” Nous ne manquerons jamais de tests sanguins “

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Les autorités ne veulent pas louper le virage des tests d’anticorps, données essentielles pour empêcher une nouvelle flambée du Covid-19. L’Agence du médicament assure être parée : les stocks sont suffisants et permettront de faire face, même en cas de testing intensif. De quoi faire oublier les couacs des tests précédents ?

Alors que la Belgique entre, lentement mais sûrement, dans le déconfinement, la question de l’accès à des tests fiables afin de pouvoir séparer les citoyens infectés des autres est encore plus essentielle. D’après Sciensano, moins de 5% des Belges ont été en contact avec le virus. Il est donc vital de pouvoir séparer résidents et professionnels des maisons de repos en fonction de leur statut sérologique, mais c’est aussi le cas dans toutes les activités qui redémarrent. Et ce le sera encore davantage lundi prochain, avec celle d’une partie des écoles. Après le feuilleton tragicomique des tests PCR (ceux qui se pratiquent avec un long coton-tige et qui détectent la présence du virus), allons-nous connaître un nouveau fiasco avec les tests sanguins aptes à détecter les anticorps ? La Première ministre a annoncé que 900.000 tests sérologiques seront disponibles en mai et jusqu’à 3 millions en juin. Chiche ?

Dans un monde qui roule sans pandémie, les producteurs de tests sont des gens connus, qui vendent via des intermédiaires connus à des labos connus.

Chiche. A l’Agence fédérale du médicament et au cabinet du ministre Philippe De Backer, on est formel : ” Nous ne manquerons jamais de tests sanguins “. Comment peuvent-ils le promettre ? Parce que des centaines de milliers de tests sont déjà là, sur notre territoire. Que la livraison de centaines de milliers d’autres est sécurisée. Et que surtout, les experts officiels ont séparé le bon grain de l’ivraie. Parce que des tests, chacun peut en trouver à acheter sur Internet, mais que, surtout chacun peut y vendre n’importe quoi. ” Il nous fallait être sûrs que les tests que se procureraient les labos et la plateforme fédérale soient fiables. Parce que l’argent de la sécu qui les rembourse ou l’argent privé ne peuvent être gaspillés. Piloter une crise sanitaire sur la base de tests qui ne sont pas sûrs, c’est prendre un risque trop important pour la santé publique “, explique Hugues Malonne, directeur général ” post-autorisation ” à l’Agence fédérale du médicament et des produits de santé. Au cabinet De Backer, on fait les comptes : ” EuroImmun, DiaSorin, Abbott livrent déjà les labos. Ortho-clinical et Roche le feront d’ici la mi-mai. D’autres suivront comme BioRad, Ylho, Novatek “.

Identifier les contrefaçons

Dans un monde qui roule sans pandémie, les producteurs de tests sont des gens connus qui vendent via des intermédiaires connus à des labos connus. Un système d’autocertification, encadré par des normes ISO, suffit à garantir la qualité de la filière. Mais quand la société vacille, des fraudeurs parviennent à s’immiscer, rédigeant de faux certificats, introduisant des contrefaçons. ” C’est pourquoi nous avons mis sur pied un système de recommandations, poursuit-il. Les producteurs nous envoient leurs tests et nous vérifions leur efficacité et leur sécurité avant que les labos achètent ce qui leur est nécessaire. Et l’Inami pourra rembourser ces tests-là en toute quiétude. ”

Pour tout simplifier, les tests sanguins se répartissent en trois catégories. Tous peuvent détecter trois types d’anticorps : les IgA et IgM, qui apparaissent de façon précoce lors de l’infection (après 7 à 12 jours), et les IgG (après 13 à 14 jours), qui sont davantage garants d’une immunité face à une possible réinfection. ” Nous avons traité les tests en priorisant ceux qui étaient aptes à délivrer très vite un très grand nombre de résultats. ”

Pour les tests dits ” CLIA “, les quatre plus gros opérateurs (DiaSorin, Abbott, Roche et Ortho-Clinical) ont donc été contactés. Les tests de performance sont soit terminés soit en cours. Trois d’entre eux ont signé un contrat avec le gouvernement. ” Mis à part pour le premier contrat signé, où un quota a été attribué pour la première livraison à chaque laboratoire qui possédait l’automate nécessaire à la réalisation du test, les autres livraisons se feront sur la base de commandes auprès des firmes concernées. Les autorités se réservent cependant la possibilité d’établir une clé de répartition des commandes si une pénurie se fait ressentir. ” La fiabilité avoisine les 90%, le coût est de 5 euros. ” C’est grâce au fait que les machines utilisées sont très largement automatisées “, explique Hugues Malonne.

