Financer le passage vers l’industrie digitale: un prêt 4.0 pour les entreprises de Charleroi

Anne Prignon (Sambrinvest) et Anthony Van Putte (MecaTech: "Avec ce partenariat, les entreprises disposent d'une solution clé en main pour enclencher leur transformation numérique." © FRÉDÉRIC SIERAKOWSKI (ISOPIX)
Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Le pôle de compétitivité MecaTech et Sambrinvest ont conclu un partenariat en vue d’accompagner et de financer la transformation numérique d’entreprises manufacturières de cette région.

Des belles aventures industrielles, Anthony Van Putte, le directeur général du pôle de compétitivité wallon MecaTech (génie mécanique), peut vous en raconter des dizaines: comment la tôlerie familiale Delhez (Verviers) a réussi à optimiser la découpe de ses tôles ; comment IsoHemp (Fernelmont) va complètement automatiser et décupler sa production de blocs isolants à base de chanvre (innovation labellisée par la Fondation Solar Impulse de Bertrand Piccard) ; comment Desami (Farciennes) a fait évoluer la production, pourtant a priori bien classique, des glissières de protection le long des routes, etc.

Dans le cadre du programme Factory 4.0, MecaTech fournit aux entreprises un accompagnement sur mesure aux PME wallonnes qui souhaitent s’engager sur de nouvelles voies digitales. En trois ans, une soixantaine d’entreprises y ont participé. “Dans notre secteur, tous les projets ont aujourd’hui une consonance numérique, concède Anthony Van Putte. Si vous développez une innovation dans les matériaux ou le traitement des surfaces, il y aura toujours des aspects numériques comme la collecte de données ou des capacités de simulation. Les outils numériques sont un facteur clé de l’amélioration de la compétitivité des entreprises.” Au fil de cette évolution, le pôle de compétitivité, au départ dédié à l’investissement dans la recherche et l’innovation, a élargi son spectre pour offrir aux entreprises un accompagnement spécifique vers le numérique.

Nous n’avons pas défini de volume précis pour ces prêts. En fonction des besoins, nous avons la possibilité de suivre jusqu’à 5 ou 10 millions d’euros.

Anne Prignon, directrice générale de Sambrinvest

“Dérisquer” le pari digital

L’accompagnement ne suffit cependant pas, le nerf de la guerre se situe bien entendu ailleurs. Et c’est ce qui a poussé MecaTech à se tourner vers un partenaire financier, en l’occurrence Sambrinvest. L’idée est toute simple: proposer un “prêt 4.0”, calibré pour mettre en oeuvre rapidement les actions déterminées durant l’accompagnement de “Factory 4.0”. “Le digital, c’est quand même un risque, tous les acteurs ne maîtrisent pas toujours toutes les nouvelles technologies, poursuit Anthony Van Putte. Défendre de tels projets devant un banquier, c’est souvent compliqué. Un partenaire comme Sambrinvest permet de suivre les projets avec la bienveillance nécessaire, avec un intérêt à long terme pour la construction d’écosystèmes.”

4.750 emplois : le portefeuille de Sambrinvest est fort de 271 entreprises, représentant un total de 4.750 emplois. L’encours des prêts et participations était de 163 millions d’euros au terme de l’exercice 2029-2020.

La construction d’écosystèmes, c’est même carrément la mission de Sambrinvest, structure certes soutenue par la Région wallonne mais dont 60% du capital est détenu par des entreprises privées. Le plan Catch, imaginé après la fermeture de Caterpillar, invitait à miser en priorité sur quatre secteurs d’activité: les sciences du vivant, les industries créatives, la logistique autour de l’aéroport et, donc, l’industrie manufacturière. “Le volet numérique doit contribuer à maintenir et développer les activités industrielles dans la région de Charleroi, affirme Anne Prignon, directrice générale de Sambrinvest. Nous avons, dans notre portefeuille, des entreprises traditionnelles qui ont besoin d’évoluer vers le monde digital. L’accompagnement de MecaTech devrait les y aider. Notre rôle, en tant qu’ invest, est de les attirer vers ces programmes car la transformation numérique de nos entreprises est essentielle pour le redéploiement de l’activité économique dans la région.”

Financer le passage vers l'industrie digitale: un prêt 4.0 pour les entreprises de Charleroi
© FRÉDÉRIC SIERAKOWSKI (ISOPIX)

La directrice est convaincue que le prêt 4.0 contribuera à “dérisquer” les investissements numériques et, de ce fait, incitera les entreprises à accélérer leur modernisation. “Avec le partenariat entre Sambrinvest et MecaTech, elles disposent à présent d’une solution clé en main pour enclencher leur transformation numérique”, résume Anne Prignon.

