Horeca: les avis sur le Covid Safe Ticket (CST) divergent fortement entre la Wallonie et Bruxelles
S’il a fait son entrée sur la scène de l’Horeca bruxellois à la mi-octobre, ce n’est que depuis le 1er novembre que le Covid Safe Ticket (CST) est d’application en Wallonie et en Flandre. Carte de fidélité pour la vaccination ou assurance ouverture pour l’horeca, le CST ne laisse personne indifférent. On fait le point en Wallonie et à Bruxelles.
Comment le Le Covid Safe Ticket (CST) est-il perçu par le secteur de l’Horeca ? On a posé la question à Maxence Van Crombrugge, propriétaire de plusieurs restaurants à Genappe et président de la Fédération Horeca Wallonie, et à Fabian Hermans, Président de la fédération HORECA Bruxelles. Et les avis divergent…
Quelle est la position de votre Fédération vis-à-vis du Covid Safe Ticket ?
“Nous déplorons fortement l’imposition du CST, et surtout l’absence de choix concernant d’autres mesures moins contraignantes, explique Maxence Van Crombrugge. Nous aurions préféré que les consommateurs aient le choix entre soit le CST, soit le respect des gestes barrières. Nous déplorons que l’imposition du CST est une obligation à la vaccination et que par la même occasion, tous les bons gestes barrières disparaissent, ce qui est bien plus grave. Nous appelons donc nos membres à la vigilance et au respect de ces gestes qui ont prouvé leur efficacité, tant pour eux, que pour leur personnel et leurs clients.”
Est-ce parce qu’il est arrivé avant à Bruxelles, et que clients et restaurateurs s’y sont déjà habitués, mais la perception de l’Horeca bruxellois est bien différente.
“Le CST est d’application depuis le 15/10 à Bruxelles et cela fonctionne très bien, se réjouit Fabian Hermans. Plus de 95% de nos clients sont favorables au CST et 90% de nos établissements n’ont pas de problème avec cela. Comme partout il y aura toujours des mécontents, mais dans la grande majorité, le secteur est satisfait et les clients aussi : ils sont d’ailleurs nombreux à nous le présenter spontanément. Après clairement, la vaccination est un choix personnel. Je peux comprendre les difficultés que certains ont, mais on doit surtout éviter de refermer ! Pendant de longs mois, nous avons fait un effort en fermant pour la sécurité de tous, maintenant nous demandons à tous de nous soutenir, nous.”
Quel retour avez-vous eu des restaurateurs ?
Maxence Van Crombrugge souligne qu’après “des messages d’indignation la semaine passée, aujourd’hui ce sont des messages de tristesse envers de clients fidèles qui nous ont soutenus lors des fermetures et que nous sommes obligés de laisser dehors, car ils n’ont pas de CST. On s’indigne aussi quant à la disproportion des amendes… Celle pour le consommateur est 5 fois moindre que celle pour le restaurateur. Or, c’est le consommateur qui fait peser la responsabilité sur le restaurateur… Pourquoi faire peser plus de responsabilités sur le patron d’un établissement ? Pourquoi l’obliger à contrôler et surtout pourquoi le punir s’il contrôle mal ? Pourquoi le restaurateur doit-il endosser l’entièreté ou presque de cette responsabilité ?
Finalement, nous nous indignons aussi de l’instrumentalisation qui est faite de notre secteur au profit de l’obligation vaccinale, car aujourd’hui l’équation est simpliste : pas de vaccin, pas de resto. C’est un dilemme pour beaucoup de restaurateurs : nous sommes des partenaires commis d’office… C’était soit la fermeture, soit le CST.”
Tandis que le président de la fédération bruxelloise se veut optimiste : “Le CST fonctionne, il faut arrêter d’être négatif. On nous met une petite contrainte, mais il faut voir le positif. J’ai eu des appels de Wallonie, je leur ai expliqué que cela fonctionne et que grâce au CST on peut rester ouvert, on ne refermera pas le secteur ! Maintenant c’est à nous de prouver qu’on peut tenir le cap et le faire correctement. Pour la Flandre et la Wallonie, c’est nouveau, il faut laisser un peu de temps, mais partout en Europe, où le CST est d’application, cela fonctionne bien. Grâce au CST, nous n’avons plus de contrainte à l’intérieur, nos clients ne doivent plus porter le masque. Maintenant je suis en relation avec les syndicats et les autorités pour trouver une solution pour le personnel, pour qu’il ait la même liberté que les clients. C’est en discussion, mais on voudrait trouver un accord avec les syndicats dans le respect des lois.”
