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La croyance ne fait pas la monnaie

La rareté du bitcoin qui est à la base de ses ambitions est paradoxalement sa principale faiblesse comme monnaie.

A chaque envolée du prix du bitcoin, les mêmes interrogations et réflexions reviennent. La forte hausse du prix des cryptomonnaies est-elle le signe d’une bulle financière ou, au contraire, du fait qu’elles acquièrent la confiance et l’intérêt qu’elles méritent?

Franchement, il n’est pas facile de comprendre l’engouement pour le bitcoin et les cryptomonnaies en général. Imaginons d’abord que cette frénésie soit fondée sur l’idée qu’il s’agit effectivement des monnaies du futur. L’offre techniquement limitée de bitcoin alors que sa demande se renforcerait au gré de son utilisation ne peut qu’en faire grimper son prix. Le raisonnement a du sens mais est loin de prendre en compte tous les paramètres de l’équation…

Tout d’abord, rien ne dit qu’une quelconque cryptomonnaie actuellement en circulation arrivera à s’imposer comme une vraie monnaie acceptée partout. D’autres initiatives inspirant plus rapidement la confiance du public devraient écarter cette ambition. Je pense ici notamment aux monnaies électroniques émises par les banques centrales. L’utilisation du bitcoin resterait alors confidentielle et sa demande à des fins de transactions, in fine, limitée.

Par ailleurs, la rareté du bitcoin qui est à la base de ses ambitions est paradoxalement sa principale faiblesse comme monnaie. En effet, si une monnaie prend beaucoup de valeur en raison de sa rareté, elle ne peut conserver son statut de monnaie. Les travaux de l’économiste belge Robert Triffin à la fin des années 1950 sont à ce titre éclairants. Triffin considérait en effet que le système de Bretton Woods en vigueur à l’époque serait amené à imploser (et il a eu raison) car il était bancal: tout le système reposait sur le dollar dont le taux de conversion en or était garanti à 50 USD/once (!) par la Réserve fédérale américaine. Le but était de renforcer la confiance dans la devise utilisée au niveau international en garantissant un lien fort avec l’or. Or, les échanges mondiaux augmentaient rapidement, nécessitant une forte augmentation de la quantité de dollars disponible, sans compter que le dollar était de plus en plus utilisé comme réserve. Mais la quantité d’or produite ne permettait pas de suivre le rythme effréné de la croissance économique mondiale et des besoins en dollar qu’elle suscitait. Il était donc clair que le lien entre le dollar et l’or ne pourrait être maintenu et a effectivement été brisé en 1971. La trop grande rareté de l’or, qui fondait sa notoriété, lui enlevait paradoxalement sa capacité à être une monnaie, ou même à garantir la valeur d’une autre devise.

La rareté du bitcoin qui est à la base de ses ambitions est paradoxalement sa principale faiblesse comme monnaie.

C’est précisément le problème du bitcoin, dont la valeur ou la confiance reposent sur sa rareté. S’il était davantage utilisé pour des échanges, sa valeur se renforcerait mais ce renforcement inciterait à ne pas l’utiliser à des fins de transactions, mais plutôt à le thésauriser. C’est sans issue…

Privé de ses attributs de monnaie, il reste au bitcoin de tenter de s’imposer comme actif. Cela dépasse un peu l’entendement, vu qu’il ne repose sur pas grand-chose. Mais soit: le prix des actifs peut avoir différentes origines, parfois très peu rationnelles. Il en va ainsi des diamants ou même de certaines entreprises technologiques. Alors pourquoi pas simplement, dans le cas du bitcoin, la croyance qu’un jour, pour une raison qu’on ignore, il aura de la valeur…

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