Impôts 2022: faites-vous partie des nouvelles cibles du fisc?
Nouveaux pouvoirs, nouvelles méthodes: profitant du contexte de la crise sanitaire et économique, le fisc s’est doté de nouvelles armes et intensifie encore ses vérifications. Dans son collimateur: les droits d’auteur, les multipropriétaires, les avoirs à l’étranger… Taxations tous azimuts et amendes systématiques: telles sont les tendances du moment en matière de contrôle fiscal.
Depuis 2020 et la crise du coronavirus, le fisc n’annonce plus ses cibles de contrôle. Pourtant, les frappes se concentrent bel et bien sur certains contribuables. D’ailleurs, “il n’échappera à personne que les contrôles se sont renforcés et intensifiés. La pratique de l’envoi systématique de back-up des systèmes comptables informatisés qui permet au fisc de réaliser un contrôle approfondi (recourant parfois à des logiciels internes très puissants, tel le système Arbutus) accentue ce phénomène. La perte de dialogue qui en découle rend plus difficile l’obtention d’un accord.”
Par le passé, l’administration interprétait avec une certaine empathie certains oublis ou certaines distractions. Aujourd’hui, la seule chose qui compte, ce sont les amendes et recettes immédiates.” – Pierre-François Coppens (FUcAM)
C’est par ces mots que débute le dernier livre (le 27e…) de Pierre-François Coppens intitulé Le dirigeant d’entreprise face aux contrôles fiscaux, paru en mars dernier aux éditions ADFPC. Destiné à tous les dirigeants d’entreprise et leurs conseillers, l’ouvrage examine en détail 20 redressements fiscaux actuels que subit le dirigeant d’entreprise ou l’actionnaire de sa société. Certains d’entre eux sont opérés depuis longtemps par l’administration mais “améliorés” par le fisc au fil du temps. D’autres sont plus récents. Mais tous ont un point commun: beaucoup de redressements sont devenus inéluctables. “Certaines constructions juridiques, jadis tolérées, font aujourd’hui l’objet de toutes les attentions de la part de l’administration fiscale, poursuit l’auteur dans son introduction. Ces ‘constructions’ sont bien connues: montages usufruit, emphytéose et droit de superficie, apport par un dirigeant de titres à une société holding ou ventes d’actions de leur société, utilisation des droits d’auteur, déduction de management fees, mécanismes dits ‘d’évasion fiscale internationale’, etc. Certaines déductions de frais mixtes sont aussi contestées par le fisc. Quant à l’échange d’informations, il fait aussi l’objet de nombreuses demandes de renseignements qui débouchent sur des rectifications fiscales parfois importantes.”
Sale temps pour les créateurs
Fiscaliste chevronné, ancien inspecteur principal au ministère des Finances, maître de conférences à l’UCLouvain (FUcAM), Pierre François Coppens connaît bien les contrôleurs et leurs méthodes. S’il a pris la plume une 27e fois, c’est pour aider les contribuables à se défendre face aux arguments d’une administration dont l’attitude aboutit selon lui aujourd’hui à “des taxations parfois arbitraires, des comportements abusifs et des malentendus constants entre le fisc et les contribuables”. Dernier exemple en date: les droits d’auteur, une fiscalité très avantageuse qui permet aux créateurs d’une oeuvre intellectuelle de bénéficier d’un taux de taxation distinct de 15%.