Les deux partenaires ont appris à se connaître, notamment au sein de A6K, le centre dédié à l’ingénierie récemment installé près de la gare de Charleroi. Les prêts 4.0 pourraient d’ailleurs servir à financer des investissements dans ce lieu, comme les démonstrateurs dont les entreprises ont besoin pour pouvoir présenter leurs innovations à des clients potentiels. On serait alors facilement dans des montants de plusieurs centaines de milliers d’euros. Mais le prêt pourrait aussi venir renforcer le fonds de roulement d’une entreprise qui doit former son personnel aux nouveaux métiers numériques ou doit recruter des profils spécifiques à cette fin. “Nous n’avons pas défini de volume précis pour ces prêts, nous analyserons selon les projets, précise Anne Prignon. En fonction des besoins, nous avons la possibilité de suivre jusqu’à 5 ou 10 millions d’euros.”

Le digital, c’est quand même un risque. Tous les acteurs ne maîtrisent pas toujours toutes les nouvelles technologies.”

Anthony Van Putte, directeur général de MecaTech

Un programme en 10 jours

Le programme Factory 4.0 se déroule sur 10 jours. Imaginer le virage numérique d’une entreprise, même très petite, dans un délai aussi court, est-ce bien sérieux? “C’est effectivement très court, convient Anthony Van Putte. Nous n’avons pas la prétention de vouloir révolutionner la stratégie de l’entreprise en 10 jours. Notre mission, c’est ici d’accompagner l’entreprise, de l’aider à bien identifier les opportunités et les obstacles. Quand un problème est bien posé, c’est souvent déjà le début des solutions. Nous amenons l’entreprise sur le début du chemin mais après, pour que ça devienne un succès, il faudra bien entendu des centaines de jours de travail dans l’entreprise.” Il ne s’agit pas d’un accompagnement standardisé mais réellement adapté au niveau de maturité numérique de l’entreprise, y compris pour des sociétés qui n’en sont encore qu’aux premiers balbutiements numériques. “Un chef d’entreprise ne se lève pas le matin en disant ‘chouette, je vais passer au 4.0’, sourit le patron du pôle MecaTech. Il réagit à des demandes de son marché qui veut qu’il soit plus rapide, qu’il se diversifie ou qu’il augmente la qualité de ses produits. Avec les outils numériques, nous allons essayer d’y répondre progressivement. Ce n’est pas juste 10 jours, c’est itératif. Nous faisons des boucles régulières dans les entreprises, nous construisons des relations de long terme, comme le fait Sambrinvest en tant que partenaire financier.”

MecaTech apporte du recul et de l’expérience, mais aussi une fine connaissance des prestataires de services susceptibles de prendre le relais, dans la région, pour concrétiser efficacement le plan d’action numérique d’une entreprise. Accompagner une société peut aussi ouvrir de nouveaux marchés à d’autres, on en revient à la notion d’écosystème, qui est l’une des raisons d’être tant du pôle de compétitivité que de l’ invest. Le prêt 4.0 complète désormais le tout en amenant aussi des solutions de financement.

Un exemple à dupliquer?

Le pôle de compétitivité MecaTech couvre la Wallonie, tandis que Sambrinvest a vocation à financer avant tout les entreprises du pays de Charleroi. Le partenariat entre les deux structures est-il donc appelé à s’étendre aux huit autres invests wallons, afin d’être accessible à toutes les entreprises, de Verviers à Mouscron? “MecaTech collabore déjà avec d’autres institutions, via d’autres mécanismes, dans toute la Wallonie, répond Anthony Van Putte. Ce projet s’inscrit dans la collaboration plus large que nous avons avec Sambrinvest, notamment au travers d’A6K. S’il faut construire un démonstrateur, il faut bien un lieu physique et celui-ci nous a semblé le plus approprié.”

“La collaboration dans A6K nous a effectivement placés en première ligne pour réaliser un tel partenariat, confirme Anne Prignon. Bien entendu si la question du financement d’une entreprise dépasse notre zone géographique, nous discuterons en bonne intelligence avec les invests des régions concernées. L’intention de Sambrinvest n’est évidemment pas de financer les projets de numérisation des entreprises sur l’ensemble de la Wallonie. Mais quand une entreprise décide d’aménager un démonstrateur chez A6K, il est logique que nous soyons en première ligne pour aider.”

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