“Il n’y a plus de crise de l’énergie. Il y a maintenant un cataclysme énergétique”
La facture d’énergie pourrait faire un bond de 700 euros selon la CREG, de quelque 2500 euros si la catastrophe actuelle se poursuit. Damien Ernst (ULg) met en garde depuis deux mois et se demande ce que font les ministres de l’Energie. Test-Achats dénonce aussi une facture devenue “feuille d’impôts”.
“Il n’y a plus de crise énergétique. Il y a maintenant un cataclysme énergétique. Le prix du gaz a encore augmenté d’environ 10% ce (mardi) matin, pulvérisant la barre des 100 euros/MWh.” Damien Ernst, professeur à l’ULiège et expert des questions énergétiques, lançait un nouveau cri d’alarme sur les réseaux sociaux, mardi 5 octobre, alors que les cours continuent leur progression et que l’impact sur les consommateurs risque d’être très important.
“La catastrophe est totale, nous précise-t-il ce mercredi matin. Je ne sais plus quoi dire. Hier matin on était à 98 euros/MWh pour le gaz. Avant la crise du Covid-19 à 18 euros/MWh. Aujourd’hui à 135euros/MWh. A 135 euros/MWh un ménage moyen va voir sa facture de gaz et d’électricité augmenter de plus de 2500 euros/an. La crise est totale.”
La Commission de régulation de l’électricité et du gaz (Creg) publie un rapport évoqué tous azimuts ce mercredi matin, estimant l’impact de ces hausses pour les prochains moins. Et les chiffres sont salés, même si moins élevés que les perspectives relevées par Damien Ernst: un ménage ayant un contrat variable et une consommation correspondant à la moyenne belge devrait débourser 115,82 euros en plus pour l’électricité chaque année et 597,92 euros pour le gaz, soit un total de 713,74 euros.
“L’annonce de la CREG fait froid dans le dos…, commente Jean-Philippe Ducart, porte-parole de Test-Achats. Et personne ne parle du niveau “belge” déjà très élevé de la facture d’électricité (dans une moindre mesure du gaz) en moyenne européenne. + 66% en quelques années. En cause: la facture est une feuille d’impôts!“. Les taxes et autres contributions des différents niveaux de pouvoir alourdissent la facture des ménages depuis longtemps.
L’organisation de consommateurs prône d’urgence une baisse de la TVA à 6% pour une partie incompressible de la consommation, “principalement pour l’électricité mais cela doit sans doute être envisagé pour le gaz à tout le moins de façon transitoire”. Elle encourage aussi le(s) gouvernement(s) à se pencher sur la facture d’électricité dans sa globalité. “En effet, si le prix de la molécule s’envole aujourd’hui, il faut rappeler que le niveau de base de la facture est particulièrement élevé si l’on compare avec la moyenne européenne. Entre 2007 et 2020, la facture d’électricité a augmenté de pas moins de 56% en Belgique! En cause: taxes, redevances et cotisations.”
“Mais que font les quatre ministres?”
Politiquement, la question de l’énergie s’est invitée en tête des priorités du conclave budgétaire qui est en cours, dont le fruit doit être dévoilé avant la déclaration de politique fédérale d’Alexander De Croo à la Chambre, mardi 12 octobre “J’avertis quant à cette crise depuis 2 mois maintenant, peste Damien Ernst. C’est effarant qu’avec quatre ministres de l’énergie en Belgique, on n’a pas su gérer cette crise de manière préventive! Mais que font-ils?”
Politiquement, des discussions ont bien lieu pour tenter d’adoucir la facture, singulièrement pour les ménages les plus démunis. Plusieurs proposition sont sur la table, évaluées par la Creg.
La prolongation du tarif social portée par la ministre de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen), et les écologistes? C’est la proposition la plus évidente, celle qui fait le plus large consensus politique et la Creg appuie, bien sûr, suggérant même que l’on étende cela à plus long terme.
L’idée d’un chèque énergie de 100 euros avancée par le président du PS, Paul Magnette? Eventuellement pour la facture d’électricité, dit la commission de régulation, mais le tarif social est plus efficace pour soulager les ménages dans le besoin.
Le système de “cliquet” porté par le MR, en remplaçant les surcharges par des accises sur lesquelles on peut jouer? Jouable, selon la Commission. Qui ajoute: “Le système se distingue aussi par sa souplesse car la modération des taxes serait automatique.”
Quant à la baisse de la TVA de 21% à 6% prônée par le PTB, elle serait représentative (216 euros de gain par an pour le gaz et 131 euros pour l’électricité), mais encore faudrait-il que les producteurs la répercutent effectivement sur la facture. En 2014 et 2015, c’est ce qui avait été décidé, et la répercussion sur la facture a bien eu lieu.
Tandis que l’hiver approche, les consommateurs – particuliers comme entreprises – attendent de quoi leur facture d’énergie sera faite. Une certitude: elle pèsera plus lourd.
Au-delà de cela, d’autres questions se posent pour l’avenir, car la source de cette explosion des prix se situe au niveau de la relance économique, mais aussi d’une anticipation de l’évolution des coûtés liée à la transition énergétique. forcément, le débat sur le mix du futur sera crucial à cet égard. Un autre débat sensible.
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