Mis en place en 2008 pour favoriser la situation fiscale des artistes, le régime connaît depuis un essor considérable. Journalistes, photographes mais aussi architectes, consultants et autres développeurs de logiciels sont en effet de plus en plus nombreux à valoriser leur propriété intellectuelle de la sorte tout en allégeant leurs impôts. Résultat, l’administration contrôle à présent massivement les sociétés qui allouent des droits d’auteur à leurs dirigeants. “C’est un axe de contrôle important pour 2022”, confirme la porte-parole du SPF Finances Florence Angelici. Objectif de l’administration: vérifier que les contribuables qui font usage du système ont créé une oeuvre protégée par le droit d’auteur. Quand il ne s’agit pas de rejeter intégralement le mécanisme! “Les contrôleurs refusent en effet de plus en plus d’admettre le régime fiscal des droits d’auteur lorsque les créations sont, d’après eux, la simple expression d’un savoir-faire, constate Pierre-François Coppens. Le fisc invoque par exemple l’argument dit “de la contrainte” à l’égard des architectes. Divers contrôleurs estiment en effet que les contraintes techniques écologiques, urbanistiques et de sécurité sont primordiales dans l’élaboration d’un travail d’architecture. Bien sûr, les demandes des clients doivent être prises en compte. Mais vu ces différentes obligations, l’aspect créatif et innovant est selon eux très limité”, ce que Pierre-François Coppens conteste fermement.
Guerre larvée
Cette fermeté de l’administration, notamment envers les utilisateurs du système des droits d’auteur, Pierre-François Coppens n’est pas le seul à l’observer. Avocate fiscaliste au cabinet Tetra Law et chargée de conférence dans le cadre de l’ executive master en gestion fiscale de la Solvay Brussels School, Sabrina Scarnà la constate également. “Qu’il s’agisse des droits d’auteur mais aussi des achats scindés ou des multipropriétaires, tous ces sujets ont en réalité un point commun: l’administration fiscale estime que certaines règles constituent un avantage fiscal important, voire peut-être inadéquat, et qu’il convient donc de chasser les abus ou les situations qui semblent inéquitables à ses yeux.”
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Du même avis, son confrère Thierry Litannie (LawTax) mâche encore moins ses mots: “L’administration fiscale n’aime tout simplement pas le fait que des contribuables puissent toucher des droits d’auteur. Et ce, sur la base d’un régime fiscal qui, somme toute, a été établi par le législateur. C’est la même chose pour les opérations immobilières entre les sociétés et leurs dirigeants, le respect de la règle des 80% en matière de pension complémentaire, etc. Tout cela déplaît au fisc. Il n’admet pas que certains régimes fiscaux particuliers puissent exister.” D’accord, mais lutter contre les abus n’est-il pas un objectif louable? “Si, mais le problème, c’est que les contrôleurs ne cherchent pas à appliquer de manière objective et calme la législation. Il s’agit d’inventer tout et n’importe quoi en termes d’arguments totalement arbitraires pour taxer. Le climat est délétère. On assiste véritablement à une guerre larvée entre l’administration et les contribuables”, renchérit l’avocat.
Si les opérations de contrôle ciblées sur des secteurs ou des montages particuliers ne sont pas neuves, la philosophie a donc changé. La crise sanitaire n’a pas freiné les ardeurs de certains contrôleurs, au contraire. “Il n’est pas rare de voir l’administration fiscale procéder à des taxations sans demande de renseignement préalable ou menacer le contribuable qui n’enverrait pas l’ensemble des fichiers comptables de la société, le tout dans un format adapté aux exigences du fisc pour faciliter son travail d’investigation”, observe Pierre-François Coppens.
Loyers taxés à 50%
Font également les frais de cette “agressivité”, les comptes et les immeubles détenus par les Belges à l’étranger. Ils subissent d’importantes vérifications sur la base des mécanismes d’échanges internationaux d’informations auxquels participent désormais plus d’une centaine de pays. Ici, note Pierre François Coppens, “le fisc essaye systématiquement de revenir sept ans en arrière alors qu’il ne peut remonter que sur cinq ans. Les échanges d’informations entre Etats n’existent en effet que depuis 2016. L’administration joue donc sur un délai qui n’est pas le bon. Sans compter qu’elle ne fait pas le tri entre les différents revenus. Il est fréquent de la voir taxer sans distinction les revenus qui sont exonérés comme les plus-values sur actions et les autres revenus imposables. Et ce, en appliquant de manière systématique un accroissement d’impôt de 50% pour ces revenus perçus à l’étranger.”
