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Crise du coronavirus: “Le nouveau contrat social, c’est maintenant”

Les crises invitent à réfléchir. Et les crises qui obligent à rester méditer chez soi incitent à réfléchir plus profondément encore. Le choc provoqué par la pandémie rebat les cartes entre acteurs économiques. Les appels se multiplient, dans toutes les directions.

Aux travailleurs pour qu’ils se remettent au travail dès que cela sera possible. Aux entreprises pour qu’elles ne licencient pas et réservent le paiement de leurs dividendes. A l’Etat pour qu’il ” porte ” l’économie le temps qu’il faut et gère la crise en fonction du bien commun. Aux ménages pour qu’ils soient responsables et solidaires. A l’épargnant pour qu’il réponde présent lorsqu’on aura besoin de lui pour faire redémarrer les investissements… A tous, on demande de l’inventivité, de la souplesse, de la créativité.

La crise montre l’indispensable utilité de chacun. Les marques de solidarité des entreprises vis-à-vis de la société sont multiples. Solvay et sa CEO Ilham Kadri ont donné l’exemple en lançant un fonds de solidarité au bénéfice de ses salariés touchés par l’épidémie. Sofina devrait aussi contribuer à un fonds de soutien en Inde.

Mais ce choc, à la fois sanitaire, économique et social, s’il a libéré les initiatives, a également montré les rigidités et les fragilités du système, non seulement dans les processus de production continuellement soumis à la pression du just in time, mais aussi dans les relations sociales.

Herman Craeninckx, avocat spécialisé en droit social, pointe ces faiblesses dans une carte blanche parue dans L’Echo. Il demande à chacun – travailleurs, entreprises, Etat, consommateurs – de faire une part du chemin pour trouver un ” meilleur équilibre moral et matériel “. Moral parce qu’en ces temps troublés, on voit combien comptent la solidarité et les liens sociaux. Matériel parce qu’il convient de dynamiser une économie qui en aura bien besoin au sortir de la crise.

Chacun devra faire sa part de travail. ” Les travailleurs sont des stakeholders ( des parties prenantes, Ndlr), explique-t-il. Ils doivent accepter une plus grande flexibilité dans leurs conditions de travail et dans leur rémunération quand leur entreprise est en difficulté, mais aussi en tirer profit quand elle va bien. Il n’y a pas de droits acquis. ” De leur côté, les entreprises ” devraient réserver systématiquement une partie de leurs profits pour rémunérer les travailleurs “.

L’Etat, pour sa part, devrait changer son obsession taxatoire. ” Si l’on demande davantage de flexibilité de la part des travailleurs et des entreprises, l’Etat doit y contribuer aussi en diminuant l’impôt sur le revenu ou les cotisations sociales, ce qui libérerait du pouvoir d’achat et finalement serait positif pour l’activité économique “, poursuit Herman Craeninckx qui estime que, dans certaines circonstances, mieux vaut faire tourner la planche à billets et recourir aux impôts indirects, sur la consommation, qu’augmenter les impôts directs. Quant aux consommateurs, s’ils veulent encourager la relocalisation de certaines activités industrielles chez nous, ils devront accepter de payer certains produits plus chers.

Bref, conclut le célèbre avocat, ” nous devons créer une économie dynamique et faire surgir ce cercle vertueux qui veut qu’en diminuant les cotisations et les impôts, le pouvoir d’achat augmentera, ce qui bénéficiera à la croissance et indirectement aux recettes fiscales “.

Herman Craeninckx n’est pas le seul à penser à ” l’après “. On songe notamment aux propositions de Bruno Colmant, le patron de Degroof Petercam, sur le nouveau rôle de l’Etat, davantage stratège et pilote d’une économie plus inclusive et plus dynamique. Ces questions fondamentales sont sur la table. Il faut les discuter maintenant. Car on l’a vu lors des crises précédentes, la volonté de changement retombe très vite. Dès que les turbulences se calment, les (mauvaises) habitudes reprennent.

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