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Il est temps de sonner l’heure de la retraite

La réforme des pensions de 2015 mise à part, peu a été entrepris en 20 ans pour redresser une trajectoire qui mène au fossé.

On ne va pas pousser le vice jusqu’à vous conseiller de prendre dans vos bagages, à côté de vos romans et de votre crème à bronzer, le dernier rapport du Comité d’étude sur le vieillissement (CEV). Ce n’est pas une lecture idéale pour décompresser. Pourtant, il y a dans ces 131 pages quelques éléments qu’il nous faudrait garder en tête pour bien aborder la rentrée de septembre. Depuis 20 ans (le Comité est né en 2001), ce groupe d’experts présente des perspectives pour nous éclairer sur le sujet. Sur base de quelques hypothèses fortes, il voit comment devrait se comporter notre modèle économico- social face au formidable défi du papy-boom.

La réforme des pensions de 2015 mise à part, peu a été entrepris en 20 ans pour redresser une trajectoire qui mène au fossé.

Le rapport rappelle l’ampleur de la tâche. Le coût des pensions devrait passer d’ici à 2050 de 10,5% à 13,9% du PIB, et le coût des soins de santé de 7,8% à 10,3%. Certains diront, avec raison, que si la population vieillit, les dépenses de chômage et d’allocations familiales devraient diminuer. Mais l’un dans l’autre, le coût total du vieillissement pour notre système social devrait s’élever à 30,1% du PIB dans une trentaine d’années, contre 24,6% aujourd’hui. Un “surcoût” de 5,5% du PIB, donc, bien malvenu alors que notre déficit public, creusé par la crise, est déjà trop important aujourd’hui.

Et encore, ces chiffres se basent sur un scénario conjoncturel favorable. Le CEV table en effet sur un redressement de la croissance du taux de productivité qui devrait atteindre 1,5% en 2045, ce qui implique de tripler cette performance puisque, selon le Bureau du plan, la croissance de la productivité ne devrait pas dépasser 0,5% par an entre 2021 et 2026. Le scénario démographique est également relativement positif. Mais si la Belgique perdait en attractivité, si l’arrivée de jeunes migrant se ralentissait, le vieillissement de la population s’accélérerait et la facture monterait.

Puis, il y a un autre élément que les modèles ne prennent pas en compte : c’est le côté rugueux de la réalité. Depuis le début des années 2000, l’économie du pays a connu trois chocs majeurs: la crise financière de 2008, la crise de l’euro de 2011-2012 et la crise sanitaire d’aujourd’hui. Des chocs certes imprévisibles mais qui rappellent qu’en économie, les crises font de plus en plus partie de la vie. Il est donc fort probable que d’ici 2050, nous connaissions d’autres soubresauts. Et chacun d’entre eux fait augmenter le montant estimé du vieillissement puisque l’économie éprouve à chaque fois du mal à retrouver sa tonicité d’antan.

On pourrait se désoler du fait que, la réforme des pensions de 2015 mise à part, peu a été entrepris en 20 ans pour redresser une trajectoire qui mène au fossé. On avait pourtant créé en 2001 un fonds pour le vieillissement qui aurait dû être financé par les surplus budgétaires. Mais ceux-ci n’ont jamais été générés. Dès lors, le fonds, vide et inutile, a été supprimé voici quelques années.

Mais pleurer ne sert à rien. Et le rapport du CEV a le mérite de rappeler un élément crucial: au moment de lancer les plans de relance, il faudra aussi prendre le problème du vieillissement à bras-le-corps. On sait, et les chiffres du CEV le montrent, qu’il n’y aura pas de salut sans croissance. Cela suppose une hausse de la productivité (il ne s’agit pas seulement de créer des jobs, il faut créer des jobs productifs). Cela suppose, pour remplir ces jobs, une refonte sérieuse et efficace de l’enseignement et une politique industrielle et migratoire intelligente. Voilà le cahier des charges. Au(x) gouvernement(s) à remplir la feuille de route et “sonner l’heure de la retraite”.

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