Egalement dans le collimateur, les multiples propriétaires de biens immobiliers à l’encontre desquels l’administration tente de plus en plus de requalifier les loyers perçus en revenus professionnels taxables à l’impôt des personnes physiques au taux marginal de 50%. “On peut se poser la question de savoir si ce type de contrôle n’est pas en réalité le fruit d’une idéologie bafouée par la loi, à savoir taxer les loyers, déplore Sabrina Scarnà. Le législateur ne le faisant pas, on essaie alors de trouver la parade: justifier la taxation des loyers à titre de revenus professionnels, puisque c’est la seule possibilité de requalification prévue par le code fiscal. Pour ce faire, l’administration doit alors prouver que les immeubles sont affectés à une activité professionnelle, qui est une notion non définie.”
Et puis, il y a les amendes. “De plus en plus de demandes de renseignement n’aboutissent pas forcément à un contrôle mais sont assorties de sanctions disproportionnées en cas de non-réponse dans un délai très court”, souligne Pierre-François Coppens. Même intransigeance pour les retardataires. Gare à celui qui rentre sa déclaration hors délai, “même si le retard n’est que de quelques heures”, prévient le fiscaliste. Même tarif également pour les erreurs: “Par le passé, l’administration interprétait avec une certaine empathie certains oublis ou certaines distractions. Ce n’est absolument plus le cas aujourd’hui. Elle n’accepte plus la notion d’erreur. La notion de bonne foi a complètement disparu. La seule chose qui compte, ce sont les amendes et recettes immédiates”, juge Pierre-François Coppens.
C’est la machine qui décide: qui on va contrôler, ce qu’on va contrôler et le temps qu’on va y consacrer.” – Thierry Litannie (Lawtax)
Contrôles à distance
Mais comment en est-on arrivé là? Réponse: le data mining. “Tout est de plus en plus automatisé, assure Thierry Litannie. C’est la machine qui décide: qui on va contrôler, ce qu’on va contrôler et le temps qu’on va y consacrer.” Ensuite, l’administration fiscale se voit régulièrement dotée de nouveaux moyens procéduraux. Outre une nouvelle réduction de la portée du secret bancaire, déjà réduite à peau de chagrin, une nouvelle disposition prévoit que lorsque la comptabilité est disponible sous forme numérique, les contribuables sont désormais obligés de mettre les documents demandés à disposition via une plateforme électronique sécurisée du SPF Finances. Celui qui tient une comptabilité sous forme digitale (Winbooks, etc.) doit lui transmettre les fichiers et pièces justificatives via cette plateforme électronique. Officiellement, il s’agit de réduire la charge administrative pour le contribuable lors d’un contrôle fiscal. “Dans beaucoup de cas, c’est plus efficace”, plaide Florence Angelici (SPF Finances). “En réalité, l’objectif de ces contrôles à distance est ailleurs, dit Thierry Litannie. Il s’agit de faciliter la vie des contrôleurs. Toute information transmise par voie électronique peut en effet facilement être synthétisée et analysée grâce au data mining. Il suffit de programmer les algorithmes pour faire sortir du lot tous les dossiers où un démembrement de propriété a eu lieu ou est en cours, de voir que les actions d’une société ont éventuellement changé de main, etc. Et tout cela sans devoir se déplacer.”
L’alibi du covid
Justifiés dans le cadre de la crise sanitaire par la restriction des contacts sociaux, ces contrôles à distance ont donc pour objectif, selon Thierry Litannie, d’encore mieux armer une administration déjà particulièrement bien outillée. “La crise et l’évolution des mentalités justifient toutes les dérives, s’exclame l’avocat. On confie à l’administration fiscale tous les pouvoirs sans que personne ne puisse s’interroger sur les risques d’un abus de ces pouvoirs!” De fait, “on observe dans la pratique qu’elle utilise déjà actuellement les informations puisées dans des serveurs pour taxer les contribuables, embraye Pierre-François Coppens. Ce fut le cas par exemple avec une correspondance échangée entre un avocat et son client (dirigeant) quant à la stratégie fiscale adoptée, et qui a été découverte par un contrôleur. Ce dernier en a profité pour taxer un avantage de toute nature dans le chef du client dirigeant. Fort heureusement, l’affaire a été portée en référé devant le tribunal d’Anvers qui a immédiatement pu annuler les cotisations. Il n’empêche que l’affaire a de quoi interpeller. Elle démontre tous les risques que comporte l’examen approfondi par un contrôleur qui ferait feu de tout bois pour obtenir un supplément d’impôt.”
