Olivier Mouton
Italie: une alarme pour l’Europe et la Belgique
Cette ombre politique nécessite la vigilance de tous. Y compris des milieux d’affaires complaisants ou de citoyens fatalistes ou apeurés qui pourraient vite regretter leur choix.
La victoire de l’extrême droite lors des élections en Italie du dimanche 25 septembre fait planer une ombre sur l’Europe et retentit comme un signal d’alarme pour la Belgique. Voici un nouveau pays européen, après la Suède récemment, séduit par les sirènes populistes de la droite radicale. Et pour la première fois, il s’agit d’un des pays fondateurs de l’Union. Sous la pression de la crise inflationniste induite par la guerre menée par Vladimir Poutine en Ukraine, l’Italie, particulièrement fragilisée en raison de sa dette et de ses faiblesses économiques structurelles, tente une aventure dont le caractère déstabilisateur est réel. Pour elle-même mais aussi pour le continent tout entier alors que le conflit ukrainien est à un tournant avec les avancées des troupes du président Volodymyr Zelensky et la mobilisation partielle de la Russie.
Les milieux d’affaires ont pourtant donné leur blanc-seing à la conquête de l’Italie par Giorgia Meloni. Début septembre, le quotidien Le Monde racontait que tant à l’occasion du Forum Ambrosetti, le “mini-Davos” lombard, que lors du Meeting de Rimini organisé par le puissant mouvement catholique Communion et Libération très implanté dans les cercles patronaux du nord du pays, la dirigeante de Fratelli d’Italia avait reçu un accueil chaleureux. Giorgia Meloni a, il est vrai, donné des gages: elle adopte un profil atlantiste, promet de ne pas jouer la rupture avec l’Europe et a annoncé qu’elle gouvernerait pour “tous les Italiens”. En outre, son programme économique et fiscal ultralibéral est favorable à l’esprit d’entreprendre.
Mais ne nous trompons pas: l’essence même de son projet est intolérant, ses alliés au pouvoir dans les pays européens restent la Hongrie et la Pologne et ses amitiés logées au coeur de la famille nationaliste du Rassemblement National en France ou du Vlaams Belang en Flandre. Ce premier domino italien, souligne le politologue Erwan Lecoeur, confirme qu’une “vague nationaliste est en train de submerger une partie de l’Europe”. Inévitablement, les tensions naissantes au sein de l’Union européenne risquent de grandir, tant pour savoir jusqu’où soutenir l’Ukraine que pour serrer les coudes face au choc économique.
Cet avènement postfasciste n’est pas une bonne nouvelle. Si Giorgia Meloni lisse son profil, elle reste une source d’instabilité majeure. D’autant que son gouvernement promet d’être fragile, avec des alliés comme Silvio Berlusconi et Matteo Salvini dont les penchants pro-Poutine sont réels… et dangereux.
Pour la Belgique, c’est un signal d’alarme. Car l’Italie sort fracturée de ce scrutin entre un Nord riche qui a plébiscité l’extrême droite et un Sud pauvre qui a voté davantage pour le populisme de gauche du Mouvement Cinq Etoiles. C’est précisément ce qui risque de se produire chez nous en 2024, avec un Vlaams Belang numéro 1 au nord du pays, suivi par la N-VA, sous le regard bienveillant ou opportuniste des milieux économiques. D’autant que ce serait face à une Wallonie enfoncée dans la pauvreté et l’endettement qui choisirait le PTB et ses illusions folles. Le résultat serait, chez nous, un blocage du pays et son écartèlement, à défaut de son éclatement.
“La victoire de Giorgia Meloni est symboliquement forte et peut incontestablement avoir un effet déstabilisateur, mais partiellement seulement, souligne Benjamin Biard, chercheur au Crisp, dans un entretien notre site. Cela ne va pas tout chambouler.” Il n’en reste pas moins que cette ombre politique nécessite la vigilance de tous. Y compris des milieux d’affaires complaisants ou de citoyens fatalistes ou apeurés qui pourraient vite regretter leur choix.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici