Voiture électrique, une tout autre expérience de conduite

Joost Bolle "Le freinage régénératif est à mon sens la plus grande nouveauté à laquelle il faut s'habituer." © PG

Le journaliste automobile Joost Bolle explique comment la prise en main d’un véhicule électrique nécessite une certaine adaptation technique et psychique. Six aspects qui vous surprendront.

En tant que journaliste spécialisé dans l’automobile, je suis, dans le cadre de la transition verte, de plus en plus souvent appelé à tester des véhicules électriques. Et donc à m’adapter, car l’expérience n’a rien à voir avec la conduite d’une voiture à essence ou au diesel – sur le plan technique mais aussi mental. Voici six aspects qui vous surprendront lorsque vous roulerez pour la première fois à bord d’un véhicule électrique.

1. Un silence pas si total

Ne vous imaginez pas que l’intérieur d’une voiture électrique est totalement silencieux. Certes, en l’absence de ronflement du moteur, il l’est beaucoup plus qu’une voiture classique mais le calme n’est pas non plus assourdissant. On distingue un souffle de vent ainsi que, dans de très nombreux modèles, un bruit de suspension lorsqu’on roule sur un trou ou une bosse. On entend aussi, et même surtout, le bruit des pneus. Même le moteur peut parfois émettre un fin bourdonnement. L’aspect acoustique est donc différent, sans aller jusqu’à transporter les occupants sur une autre planète.

2. Le poids

Le poids de la batterie est un inconvénient. Celle de l’Audi e-tron, par exemple, pèse 700 kg. La Peugeot 208 équipée d’un moteur à essence pèse 1.065 kilos mais 1.560 kilos dans sa version électrique. Ce surpoids implique de régler la suspension autrement, pour qu’elle absorbe trous et bosses sans pour autant être trop molle. Un compromis qui n’est pas toujours facile à trouver. Cela se sent de deux manières: la suspension peut se révéler plus inconfortable quand le revêtement est mauvais, ou la voiture peut pencher plus nettement dans les virages secs. Le volant est plus dur, lui aussi. Selon moi, l’absence de sensation de lourdeur est le premier critère d’appréciation de la voiture électrique. Un modèle comme le VW ID.3 masque parfaitement bien cette différence de poids.

Avec un moteur électrique, le couple maximal est atteint d’emblée. Pour peu qu’on en écrase le champignon, la voiture démarre comme une fusée.

3. “Air co”: peut-être, ou pas

On distingue sur l’autoroute deux sortes de voitures électriques: celles qui participent à la circulation et celles qui roulent sur la bande de droite, à 80 km/h avec les camions, histoire d’être sûres d’arriver à destination. L’autonomie reste en effet le point le plus délicat, notamment parce que l’infrastructure de bornes de recharge est loin, très loin, d’être optimale en Belgique. Sachez donc qu’il vous arrivera un jour ou l’autre, lorsque vous n’aurez pas eu le temps de recharger et que vous aurez dû parcourir un certain nombre de kilomètres, de devoir calculer pour espérer ne pas tomber en rade. Plafonner la vitesse à 80 ou 90 km/h sur autoroute prolonge d’une manière extraordinaire l’autonomie. Couper l’air conditionné ou le chauffage peut vous offrir jusqu’à 30 à 40 km supplémentaires. Tout bénéfice, aussi, pour vos nerfs.

4. Freinage régénératif

Une voiture électrique se recharge aux bornes publiques ou au domicile du conducteur. Mais comme le moindre détail peut faire la différence, elle récupère de l’énergie également lors de chaque ralentissement. Cette énergie est convertie en électricité, qui retourne à la batterie. Dans un véhicule classique, il existe évidemment deux manières de ralentir: lever le pied ou freiner. Mais pour optimiser la récupération d’énergie, la voiture électrique freine spontanément, plus ou moins nettement, dès que vous levez le pied de l’accélérateur. L’intensité de ce freinage est paramétrable. Lorsqu’elle est forte, le conducteur doit donc garder en tête l’idée qu’il lui faudra peut-être freiner nettement moins qu’il ne l’imagine spontanément. Voire pas du tout si le véhicule est équipé du système one pedal. Comme son nom l’indique, ce dispositif permet de rouler longuement avec une seule pédale (celle de gaz), c’est-à-dire sans appuyer sur le frein – puisque quand on lève le pied, la voiture freine suffisamment, allant éventuellement jusqu’à s’arrêter. Lorsque j’ai testé la Volvo XC40, j’ai parcouru 32 km sur autoroute et en ville, y compris au pas, sans freiner moi-même une seule fois.

Le freinage régénératif est à mon sens la plus grande nouveauté à laquelle il faut s’habituer lorsque l’on passe de la voiture traditionnelle à la voiture électrique. La sensation est tout à fait différente et requiert davantage d’anticipation. Au départ, le sentiment est bizarre, parfois même effrayant, mais on s’y habitue vite. Beaucoup d’utilisateurs chevronnés me disent que la conduite est plus agréable et plus calme.

5. Accélération

L’accélération est, elle aussi, un aspect avec lequel il faut se familiariser. Vous faites rugir le moteur de votre voiture conventionnelle en attendant que le feu passe au vert? Techniquement, le but est d’atteindre ce qu’on appelle le couple maximal, c’est-à-dire le moment où le moteur fournit sa puissance de traction optimale. Dans les voitures au diesel ou à essence, cette force est atteinte quand le moteur tourne entre 1.500 et 1.800 tours/minute. Lorsqu’il monte de zéro à 1.500 tours, le moteur délivre donc de plus en plus de puissance, d’une manière quasi exponentielle. Or, ce n’est pas du tout le cas du moteur électrique, dont le couple maximal est atteint d’emblée. Pour peu qu’on en écrase le champignon, la voiture démarre comme une fusée.

Je citerai à titre d’exemple la Ford Mustang Mach-e, qui passe de 0 à 100 km/h en 3,7 secondes. Il faut une Porsche (et son moteur à essence) pour faire aussi bien. Certes, l’accélération de la Porsche paraît plus impressionnante: c’est une question d’oreille. C’est en effet le bruit du moteur qui suggère cette force explosive. Surtout, le type d’accélération est différent. A mesure que la Porsche monte dans les tours et que le conducteur passe d’une vitesse à l’autre pour grimper davantage encore, l’accélération s’opère crescendo. On l’a dit, dans une voiture électrique, le moteur délivre toujours sa puissance maximum ; l’accélération est donc très linéaire et, par conséquent, beaucoup moins perceptible.

6. Conduite spontanément plus écologique

La crainte de ne pas arriver à destination n’a pas que des inconvénients. Je l’ai constaté le jour où je me suis surpris à conduire dans un tout autre état d’esprit. Pour moi, un des aspects les plus positifs de la voiture électrique est qu’elle oblige, consciemment ou pas, à réfléchir, dès les premiers mètres, à la question de l’autonomie. Pour pouvoir aller loin, il faut adapter sa conduite. En d’autres termes, rouler en voiture électrique revient à économiser autant que possible l’énergie disponible à bord et, partant, à ne pas polluer. A tel point que le fait d’avoir réussi à parcourir plus de kilomètres que ce qui était annoncé au démarrage est considéré comme une petite victoire. On anticipe beaucoup plus à l’approche d’un feu orange ou rouge par exemple, en laissant le véhicule décélérer naturellement au lieu de freiner. Idem quand s’annonce un virage ou un panneau de limitation de vitesse.

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