Officiers de police
Ce n’est pas tout. Car une autre disposition reconnaît désormais aux fonctionnaires de l’administration des pouvoirs d’officiers de police judiciaire pouvant dans certains cas les amener à participer à des enquêtes pénales. “Offrir la qualité d’officier de police judiciaire à des personnes qui demeurent par ailleurs des fonctionnaires fiscaux et à qui on donne ce pouvoir en vue de rechercher et constater des infractions de fraude fiscale ou de blanchiment comporte en soi un risque de dérive”, juge Sabrina Scarnà.
Autre nouveauté: le deuxième plan anti-fraude de la Vivaldi. Une des mesures prévoit de permettre aux fonctionnaires, lors d’un contrôle sur place, de confisquer les téléphones portables, les ordinateurs, etc., d’avoir en tout cas des pouvoirs de contrainte. En clair, on veut autoriser le fisc à perquisitionner, fustige Sabrina Scarnà: “Ce plan anti-fraude part du postulat que l’administration doit pouvoir avoir plus de pouvoir. Or, l’administration fiscale a déjà un nombre de prérogatives et de pouvoirs importants. Avoir pour objectif de lui permettre de mener une enquête de type judiciaire, mais sans les garanties qu’offre la procédure pénale au justiciable, doit alerter le citoyen dont les droits fondamentaux sont réduits à peau de chagrin”, souligne l’avocate de Tetra Law.
Dès lors que la plus-value porte sur des actions détenues depuis une période relativement longue, et que la vente intervient au profit d’un tiers, la gestion normale sera le plus souvent retenue.” – Sabrina Scarnà (Tetra Law)
De nouveaux délais de taxation sont également prévus. A commencer par le délai d’imposition ordinaire qui passe de trois à quatre ans. En clair, cela veut dire que l’administration disposera bientôt de quatre ans pour retourner en arrière et taxer le contribuable. Soit. “Ce qui est pire, souligne Thierry Litannie, c’est le nouveau délai de 10 ans prévu pour les situations complexes qui pourrait aussi s’appliquer en cas de non-déclaration de revenus. Imaginez le cas d’une plus-value sur actions que vous considérez comme exonérée d’impôts parce que relevant de votre patrimoine privé. Vous n’allez pas la mentionner dans votre déclaration puisqu’elle n’est pas imposable. Est-ce que l’administration, vu le défaut de déclaration, pourra revenir sur des opérations de ce genre 10 ans après?”, se demande l’avocat fiscaliste, parlant de dérive inquiétante.
Comment réagir?
Dans ces conditions, que faire? comment réagir aux foudres d’une administration non seulement de mieux en mieux armée mais aussi de plus en plus agressive? D’abord, bien sûr, en prenant les devants ( lire l’encadré “Les principaux redressements actuels”). Ensuite, il est toujours possible de marquer son désaccord par une réclamation. “Mais les chances d’obtenir un revirement au stade de la réclamation sont devenues plus faibles qu’avant, malgré les efforts louables du service de conciliation, estime Pierre-François Coppens. J’ai l’impression, comme beaucoup de mes confrères, que ces deux phases n’existent plus et que la procédure de réclamation est en réalité traitée par le service de taxation.” Autre possibilité: aller en justice. “C’est bien évidemment aussi une voie mais le coût de la défense devant les tribunaux est parfois supérieur à l’enjeu financier pour le contribuable. L’administration le sait très bien. Dans certaines situations, elle gagne donc par forfait. Elle crée de ce fait deux catégories de contribuables: ceux qui ont les moyens de se défendre et les autres, ce qui est totalement antisocial, voire antidémocratique.”
