Rudy Aernoudt

Le désolant fossé entre la Flandre et la Wallonie

La philosophie flamande (et européenne) de “l’activation” s’oppose diamétralement à la philosophie wallonne du “droit à l’assistance”.

Dans mon livre Wallonie, Flandre, je t’aime moi non plus, je plaidais en faveur d’une coopération étroite entre les Régions, le meilleur moyen de combler le fossé qui les sépare en termes de prospérité. Je dois bien admettre que le désamour entre le nord et le sud du pays ne fait que s’accentuer, à mon grand regret. Je ne parle pas du fossé entre les Wallons et les Flamands car celui-ci, s’il existait, a été comblé par le Covid-19. Bon nombre de Flamands acquièrent des maisons en Wallonie, où ils recherchent paix et verdure. Pour leur part, les Wallons adorent la côte “belge”. Dans les enquêtes, les séparatistes restent minoritaires.

Le problème ne se situe pas au niveau des citoyens, mais des hommes et femmes politiques. La Flandre s’efforce de s’inscrire dans la lignée de la philosophie européenne selon laquelle il faut mettre les gens au travail afin de financer notre système socioéconomique et en assurer la compétitivité. S’ils veulent conserver leurs allocations de chômage, les chômeurs de longue durée doivent rendre des services à la communauté. Même les 20.000 Flamands qui bénéficient du régime de chômage avec complément d’entreprise (ex-prépension) à 60 ou 62 ans sont incités à postuler à un emploi et à retravailler. Ces constatations démontrent que l’objectif d’atteindre un taux d’emploi de 80% est pris très au sérieux.

Cette philosophie est tout le contraire de la politique menée dans le sud du pays. Ce n’est pas l’emploi mais l’assistance inconditionnelle qui est en jeu dans la lutte politique entre la gauche et l’extrême gauche. En effet, les aides diverses ne garantissent pas seulement des votes, elles constituent un business model lucratif. Comme 172 millions par an ne suffisent pas aux syndicats pour le paiement des allocations de chômage, le ministre compétent a augmenté ce montant de 7,6 millions d’euros à la fin de 2021. A une époque où la numérisation gagne du terrain et où le chômage en perd, je me demande pourquoi ce budget a augmenté (plutôt que diminué). Il va sans dire que la Capac, le service public qui fait exactement le même travail, n’a pas vu son budget suivre le même chemin. Aucun coq (wallon) n’a réagi. D’ailleurs, pourquoi le versement de ces paiements est-il confié aux syndicats en Belgique? Il n’y a aucune raison.

A part peut-être le fait que les chômeurs constituent un alibi pour élaborer toutes sortes d’actions. A titre purement illustratif, fin 2021, le gouvernement wallon a décidé d’allouer 14,5 millions d’euros supplémentaires aux syndicats pour qu’ils accompagnent les jeunes qui le souhaitent – sans qu’ils soient soumis à la moindre obligation, évidemment -, alors qu’il existe déjà tellement de mécanismes et organismes de soutien. Non seulement ce dispositif dénommé “coup de boost” accroît l’énorme déficit budgétaire wallon, mais il est surtout un coup de pouce pour les budgets des syndicats. Budgets dont personne ne connaît le montant exact car ils ne sont pas soumis à l’obligation d’information qui s’applique à toutes les entreprises.

Non, le citoyen n’est pas séparatiste. Néanmoins, la philosophie flamande (et européenne) de “l’activation” s’oppose diamétralement à la philosophie wallonne du “droit à l’assistance”. C’est ce fossé béant que la plupart des Flamands, mais aussi des Wallons, observent consternés. Si les politiques et les syndicats veulent le bien de notre pays, c’est ce fossé qu’ils doivent combler. Ce qui exige un changement de mentalité. Les pénuries sur le marché du travail offrent une occasion unique de changer son fusil d’épaule et de permettre aux entreprises de trouver du personnel pour réaliser leur potentiel de croissance. Pour 86% des entreprises, le manque de travailleurs qualifiés et motivés est le principal obstacle à cette croissance.

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