibre est rompu. La nouvelle loi lui confère des délais supplémentaires, même s’il n’y a pas fraude.
La Chambre vient de voter une énième loi “portant des dispositions fiscales et financières diverses”. On en trouve régulièrement, de ces lois avec ces dénominations dépourvues de sens et qui, en général, sont une manière d’annoncer qu’on augmentera les impôts ou au moins les pouvoirs de l’Etat pour les percevoir. C’est bien le cas ici avec un paquet de dispositions qui, cette fois, touchent la procédure fiscale et essentiellement les règles de prescription.
Jusqu’à présent, hormis quelques situations exceptionnelles, le fisc devait respecter trois délais. Le 30 juin de l’année suivant celle où l’impôt doit être déclaré (pour les revenus effectivement déclarés), trois ans après la fin de l’exercice imposable (si le fisc constate une inexactitude ou une insuffisance dans la déclaration) et sept ans après la fin de l’exercice imposable (en cas de fraude, c’est-à-dire d’inexactitude commise avec intention de nuire, c’est-à-dire volontairement et en conscience). Ce dernier délai de sept ans résultait déjà d’un allongement décidé récemment puisqu’à l’origine, ce délai était de cinq ans.
Ces délais sont certes plus courts que pour récupérer une dette civile ordinaire, mais cela résulte d’un équilibre qui a toujours été voulu. En effet, le fisc dispose de pouvoirs extraordinaires pour réclamer l’impôt: c’est à peu près le seul créancier qui peut exiger de vous, sous peine de sanctions, de remplir vous-même la déclaration nécessaire pour déterminer ce que vous devez. Vous êtes, en plus, obligé de répondre aux questions de votre créancier fiscal, toujours sous peine de sanctions ; vous devez lui montrer des quantités de documents ; lui donner accès à vos locaux professionnels et à votre système informatique… Soit toutes des choses parfaitement inimaginables pour un créancier ordinaire. Cet équilibre voulu est plus ou moins réalisé dans la législation. Jusqu’ici, c’était cela: le fisc a des pouvoirs exorbitants, mais il doit les utiliser dans un bref délai.
C’est cet équilibre qui est gravement rompu par la loi nouvelle. Dorénavant, même sans fraude, le fisc dispose de quatre ans au lieu de trois si vous êtes en retard, même d’un seul jour, dans le dépôt de votre déclaration. Il dispose de six ans, au lieu de trois, si vous étiez tenu de déposer, en plus de votre déclaration, certains documents à propos de la législation sur les prix de transfert, ou pour des paiements effectués dans certains pays, et ce même si ces déclarations sont parfaitement correctes et introduites à temps. la Le délai passe de sept ans à… dix ans en cas de fraude et aussi, de trois ans à dix ans (! ), même en l’absence de fraude, dans quelques cas comme le seul fait d’être fondateur d’une “construction juridique”, même correctement déclarée.
On se demande bien pourquoi une administration, certes un peu moins nombreuse qu’avant mais toujours davantage que celle des Pays-Bas, a besoin de tant de temps pour effectuer des contrôles. Et pourquoi lui en faut-il plus qu’avant, alors qu’elle est censée être profondément réorganisée et dotée de moyens techniques performants et de pouvoirs d’investigation sans cesse accrus.
La seule explication est politique: dans un pays parmi les plus taxés au monde, le but est encore et toujours de renforcer le poids de l’Etat, d’augmenter les pouvoirs de ses agents sur les individus et les entreprises. L’Etat veut tout savoir, tout contrôler, et le faire pendant longtemps.
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