Vous a-t-on rapporté une baisse de fréquentation depuis l’obligation de présenter un CST pour aller au restaurant ?
“C’est vrai que le premier vendredi où le CST a été rendu obligatoire à Bruxelles, admet Fabian Hermans, les établissements qui étaient pleins le jeudi étaient bien vides le vendredi et le week-end. Mais cette petite chute de fréquentation est due au beau temps et à la météo estivale de ces trois jours. Les clients sont partis, car il faisait beau. C’était la faute au soleil et pas au CST. S’il y a eu des pertes, c’est sur un petit pourcentage d’établissements. Le président de la Fédération Horeca Wallonie est nettement plus dubitatif : “Les brasseurs ont vu leur chiffre d’affaires des livraisons sur Bruxelles chuter d’environ 30% sur les 15 derniers jours d’octobre. Il est donc faux de dire que le CST n’a pas affecté Bruxelles. Nous enregistrons beaucoup d’annulations sur les grandes tables, car il y a toujours une personne dans le groupe qui n’est pas vacciné, qui n’a pas de CST. Nos membres qui ont des terrasses chauffées font le plein, car ils peuvent accepter les clients sans CST à l’extérieur avec le respect des gestes barrières. Par contre ceux qui ne possèdent pas de telles terrasses tirent la tête. Cela crée un réel déséquilibre entre eux… Si au moins la mesure de la TVA à 6% avait été maintenue, cela aiderait, mais ce n’est pas le cas.
Et l’application du Covid Safe Ticket ?
“Face à la détresse, chaque être humain va s’organiser à sa façon, déclare le patron de l’horeca wallon. Si un patron refuse du monde, il creuse encore son déficit. Il peut être tenté d’accepter un client sans CST, car sinon cela sera quelqu’un d’autre qui le fera… Cela crée des tensions, car chacun risque d’appliquer cette mesure à sa manière. Et dès lors cela n’est pas efficace ! On aurait dû plus insister sur le respect des gestes barrières, car il ne faut pas oublier qu’un des piliers de l’Horeca est l’accueil ! Or on ne peut plus accueillir nos clients. Quand j’ai des clients qui mangent dehors, en terrasse, faute d’un CST, je leur offre l’apéro, des couvertures, etc. C’est de la discrimination à mes yeux. Or on aime accueillir et on est triste, car nous sommes pris entre le marteau et l’enclume : entre nos valeurs et la loi.”
Pour l’horeca bruxellois, “la bonne nouvelle, c’est que cette mesure est prise désormais au niveau national. On l’avait demandé depuis le début. Cela aurait été plus logique de le faire depuis le début, et plus simple aussi à mettre en place. Dès le départ, nous avons collaboré avec le gouvernement bruxellois pour mettre correctement ce CST en place, c’était une bonne collaboration. Il est dommage de torpiller un CST alors qu’on risque une fermeture de notre secteur… J’ai envie de dire à Maître Audrey Despontin (l’action en justice contre le CST est également menée par deux autres avocats: Matthieu Aladenise, Audrey Lackner, NDLR) qu’en tant qu’être humain, on a le droit de travailler.”
Votre conclusion ?
Maxence Van Crombrugge aurait souhaité des solutions “non discriminantes” pour son secteur : “La fédération Brussels by Night a mis en place des tests qui ne sont pas chers et surtout qui sont rapides. Si on nous avait laissé cette possibilité, nous aurions pu faire quelque chose, comme offrir l’apéro à ceux qui viennent de se faire tester pour venir au restaurant. C’est dommage qu’on n’ait pas plus insisté sur le dépistage rapide. Tout a été misé sur le vaccin sans laisser d’autre choix. L’horeca paye indirectement l’addition et ce n’est pas juste. Nous avons fait des sacrifices qui n’ont pas été récompensés. A nouveau, on compte sur nous, mais sans aucun encouragement.”
“On a tous hâte que cela se termine le plus vite possible, et qu’on reprenne tous une vie normale, souhaite Fabian Hermans. Malheureusement il semble que ce virus, tout comme celui de la grippe, est appelé à revenir chaque année. On devra sans doute trouver des solutions alternatives pour continuer à travailler correctement.”
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