Aïe, l’arithmétique électorale ne joue pas en faveur de Macron
Bon, nous voilà arrivés en vue de cette première étape, ce premier tour des élections présidentielles françaises qui désignera deux candidats. Une campagne “Tefal”, pour reprendre l’image de Brice Teinturier, le patron de l’institut de sondage Ifop : “Tout glisse auprès des Français, il n’y a pas d’éléments forts et structurants”. Une campagne Tefal, mais qui pourrait quand même laisser de méchantes taches de gras.
On sait depuis le Brexit ou l’élection de Donald Trump ce que valent les sondages. On le sait même depuis plus longtemps en France, où tout le monde a encore en mémoire le choc qu’a été l’élimination au premier tour du candidat socialiste Lionel Jospin lors des élections de 2002. Il avait été battu à la surprise générale de 200.000 voix par Jean-Marie Le Pen. Le Front National se qualifiait donc pour affronter Jacques Chirac au second tour.
Certes, Lionel Jospin, totémisé “hamster érudit” chez les scouts, n’avait pas vraiment un charisme à renverser les foules. C’est lui qui avait lancé à un ouvrier s’inquiétant de perdre son emploi : “on ne peut pas nationaliser chaque entreprise dès qu’il y a un licenciement quand même”. Passage en boucle sur les télés et effet électoral garanti. Mais ce manque d’intelligence émotionnelle (le même reproche qu’à Macron, d’ailleurs) n’explique pas tout. Cette déroute avait également été rendue possible par le nombre d’abstentions et par la dispersion de la gauche (pas moins de 8 candidats de gauche se présentaient aux élections, et 16 en tout).
Or, une configuration semblable à celle de 2002 se dessine aujourd’hui. Le dernier baromètre OpinionWay-Kéa Partners pour “Les Echos” et Radio Classique montre qu’un tiers des électeurs n’est toujours pas certain de se présenter aux bureaux de vote dimanche. Et le sondage dévoile un paysage politique complètement éclaté. Macron reste en tête, avec 26% des intentions, suivi de Marine Le Pen 22%, Jean-Luc Mélenchon 17%, Éric Zemmour, 9%. Les partis traditionnels sont laminés. Valérie Pécresse, LR, est au coude à coude avec Éric Zemmour, Yannick Jadot l’Ecolo ne récolte que 5% et la socialiste Anne Hidalgo 2% ! Le PS serait même derrière le PC, puisque Fabien Roussel est crédité de 2,5%.
On aurait pu croire que la guerre en Ukraine, “l’effet drapeau”, allait soutenir le président sortant, mais les sondages ne mettent pas la guerre en Ukraine dans les attentions essentielles de la population française. Les électeurs mettent le pouvoir d’achat tout en haut de leurs préoccupations, suivi de la protection sociale, de la sécurité et de l’immigration. La guerre en Ukraine ne vient qu’en 12e position, juste derrière les inquiétudes sur la hauteur de la dette publique.
Si, comme tout l’indique, le second tour devait opposer Marine Le Pen à Emmanuel Macron, rien ne dit que ce dernier l’emporterait facilement. Macron représente le système, et beaucoup d’électeurs français n’en veulent plus, une tendance qui monte semaine après semaine.
Tiens, faisons les comptes des intentions de vote pour les antisystèmes : Le Pen (23%), Zemmour (9%), une bonne moitié de l’électorat mélenchonniste (plus de la moitié de ses électeurs reporteraient leurs voix vers Marine Le Pen),le communiste Jean Roussel (2 à 3%), le truculent béarnais fondateur de “Résistons” Jean Lassalle (3%), les extrêmes gauches Nathalie Arthaud et Philippe Poutou (1% chacun), le souverainiste Dupont Aignan (1 à 2%)… nous avons potentiellement plus de 50% des électeurs prêts à en découdre avec le macronisme ! La question est: jusqu’où?
Croisons les doigts, et brûlons un cierge à Sainte Rita, patronne des causes difficiles.
Elysée moi
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