Pour les tests dits ” Elisa “, il y a une multitude de producteurs et une capacité de production très large. Vu que les quantités présentées par les différents interlocuteurs dépassaient largement les besoins nationaux, même en cas de recours massif, d’une part et des quantités importantes de tests CLIA sécurisés d’autre part, il n’a plus été jugé judicieux de rédiger de nouveaux contrats.

Le liégeois ZenTech reste-t-il en rade ?

Enfin, pour les tests dits rapides, comparables dans leur aspect à un test de grossesse, 150 types de tests sont susceptibles d’être commercialisés. La plupart d’entre eux sont produits en dehors de l’Europe et empruntent des canaux de distribution difficilement contrôlables. Bref, il y a intérêt à vérifier leurs performances. ” Non seulement lors de leur entrée sur le marché, mais aussi tout au long de leur commercialisation “, explique Hugues Malonne, qui ajoute que, malgré tout, un premier test rapide a été acheté afin de constituer un stock stratégique. Ses performances ainsi que celles de certains de ses concurrents ont été évaluées et jugées satisfaisantes. ” Sciensano et l’Agence en publient donc la liste en toute transparence. ” Le coût avoisine les 10 euros et certains ont une fiabilité de 98%.

Testera-t-on tout le monde ? Non, de source bien informée, le test, à ce stade, sera réservé dès le 15 mai à départager des infos discordantes entre le test PCR et le scanner des poumons, ou entre le PCR et l’état général, sept jours après l’apparition des symptômes. Et maximum deux fois tous les six mois. Pas question de se faire tous rembourser par la sécurité sociale le fait de savoir ou pas si l’on est infecté.

Alors, 900.000 tests aujourd’hui et 3 millions en juin ? ” Nous savons déjà que cet objectif est rempli. Si cela devait un jour s’avérer nécessaire, nous pourrions tester chaque habitant de la Belgique. Mais ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui et préserver les capacités de testing sur le long terme fera aussi partie de la réussite de la lutte contre ce virus. ”

Si la plupart des fournisseurs de tests sont des multinationales, il y a pourtant un test 100% belge, de la société liégeoise ZenTech, validé par le CHU de Liège. Il doit être utilisé par un médecin mais fonctionne avec une seule goutte de sang. Le résultat est disponible en 10 minutes. Il revendique une fiabilité de 98,5 %, un niveau très élevé. Des résultats confirmés par une étude menée par le Laboratoire hospitalier universitaire de Bruxelles qui atteste que chez les patients positifs à la PCR, les anticorps de classe IgG sont détectables dans plus de 91% des cas, 14 jours après le début des symptômes, alors qu’on les trouve chez moins de 1% des sujets négatifs. Mais la commande officielle de 3 millions de tests sérologiques ZenTech fut figée durant deux semaines sur le bureau des ministres De Backer et De Block. Il y a en effet du tirage entre les deux cabinets, chaque succès remporté par le ministre De Backer se fichant comme une flèche dans le coeur de Maggie De Block, déchargée de ces matières… mais qui garde une main partielle sur les budgets. Finalement, le contrat est arrivé jeudi soir chez ZenTech. Reste à attendre le paiement pour pouvoir livrer. Entretemps, ZenTech, certain de vendre ses tests dans toute l’Europe, en produit 30.000 par jour et devrait grimper à 1,8 million de tests par mois. Coût à la pièce : une dizaine d’euros.

Hugues Malonne (Agence fédérale du médicament)
Hugues Malonne (Agence fédérale du médicament) ” Si cela devait un jour s’avérer nécessaire, nous pourrions tester chaque habitant de la Belgique. “© BELGAIMAGE

” Disposer de tests fiables est vital dans une telle crise sanitaire ”

Hugues Malonne est directeur général ” post-autorisation ” à l’Agence fédérale du médicament et des produits de santé.

TRENDS-TENDANCES. La Belgique s’est un peu ridiculisée dans l’affaire des tests PCR. Un nombre réduit de tests, des chiffres discordants entre le cabinet De Backer et Sciensano, le coup de gueule des labos de biologie médicale qui s’estiment injustement écartés et méprisés…

HUGUES MALONNE. C’est une vision des choses. Je maintiens que les labos n’avaient pas la capacité suffisante quand nous les avons sollicités et que monter la plateforme fédérale a été et reste utile pour assurer des tests PCR en suffisance. Pour les tests plasmatiques, la situation est différente: les labos ont la capacité suffisante. A deux situations différentes, deux décisions différentes. Pour le reste, il s’agit d’imprécisions dues à différents modes de comptage. C’est dissipé. Et nous proposons des niveaux de tests potentiels égaux, voire supérieurs à l’Allemagne que l’on donne en exemple.

