Jean-Michel De Waele (ULB): “C’est désastreux pour l’image des Diables rouges”

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

“On a l’impression d’avoir des adolescents millionnaires et boutonneux qui se disputent entre eux au premier contretemps”, peste le professeur de l’ULB, en dénonçant le “manque de professionnalisme” de l’union belge et la “complaisance” de la presse.

Jean-Michel De Waele, professeur à l’ULB et spécialiste de la géopolitique du football, n’est pas tendre avec les Diables rouges et le contexte de crise qui les entoure: après la défaite contre le Maroc, des tensions latentes ont éclaté entre les joueurs. Lors d’un point de presse, ce mardi, Eden Hazard et Thibaut Courtois, ont minimisé en disant vouloir rester unis, mais le simple fait d’en parler démontre que l’épisode laissera des traçes.

Que pensez-vous de ce moment de crise autour de l’équipe nationale?

Cela montre tout de même un manque de professionnalisme dans la gestion des difficultés qui est extraordinaire à ce niveau-là! On aurait pu s’attendre que l’Union belge, qui a investi massivement dans la com’ et le marketing, gère un peu mieux sa communication de crise. Il fallait quand même s’attendre à ce que les résultats ne soient pas bons ou que des difficultés se présentent.

Cet épisode est désastreux pour l’image des Diables rouges. J’ai l’impression que la colère populaire est grande par rapport à cet amateurisme. C’est aussi le résultat de ces journalistes qui ont cessé complètement de faire leur travail critique au sujet de l’équipe belge. Pendant des années, pour recevoir un maillot dédicacé de Romelu ou d’Eden, ils ont perdu toute distance.

Ce qui me frappe d’ailleurs, c’est que c’est la presse française qui fait son boulot en révélant les tensions au sein du vestiaire des Diables rouges. Si cela se passe mal au Qatar, on va sans doute brûler du jour au lendemain ce que l’on a adoré. C’est très décevant, je le dis d’autant plus facilement que je n’ai jamais adoré ce climat bling bling et ces conférences de presse au cours desquelles le coach Roberto Martinez ne disait rien de rien.

Cet épisode de tensions au sein des Diables rappelle-t-il les tensions qui prévalaient au sein de l’équipe de France lors de la grève du bus, en Afrique du sud, en 2010?

A l’époque, c’était bien plus brutal, mais aussi bien plus politisé.

Ici, on a l’impression d’avoir des adolescents millionnaires et boutonneux qui se disputent entre eux au premier contretemps. C’est comme s’ils se rejetaient la faute après avoir perdu à la Playstation. Cela tient plus de la cour de récréation que de la banlieue révoltée, ce qui était le cas en France. Et on ne peut pas dire que papa Martinez soit à la hauteur pour gérer cela.

Tout cela, c’est du pain béni pour le Vlaams Belang et l’extrême droite. Nous, les francophones, avons considéré que cette équipe des Diables rouges était la démonstration que la Belgique marche. On en revient aujourd’hui.

Les incidents à Bruxelles après le match contre le Maroc sont, là aussi, du pain béni pour le Vlaams Belang : c’était tellement prévisible dans ce quartier délaissé, où il y a du chômage et de la répression policière.

La gestion de l’équipe belge est-elle mauvaise?

Vous constaterez que je ne parle même pas de tactique, mais les fans de football réclament depuis des années des changements dans ce domaine ou un rajeunissement de l’équipe. Le cas d’Eden Hazard est quand même éloquent: il n’en touche plus une depuis trois ans, mais on continue à le faire jouer.

Cela aussi est lié à cette complaisance de la presse, qui est incapable de remettre cela en question parce qu’elle est trop proche de ses joueurs et que les succès des Diables constituent une rente depuis tant d’années. Je ne vois pas une telle complaisance par rapport au monde politique, par exemple. Dans la presse étrangère, quand cela ne va pas, on dit les choses.

Je suis d’autant plus en colère par rapport à tout cela qu’il y a une quantité impressionnante de recherche scientifique sur toutes les dimensions du football, des tas de gens qui travaillent dessus et que personne n’écoute. La presse ne pourrait-elle pas aussi mobiliser ces connaissances comme c’est le cas sur la Covid ou le défi climatique?

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