Reste enfin, selon Pierre- François Coppens, le chemin du Service des décisions anticipées (SDA) où il est possible d’obtenir un ruling, c’est-à-dire un accord au préalable avec le fisc. “Certes, les conditions sont assez contraignantes pour obtenir un ruling. Mais c’est la dernière bouée de sauvetage du contribuable. Cela reste la solution la plus sûre. La procédure confère une sécurité juridique qui est appréciable dans le climat actuel. D’autant qu’il n’est pas rare de voir certains contrôleurs ne pas reconnaître la légitimité des prises de position du SDA dans des cas similaires. D’où l’intérêt de bénéficier d’une sécurité juridique qui soit vraiment adaptée à sa situation fiscale.” Car comme le disait Philippe Bouvard, “le redressement fiscal est ainsi nommé par ironie pour désigner l’opération dont un particulier ou une entreprise ne se relèveront jamais”.
Vos comptes bancaires totalement mis à nu
Depuis cette année, les banques opérant en Belgique sont tenues de communiquer des informations supplémentaires au point de contact central (PCC) de la Banque nationale. Deux fois par an, tous les 30 juin et 31 décembre, elles doivent désormais transmettre les soldes des comptes bancaires de leurs clients. Tous les types de compte sont concernés: les comptes à vue, les comptes d’épargne, les comptes à terme, les comptes-titres… La volonté du ministre des Finances est de permettre à l’administration de pouvoir accéder aux informations du PCC en dehors de l’hypothèse d’une fraude fiscale. Mais à l’heure actuelle, cette condition d’accès reste toujours établie.
15%
Le taux de taxation avantageux des revenus liés à la cession des droits d’auteur.
Les principaux redressements actuels
1. Pension complémentaire
Il y a eu une explosion massive des vérifications en début d’année 2021 lorsque la ministre des Pensions Karine Lalieux a annoncé vouloir réformer le deuxième pilier et supprimer le régime des assurances de groupe, voire ne permettre la perception des sommes économisées que sous forme de rente. Heureusement, le législateur n’est pas allé jusque-là. “Toutefois, l’administration a eu pour instruction de contrôler massivement les EIP (pour engagement individuel de pension) dans les sociétés. Les plus à risque sont celles qui ont tout à coup versé de grosses primes au seuil de la pension de leur dirigeant. Le bon conseil est ici de faire un petit audit de sa situation et de demander à son courtier de bien vérifier la règle des 80%. En outre, préconise Sabrina Scarnà, il ne faut pas attendre les trois dernières années pour faire des augmentations conséquentes de salaires qui justifient des primes plus importantes.”
2. Droits d’auteur
Les sociétés qui allouent des droits d’auteur à leurs dirigeants font cette année l’objet d’une vague de contrôles sans précédent. But de la manoeuvre: requalifier ces droits d’auteur en revenus professionnels plus lourdement taxés. “Mis en place en 2008 pour favoriser la situation fiscale des artistes, le régime est plus large puisqu’il vise tous les revenus issus de la cession ou de la concession d’oeuvres protégées par le droit d’auteur, rappelle l’avocate fiscaliste Sabrina Scarnà (Tetra Law). Il s’agit d’une notion définie par la loi qui implique en réalité une création intellectuelle ou artistique originale, c’est-à-dire qu’elle reflète l’empreinte de son auteur, et qui soit mise en forme. Il faut, pour se défendre, avoir concrétisé le tout dans une convention écrite et visé la rémunération qui y est attachée. Evidemment, si un ruling est obtenu, il sera opposable à l’administration.”
3. Déductions de frais
Axe de contrôle récurrent et fonds de commerce de l’administration: il vous appartient de prouver que les frais dépensés servent à acquérir ou conserver des revenus professionnels. “Il faut donc non seulement garder la preuve du fait que la dépense a effectivement été supportée mais aussi se ménager la preuve de son objectif professionnel”, souligne Pierre-François Coppens. Le contribuable avisé gardera donc des justificatifs appropriés (détail du ticket de caisse, copie de l’agenda, preuve du kilométrage, etc.). Il faut toutefois rappeler qu’une dépense reste déductible même si le revenu escompté n’a pas finalement pu être obtenu ; ce qui importe est l’intention réelle d’avoir de tels revenus.
