Geert Noels sur la guerre en Ukraine: “Les scénarios les plus mauvais deviennent probables”

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

L’économiste dénonce ” une erreur politique colossale ” d’Ursula Von der Leyen sur l’adhésion de l’Ukraine et estime que l’Europe fait preuve d’improvisation.

Geert Noels, CEO d’Econopolis, est une référence en Flandre. son regard sur l’actualité récente est teinté de pessimisme.

Quel est votre sentiment?

Je suis très inquiet. C’est une période étrange. On termine la crise du Covid et une nouvelle crise frappe à la porte. Je crois que Poutine s’est trompé sur l’opération. Le plan initial est en train de changer et explique l’escalade. Le président russe pensait que l’intervention militaire irait vite, que la population ukrainienne resterait passive et que les pays occidentaux allaient s’abstenir de réagir. C’est tout le contraire qui se passe. Depuis 2014, la population ukrainienne s’est de plus en plus tournée contre Poutine, la résistance est beaucoup plus importante qu’il ne le prévoyait.

Craignez-vous un conflit plus large?

Oui. J’avais envisagé plusieurs scénarios, mais malheureusement les plus mauvais deviennent de plus en plus probable. Le pire, ce serait une intervention de l’Otan ou une intervention de la Chine contre Taïwan. Mais le mauvais est en train de se dérouler : une durée plus longue, une déstabilisation plus large, des sanctions qui s’élargissent… L’économie russe est bien sûr limitée en terme de taille, mais il ne faut pas la sous-estimer et l’impact sera plus large.

Votre constat pas très optimiste…

En effet, ce n’est pas très optimiste. Il faut toujours veiller à ne pas exagérer les aspects négatifs, j’essaie de le faire, mais depuis dix jours, on voit très peu d’éléments susceptibles de mener à une solution diplomatique. Il y a très peu d’empathie et d’ouverture des deux côtés. Quand Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, affirme rapidement sa volonté d’intégrer l’Ukraine dans l’Union européenne, ce n’est pas de nature à calmer la Russie. A mes yeux, c’est une erreur politique colossale. Le premier coupable, c’est évidemment Vladimir Poutine et son régime, mais cela ne veut pas dire que de notre côté, nous ne faisons pas des erreurs.

Le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz disent que nous sommes rentrés dans une nouvelle ère qui nous en coûtera…

Oui… Le seul scénario positif que le régime russe tombe ou soit profondément affaibli. Je pense que la Chine peut jouer un rôle important. Le vote de cette semaine à l’Assemblée générale de l’Onu montre que le soutien pour la Russie est très faible 140 votes pour, 5 contre et 34 abstentions. Même certains pays qui auraient pu voter contre, comme la Chine et l’Inde, sont restée neutres. Là aussi, Poutine s’est trompé : il est largement isolé et cela augmente la pression.

Alors, le scénario le plus optimiste, c’est qu’on assiste à un changement de régime tant la pression est forte et qu’on puisse reconstruire. Le pire des scénarios, c’est que Poutine est tellement coincé que l’escalade continue. En attendant, pour 2022, l’impact sera déjà important au niveau de l’inflation et de la croissance.

Il faut ajouter, comme si ce n’était pas assez, que certaines faiblesses des crises précédentes peuvent réapparaître. Je pense notamment aux crises financières qui peuvent réapparaître dans certains pays comme la Grèce ou l’Italie. La pression pourrait devenir forte sur les maillons les plus faibles qui n’ont jamais vraiment été renforcés.

Bref, on a intérêt à ce que cette guerre ne dure pas trop longtemps…

C’était mon espoir, mais il est en train de m’estomper. Le fait que la campagne militaire russe soit tellement difficile – même si ce n’est pas un échec – peut toutefois avoir un effet sur la position de Poutine. En outre, on peut peut-être envahir un pays comme l’Ukraine, mais la Russie pourrait s’y embourber si elle voulait y rester.

Un signal positif est-il le sursaut européen et son unité retrouvée?

Le monde actuel est très dangereux, mais une opportunité serait en effet que l’Europe réveille à des défis qu’elle aurait déjà dû prendre à bras le corps depuis bien longtemps, comme la défense et l’énergie.

Ce qui se passe est une grosse piqûre de rappel?

C’est une grosse piqûre de rappel, en effet. Le bémol que je mets, c’est que je trouve qu’il y a beaucoup d’improvisation. Macron fait appel à une force de défense européenne, mais un tel projet prend du temps et cela réduit la force de l’Otan, au risque d’affaiblir l’alliance avec les Etats-Unis : ce n’est pas très malin, je trouve. Au niveau énergétique, on aurait dû rouvrir la piste nucléaire de façon commune, au niveau européen, au lien d’avoir des décisions nationales, en restant dépendant du gaz.

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