Coronavirus/La question du 31 mars: L, V, W, U… Quelle forme prendra la reprise?
Les économistes aiment mobiliser les modèles mathématiques. Ils adorent aussi jouer avec les lettres. Une des questions qu’on leur pose le plus souvent est : après la crise, quelle sera l’ampleur, la vigueur et le calendrier de la reprise ?
S’attend-on, après une chute brutale à un rebond tout aussi vif ? La courbe de l’activité prendrait alors la forme d’un V. S’attend-on à récession un peu plus longue, puis à une reprise ? On aurait alors un U. Table-t-on sur un début de reprise, suivi d’une rechute, puis d’un véritable rebond ? La courbe du PIB prendrait la forme d’un W. Ou s’attend-on à une absence de reprise ? Nous aurions un L…
L’Iweps, l’Institut wallon de l’évolution de la prospective et de la statistique, a réalisé l’exercice dans son dernier numéro de Tendances économiques. L’institut table plutôt sur un V , même si, pour les prévisionnistes wallons, il est impossible à ce stade de faire une prédiction de croissance pour 2020. La seule certitude, est que le chiffre de croissance annualisé sera négatif. Mais le scénario, si l’épidémie est endiguée pour l’été, serait celui-ci : “La Wallonie, comme la Belgique, devrait traverser une récession marquée au premier semestre de l’année, la progression du PIB s’inscrivant en net recul au premier et surtout au deuxième trimestre. Aux troisième et quatrième trimestres, la croissance de l’activité économique repartirait à la hausse, grâce aux mesures publiques de soutien et à des effets de rattrapage.
L’évolution de la situation économique de la Wallonie en 2019 et lors des semaines qui ont précédé le développement de la pandémie laisse en effet penser que certains facteurs positifs, notamment la bonne tenue de l’emploi et de la situation financière des ménages en Wallonie, sont susceptibles d’atténuer le recul attendu de l’activité et de soutenir la reprise de la production une fois l’épidémie endiguée”, dit l’Iweps, qui précise quand même que “ce scénario économique s’expose à d’importants risques. Le principal d’entre eux concerne la durée attendue de l’épidémie et des mesures exceptionnelles de confinement destinées à l’endiguer”.
Si en effet, nous vivons davantage de mois de confinement, la chute de l’activité du secteur marchand, qui est aujourd’hui entre 30 et 40% et coûte en manque à gagner à notre économie environ 4 milliards d’euros par semaine, se renforcera encore un peu et se prolongera. Ensuite, si les mesures de reprises sont efficaces et que la confiance des entreprises et des ménages n’est pas trop entamée, nous aurions alors un rebond important. Il viendrait seulement un peu plus tard. “Si le trou d’air économique se prolonge, note ainsi Jack Janasiewicz, stratège chez Natexis, les données du PIB pourraient former une tendance plus en forme de U en 2020. Les chaînes d’approvisionnement redémarreraient dans un délai “raisonnable” avec des taux d’infection qui suivraient les évolutions observées lors des pandémies précédentes.”
Fausse reprise ?
Nous pourrions aussi avoir un faux rebond. Un début de reprise, mais cassé par un facteur inattendu. Lors de la crise de 2008, par exemple, la zone euro avait redémarré avant de s’enfoncer dans une nouvelle crise en 2010, celle suscitée par les dettes de certains pays de la zone euro. Aujourd’hui, on ne peut pas exclure que la reprise soit brisée par une réapparition du virus, si celui-ci devait suivre l’évolution des virus grippaux, qui font sans cesse le tour du monde et sont en mutation constante. La véritable reprise viendrait après avoir trouvé un traitement ou un vaccin efficace et l’avoir administré à suffisamment de monde. D’autres événements, tels qu’une crise financière provoquées indirectement par la pandémie (crise sur les obligations d’entreprises, les prêts étudiants, les pays émergents, …) ne sont pas à exclure non plus. Dans cette hypothèse donc, nous aurons une courbe de croissance en W.
Le scénario le plus sombre, toutefois, est celui d’une absence de véritable reprise. C’est à dire d’une courbe en, L : la chute d’activité serait là, et pour longtemps, avec une économie cassée pour de bon, qui ne parviendrait pas à redémarrer. Un risque auquel faisait allusion voici quelques jours le ministre français de l’Economie Bruno Lemaire en faisant référence à la grande dépression de 1929, qui se mua en crise économique jusqu’au milieu des années 30. Mais si la crise de 1929 a duré autant, c’est en raison des multiples erreurs des pouvoirs publics d’alors.
Un scénario un peu moins pessimiste, mais qui a une forte probabilité de se passer, serait celui qui prendrait la forme du signe “Nike”. Une lente, lente reprise, qui s’accélère petit à petit… C’est d’ailleurs ce que nous voyons en Chine, où après le choc brutal de janvier et février dû au confinement la machine économique chinoise ne reprend que progressivement, avec des usines qui ne fonctionnent encore bien souvent qu’à la moitié de leur taux de capacité.
C’est normal, car une partie de nos économies est interconnectée, comme le montre une étude récente d’ING sur laquelle nous reviendront dans le Trends Tendances de la semaine prochaine (celui du 9 avril). Interconnexion à la fois au niveau interne, entre les secteurs (si Audi Bruxelles est à l’arrêt, cela signifie que ses fournisseurs ne travaillent plus, et que les commerces de détails autour de l’usine sont impactés aussi, ce qui a une influence sur les producteurs des produits qui étaient vendus dans ces magasins…). Mais aussi avec le monde extérieur puisque dans l’industrie, une bonne partie de la chaîne de production est mondiale.
L’économie ne retournerait à la normale qu’après des mois et des mois. Il faudrait vraisemblablement du temps pour retrouver le niveau d’activité d’avant la crise.
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