Etienne de Callataÿ : “L’impact de la sécheresse: limité à court terme, sous-estimé à long terme”

Etienne de Callataÿ. © Belga
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le chief economist d’Orcadia Asset Management met en avant le coût énorme du réchauffement climatique, moins perceptible directement que l’Ukraine ou Taïwan. Et nous ne sommes pas prêts.

Etienne de Callataÿ, chief economist d’Orcadia Asset Management, évalue l’impact de la sécheresse de cet été, mais met surtout en garde contre le temps long.

L’impact de la sécheresse de cet été sera-t-il important au niveau économique?

A priori, il devrait être très limité, du moins par rapport au Covid, au confinement ou aux inondations de l’année dernière en Wallonie. Dans nos pays, l’agriculture ne représente plus une part importante de nos économies.

Cela pourrait retarder le pic inflationniste?

Là aussi, l’impact immédiat sera limité. L’alimentation ne représente plus que 10% de notre budget global. Et globalement, on paye pratiquement davantage pour la pub que pour les matières premières, si l’on prend le Coca ou une barre de chocolat.

Même avec un impact sur les céréales, combiné à la guerre en Ukraine?

Là, cela pourrait avoir un impact psychologique, c’est vrai, si le prix du pain augmente fortement, parce que c’est une dépense quotidienne. Le nerf de la guerre au niveau de l’inflation reste toutefois l’explosion des coûts de l’énergie.

Si la sécheresse de cette année a un impact limité, il en va autrement du réchauffement climatique au sens large?

En effet, là, l’impact est majeur. Dans le travail, cela va diminuer la productivité. Dans l’agriculture, cela va réduire les rendements. La dimension financière sera importante: les primes d’assurance vont augmenter. En 2006, Nicholas Stern chiffrait alors le coût de l’inaction climatique à 5500 milliards de dollars et à au moins 5 % du PIB mondial.

Sommes-nous conscients de la nécessité de s’adapter?

Non, nous nous adaptons bien trop lentement. Le problème, c’est que ce coût est étalé dans le temps, contrairement à la guerre en Ukraine, dont l’impact est perçu immédiatement dès lors que la Russie peut couper le robinet du gaz.

Il y a pourtant l’impact de la sécheresse, les incendies en France… on en parle beaucoup, non?

J’ai rédigé une opinion dans La Libre cette semaine qui s’inspire de Jacques Dutronc: “J’y pense et puis j’oublie”. Je pense que c’est bien cela. Les gens se préoccupent d’aller acheter un climatiseur, mais ils sont peu nombreux à se dire qu’ils ne feront plus de city trips ou qu’ils mangeront moins de viande. La part de ventes de SUV diminue-t-elle? J’en doute. Dans la vallée de la Vesdre, on pense surtout à reconstruire à moindre coût, alors que cela devrait être déclaré zone inondable. Je ne crois plus aux changements de masse. Seul le facteur prix, en réalité, modifie les comportements.

Il y a certes des choses qui vont dans le bon sens, des innovations technologiques ont lieu, des entreprises basculent, mais c’est bien trop lent quand on sait qu’il nous reste trois ans s’il l’on veut limiter les dégâts en vertu des Accord de Paris…

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