Christophe De Caevel

Energie: pourquoi Nollet et Bouchez s’amusent-ils à ce point à se voler dans les plumes?

Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Les partis dirigés par Georges-Louis Bouchez et Jean-Marc Nollet participent aux mêmes gouvernements fédéral, wallon et communautaire. Mais qu’ont réellement en commun le MR et Ecolo?

Quel projet de société peuvent-ils proposer ensemble aux habitants de notre pays? Qu’ils parlent d’énergie, de pouvoir d’achat, de fiscalité ou de décarbonation de notre économie, ils affichent une opposition idéologique quasi totale. Ils ne laissent aucune place pour la moindre passerelle entre leurs discours, au point qu’il devient très compliqué de comprendre ce que ces deux partis peuvent bien faire ensemble dans des coalitions gouvernementales. Le débat entre les deux présidents de parti, le week-end dernier sur RTL-RVI, était éloquent à ce sujet. Et l’on vous épargne les échanges sur Twitter entre les sympathisants des deux camps.

Pourquoi Jean-Marc Nollet et Georges-Louis Bouchez s’amusent-ils à ce point à se voler dans les plumes? Leurs affrontements systématiques visent à bien marquer le territoire de chaque parti, à flatter leur électorat respectif et, par ricochet, à mettre un peu sur la touche le PS, troisième larron francophone de ces étonnants attelages politiques. Quand tout va bien, on appelle cela des petits jeux politiciens et on se contente de hausser les épaules. Mais aujourd’hui, on ne peut pas vraiment dire que tout aille bien.

De nombreux ménages se demandent comment ils paieront leur prochaine facture d’énergie, des entreprises préfèrent réduire voire arrêter la production en raison du coût de l’électricité. Et le Premier ministre nous annonce que cette situation risque de durer de cinq à dix ans. Interrogé dans le cadre de l’émission Trends Talk, l’économiste Bertrand Candelon (UCLouvain) a rappelé ce week-end sur Canal Z qu’une transition énergétique impliquait d’agir sur un temps long, beaucoup plus long qu’un temps politique dont l’horizon dépasse rarement la prochaine échéance électorale. En l’occurrence le printemps 2024, si pas plus tôt encore tant l’animosité entre “partenaires” est palpable.

Cette transition sera non seulement longue mais aussi coûteuse. Il faudra financer les infrastructures nécessaires et assumer la hausse d’une série de coûts de production, en sortant des énergies fossiles relativement bon marché. Pour suivre ce chemin tortueux, il est indispensable d’accorder sa confiance aux personnes qui tracent le cap. Or, qui a envie de faire confiance à une équipe dont les joueurs se chamaillent sans cesse? A une équipe dont les joueurs prennent des largesses – euphémisme – avec la vérité (il faudrait croire que la ministre de l’Energie Tinne Van der Straeten a pris l’initiative de prolonger deux réacteurs et que le MR, présent au gouvernement fédéral depuis 1999, est complètement étranger à l’impréparation de la sortie du nucléaire)? A une équipe dont les joueurs restent cantonnés dans de vieux logiciels, remontant pour certains au 19e siècle? “Les partis politiques restent bloqués dans leur idéologie, leur histoire, leur cadre de référence, pointait récemment le chroniqueur Alain Gerlache dans De Morgen. Ils n’osent plus innover de peur de perdre leurs parts de marché électoral.”

Ce manque d’audace provient d’ailleurs peut-être autant des membres (toujours moins nombreux) que des dirigeants des partis politiques. Pour Alain Gerlache, l’urgence impose de balayer les vieux réflexes pour tenter des configurations audacieuses, capables de répondre à des enjeux qui ne sont déjà plus ceux de demain mais bien ceux d’aujourd’hui. Et nous ajouterons que ce n’est pas en se contentant du plus petit dénominateur commun, comme c’est trop souvent le cas en Belgique, qu’ils parviendront à susciter un certain espoir dans la population. A gauche et à droite, les partis populistes attendent goulûment la prolongation de l’inertie et des chamailleries vivaldiennes.

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