4. Achats scindés et démembrements de propriété
L’administration a depuis longtemps ce type d’opération concernant l’acquisition de biens immobiliers dans le viseur. Mais elle les déteste de plus en plus. Dans le cas où l’usufruit est attribué aux parents et la nue-propriété aux enfants, “il est primordial de faire une donation enregistrée aux enfants des montants nécessaires à l’acquisition de la nue-propriété du bien et des frais accessoires (droits d’enregistrement, frais de notaires), et ce avant le paiement de tout acompte et de la signature du compromis, indique l’avocat spécialisé en droit fiscal Thierry Litannie (Lawtax). En vertu de nouvelles interprétations, l’administration peut en effet contester l’opération et réclamer des droits de succession sur le bien”. Pour ce qui concerne les démembrements de propriété entre les dirigeants et leurs sociétés (usufruit pour la société, nue-propriété pour le dirigeant), “il faut faire particulièrement attention lors de la mise en place du montage en cours de route – surtout si des travaux sont opérés durant la vie du démembrement – et lors de la fin du démembrement. L’administration ayant de plus en plus l’habitude de tenter de taxer les dirigeants et les sociétés sur la base de l’attribution d’un avantage de toute nature”.
5. Revenus locatifs
L’administration n’hésite plus à tenter de requalifier l’intégralité des revenus locatifs perçus par les particuliers très actifs dans l’immobilier en tant qu’activité professionnelle. Des revenus requalifiés de professionnels qui sont également pris en compte pour le calcul des cotisations sociales d’indépendant. “Si le patrimoine devient trop important, il convient de confier sa gestion à un tiers – si c’est quelqu’un d’autre qui gère, il est plus difficile de dire que vous en faites votre profession – et envisager de mettre le patrimoine en société”, conseille Sabrina Scarnà.
6. Avoirs à l’étranger
Comptes et immeubles détenus par les Belges à l’étranger sont également dans le viseur, même si la grande vague de 2017 a plutôt tendance à se normaliser. “En ce qui concerne les soldes des comptes désormais transmis par les banques au registre des comptes bancaires de la Banque nationale ( le point de contact central, PCC, Ndlr), n’oublions pas que la consultation n’est possible que lorsque l’administration contrôle déjà un contribuable et qu’elle a des indices de fraude, rappelle Sabrina Scarnà. Néanmoins, le gouvernement planche sur des modifications législatives qui offriront plus de latitude à l’administration et à de nouvelles vagues de contrôle.” Quant aux rapatriements de ces avoirs à l’étranger en Belgique, “ils nécessitent la plus grande prudence dans la mesure où le banquier belge aura le réflexe de s’assurer qu’ils sont en ordre fiscalement parlant. A défaut, il bloquera les fonds et dénoncera éventuellement le contribuable concerné à la CTIF ( la cellule qui traque l’argent sale, Ndlr), tout en exigeant une régularisation fiscale”, prévient Thierry Litannie.
7. Plus-values sur actions
“Celles-ci sont en principe exonérées mais l’administration voit la spéculation partout”, pointe Pierre-François Coppens, conseiller fiscal. Le registre UBO est un outil qui permet au fisc de découvrir qu’une plus-value est intervenue. En effet, si le contribuable estime qu’elle relève bien de la gestion normale de son patrimoine privé, il ne la mentionnera pas. “En cette matière, l’administration a rarement eu gain de cause en jurisprudence. Dès lors que la plus-value porte sur des actions détenues depuis une période relativement longue, et que la vente intervient au profit d’un tiers, la gestion normale sera le plus souvent retenue. Le simple fait de savoir qu’une cession a eu lieu n’emporte pas encore une quelconque justification d’une éventuelle taxation”, rappelle Sabrina Scarnà.
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