Pour les tests plasmatiques, l’Agence est de nouveau accusée de ” prise en main dictatoriale “…

C’est totalement faux. Grâce à la rapidité de notre action, la Belgique a été dans la première ligne auprès des grands producteurs européens de tests. La Belgique a reçu le premier lot fabriqué par une des entreprises alors qu’une concurrence féroce entre filiales voit le jour. Il était dès lors indispensable d’identifier clairement les clients existants lors des premiers envois. Voilà le pourquoi de cette première livraison ” forcée “. Certains, prompts à diviser, se sont empressés de crier à la dictature alors que ces premières livraisons pouvaient être retournées au producteur si le laboratoire n’en trouvait pas d’utilité. Ils n’en ont, curieusement, rien fait. Ils auraient fort probablement crié à l’immobilisme de l’Etat si ces initiatives n’avaient pas été prises. Il faut bien comprendre qu’il y a, d’un côté, une firme, n’importe où sur la planète, qui produit des tests et des labos, ici, qui les utilisent. Le rôle de l’Agence est d’être sûr que les tests qu’achètent les labos soient de grandes qualité et sécurité. Il s’agit de la santé de tous.

Pour éviter les contrefaçons, pourquoi ne pas inspecter directement les chaînes de fabrication ?

Ces types de tests, corrects comme falsifiés, s’élaborent tout autour de la planète. Il est impensable d’y envoyer quelqu’un en permanence car il pourrait être trompé, la qualité variant avec le temps. Ce que nous faisons, c’est vérifier la qualité d’une filière dans la continuité sur la base du produit qui est effectivement délivré.

Carlo Rosa, CEO de DiaSorin
Carlo Rosa, CEO de DiaSorin ” La qualité de notre test a été reconnue à la fois par le marquage CE et par l’approbation reçue par la Food and Drug Administration. “© PG

” Le gouvernement belge nous a sollicités très rapidement ”

Le docteur Carlo Rosa est le CEO de DiaSorin, basé à Saluggia (entre Turin et Milan en Italie). La société est spécialisée dans les tests innovants de nouvelles maladies. Chaque année, elle met sur le marché 10 nouveaux tests de diagnostic. Pour cela, elle a choisi d’engager plus de 200 chercheurs de pointe sur les 2.000 membres de son personnel. En 2019, elle a généré 706 millions d’euros de chiffre d’affaires.

TRENDS-TENDANCES. Est-il vrai que si le gouvernement belge (le ministre Philippe De Backer et l’Agence du médicament) ne vous avait pas contacté très rapidement, il n’aurait pas obtenu autant de stocks de tests sérologiques de la part de Diasorin ?

CARLO ROSA. Le gouvernement belge est intervenu très rapidement, garantissant à sa population une réponse efficace à la crise. La pandémie a immédiatement connu une forte urgence et, dans ces situations, il est très important d’agir rapidement, tout comme la Belgique, en utilisant des tests de diagnostic capables d’apporter des réponses fiables et de qualité. Notre test a été conçu pour répondre à la nécessité d’identifier les personnes de la population qui ont déjà été infectées par le virus, mais qui n’ont pas été identifiés par des tests moléculaires sur écouvillon. En fait, nous nous sommes posé la question de fournir un test sérologique qui permettrait de mener des investigations épidémiologiques pour établir le pourcentage de la population exposée au virus. La qualité de notre test a été reconnue à la fois par le marquage CE et par l’approbation reçue par la Food and Drug Administration américaine pour une utilisation en cas d’urgence, appelée Emergency Use Authorization et gage de haute qualité.

Est-il vrai que seuls les gouvernements qui ont rapidement passé une commande ont pu garantir une livraison rapide, simultanément aux lots délivrés pour la demande nationale italienne ?

Nous sommes une entreprise multinationale, présente dans plus de 26 pays et nous développons, fabriquons et commercialisons nos kits de réactifs dans le monde entier. Nous avons cinq centres de recherche et développement et nous investissons constamment dans la recherche et l’innovation pour garantir des produits de la plus haute qualité. Nous produisons également dans cinq sites industriels dans le monde, dont les trois plus importants se situent en Europe. Nous sommes définis comme une entreprise multinationale avec une tête et un coeur européens, mais capable d’opérer dans le monde entier. Notre ADN nous pousse donc à travailler pour garantir le plus grand nombre de tests possibles à tous les pays et à tous les clients que nous servons déjà avec nos appareils de type ” analyseurs LiaisonXL ” installés dans le monde (plus de 5.000), travaillant également pour satisfaire les demandes futures. Notre présence importante dans les principaux hôpitaux et laboratoires commerciaux belges nous a certainement permis de mieux planifier la production destinée aux besoins définis par le gouvernement belge.

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