Olivier Mouton
Flandre-Wallonie: je t’aime, moi non plus
Au Nord, l’opinion publique est exaspérée par l’incapacité francophone à mener des réformes ambitieuses, à dépenser avec parcimonie et à retrouver le chemin du développement économique.
Alexander De Croo est plutôt du genre pondéré depuis qu’il est Premier ministre. Mais lorsque le président du PS, Paul Magnette, déclare son ambition de prendre sa place après les élections de 2024, le libéral flamand rompt avec cette modération de façade. “Si j’étais lui, je travaillerais sur le gigantesque écart – qui ne cesse de se creuser – entre le nombre de travailleurs en Flandre et le nombre de chômeurs en Wallonie. Le PS a tous les leviers en main pour y remédier. (…) Peut-être que chacun devrait faire son travail. Pour Paul Magnette, il s’agit de faire en sorte que la Wallonie se remette sur les rails.” A vrai dire, le Premier ministre n’a pas tort.
Bart De Wever, président de la N-VA, revient avec son idée d’une Belgique confédérale, quitte à passer par la voie “extralégale”. La précampagne électorale est lancée. Sa sortie a suscité l’indignation francophone sur le risque d’un “coup d’Etat” associant N-VA et Vlaams Belang. A juste titre.
Faute de réformes, les francophones seront les fossoyeurs de la Belgique
Mais il est une autre musique venant de Flandre qui se fait entendre: l’opinion publique y est exaspérée par l’incapacité francophone à mener des réformes ambitieuses, à dépenser avec parcimonie et à retrouver le chemin du développement économique. “Faute de réformes, les francophones seront les fossoyeurs de la Belgique”, dit Sammy Mahdi, président du CD&V. Cette petite musique, nous devons l’entendre.
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Taux d’emploi et déficits
Le fossé Nord-Sud dénoncé par nos collègues flamands de Trends dans leur dernière édition est édifiant. Le taux d’emploi? “La Belgique se situe juste en dessous de la moyenne européenne de 73%. (…) La Flandre obtient d’assez bons résultats avec 76,8%. La Wallonie et Bruxelles (un peu moins de 66% chacune) sont à la traîne. ” Budget? “La Belgique a enregistré un déficit budgétaire de 5,1% du PIB au troisième trimestre de l’année dernière. Il s’agit du déficit le plus important de la zone euro (3,3% en moyenne). (…) La Wallonie a un déficit de 20% des recettes régionales et une dette de plus de 250% de ces recettes. Seule la Flandre se rapproche de l’équilibre.” Le reste est à l’avenant.
Il y a bien sûr un “bashing” insupportable dans cette vision d’une Belgique francophone paresseuse et incapable de créer de la richesse. Des réformes sont initiées, des entrepreneurs prennent des risques, des universités développent de brillants pôles d’excellence…
Demain, toujours demain…
Mais la procrastination politique est réelle. Au fédéral, le PS, qui détient les manettes socioéconomiques, joue plutôt sur la défensive. Les gouvernements wallon et bruxellois peinent à mettre en oeuvre des plans de relance dignes de ce nom, les trois partis de la majorité (PS, Ecolo et MR) n’ont pas une vision commune et ambitieuse du développement “raisonné”, les rationalisations restent insuffisantes pour remettre le budget sur les rails et le poids du secteur public demeure démesuré. C’est comme si les francophones se résignaient, à nouveau, à appeler à l’aide.
“Si j’étais un élu wallon, je serais gêné de demander de l’argent à la Flandre aujourd’hui. Surtout après les flux d’argent considérables qui passent de la Flandre à la Wallonie depuis des années.” La punchline est de Philippe Destatte, président de l’Institut Destrée. “Si les francophones commencent à négocier avec les Flamands en 2024 dans l’espoir d’obtenir de l’argent frais pour leur Communauté française virtuellement en faillite, je dis non”, s’insurge-t-il, plaidant pour une régionalisation de ses compétences. C’est une piste. Mais l’essentiel est ailleurs: dans la capacité francophone à faire du redéploiement économique une priorité absolue. Il est minuit moins une.
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