Jean Faniel (Crisp): “La sobriété salariale des ministres, c’est l’arbre qui cache la forêt”

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Pour le directeur du Centre de recherche et d’information sociopolitiques, le gouvernement a été poussé dans le dos pour prendre cette décision. Le vrai enjeu concerne davantage les tensions salariales et le financement plus large de la vie politique.

1. Les ministres se sont accordés sur une réduction de leur salaire de 7,5% ou 8%. Est-ce un bon signal?

Il faut avant tout voir dans quel contexte cela est décidé. Une nouvelle fois, c’est une crise qui impose un changement en la matière. C’était déjà arrivé quand Sven Gatz avait quitté le parlement flamand avec une indemnité importante ou lors du “California Gate” avec José Happart: dans l’urgence, on avait revu les indemnités parlementaires. Cette fois-ci, c’est l’émoi provoqué par la réponse mal assumée et fausse du secrétaire d’Etat Mathieu Michel au sujet de son salaire qui amène à cette décision. Les politiques agissent quand ils sont poussés dans le dos. Il n’est pas question, en outre, d’une remise à plat plus fondamentale des rémunérations.

Jean Faniel, directeur du Centre de recherche et d'information sociopolitiques (Crisp)
Jean Faniel, directeur du Centre de recherche et d’information sociopolitiques (Crisp)© belgaimage

2. Est-ce néanmoins une façon de gouverner par l’exemple? Et le privé devrait-il suivre?

La question que l’on peut se poser, c’est de savoir quel est l’exemple donné? Dans le climat social actuel, avec des syndicats qui réclament une révision de la loi de 1996 pour obtenir plus de marge salariale et qui défendent l’indexation automatique des salaires, ce n’est pas forcément le signal attendu, surtout venant de la part d’un Premier ministre libéral. Bien sûr, le gouvernement veille à ne pas parler d’un saut d’index pour les ministres, mais c’est globalement ce à quoi correspond le pourcentage en question. Les syndicats ne demandent d’ailleurs pas non plus de réduction pour les hauts salaires parce que les cotisations permettent de financer la sécurité sociale. Tant dans la fonction publique que dans le secteur privé, il me semblerait plus judicieux de s’intéresser aux éléments de tension salariale qui sont de plus en plus criants, autrement dit les écarts de plus en plus importants entre les hauts et les bas salaires. Cela permettrait d’objectiver davantage les choses et de réduire les sentiments d’injustice.

3. Cette mesure, n’est-ce pas l’arbre qui cache la forêt, la vraie question étant le financement des partis politiques?

Cela peut effectivement être considéré comme l’arbre cachant la forêt. Budgétairement, il est vrai que cela ne pèse pas très lourd: 450.000 euros, ce n’est pas cela qui va résorber la dette belge. La question du financement de la vie politique se pose de façon plus large. La N-VA a émis une série de propositions pour revoir le gel du financement des partis politiques… alors que c’est elle qui en profite le plus aujourd’hui. Cette mesure de sobriété salariale, décidée dans un contexte de crise et avant un conclave budgétaire, n’est pas une remise à plat du système comme cela avait été le cas dans les années 1990. Et sauf erreur, je n’ai pas entendu un responsable politique dire qu’il s’agissait d’un premier pas avant une réforme plus large.

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