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GSK et les “licenciements boursiers”
Une entreprise qui dégage plusieurs centaines de millions d’euros de bénéfices peut-elle procéder à un licenciement collectif ? La question a tourné dans les états-majors politiques depuis l’annonce du plan de restructuration chez GSK, qui devrait laisser 935 personnes sur le carreau. La situation est évidemment dramatique pour les familles concernées. Mais faut-il pour autant parler de scandale, de détournements de moyens publics (GSK, comme d’autres, bénéficie de copieuses aides à la recherche) et brandir la menace d’interdiction de ces ” licenciements boursiers ” ?
Cette société pharmaceutique grandit depuis 30 ans en Wallonie et même après la restructuration, elle y sera toujours le premier employeur privé. Ce développement mérite de la reconnaissance bien plus que des discours préélectoraux enflammés. D’autant que le groupe annonce en parallèle son intention d’investir 500 millions d’euros en trois ans dans ses installations en Belgique, après y avoir déjà investi plusieurs milliards ces dernières années. La réduction d’effectifs n’est pas, comme on a pu l’entendre au Parlement, la résultante d’une vision à très court terme d’actionnaires obnubilés par leurs dividendes mais au contraire l’un des éléments essentiels d’une stratégie à long terme, visant à consolider les sites belges du groupe et, oui, les profits futurs de GSK. La meilleure garantie de pérennité d’une entreprise, c’est en effet sa rentabilité.
L’entreprise ne pouvait grandir indéfiniment, elle devait adapter ses coûts aux réalités du marché et à l’intégration de la division ” vaccins ” de Novartis (reprise en 2015). C’est ce qu’a décidé, peut-être un peu tardivement selon certains analystes, la direction de GSK. Il faut parfois pouvoir prendre des décisions difficiles quand tout semble aller bien, afin de pérenniser son modèle. Un sens de l’anticipation dont le monde politique ferait bien de s’inspirer, lui qui s’est avéré incapable de préparer sérieusement la sortie du nucléaire ou les impacts budgétaires du vieillissement de la population, deux défis pourtant connus de longues années à l’avance. A la limite, c’est si GSK avait continué à faire croître ses effectifs sans sourciller, qu’il aurait fallu s’inquiéter de l’avenir de ses usines wallonnes.
Cet avenir, parlons-en. Dans un entretien à L’Echo, l’ancien patron de GSK, Jean Stéphenne, lie cet avenir au maintien d’importantes capacités de recherche. ” Si vous n’avez pas de pipeline pour le futur, vous aurez des problèmes “, dit-il. C’est vrai pour GSK comme pour tout l’écosystème de biotechs qui s’est développé ces dernières années. La réponse du gouvernement wallon à l’importante restructuration ne doit dès lors pas se limiter à la gestion la plus serrée des plans sociaux. La réponse politique doit aussi regarder vers l’avant, vers les dispositions susceptibles de muscler l’innovation de nos entreprises. La recherche bénéficie d’importants moyens publics et certaines voix s’élèvent déjà pour lier les aides publiques au maintien voire à la croissance de l’emploi. Evidemment, il faut veiller à l’utilisation adéquate des deniers publics. Mais plus on ajoutera d’obstacles et de conditions au financement de la recherche, plus les entreprises seront tentées d’aller développer ailleurs leurs nouveaux produits.
Il y a tout juste un an, le Pôle politique scientifique – un organisme qui regroupe les partenaires sociaux, les universités, hautes écoles et centres de recherche et les organisations environnementales – lançait un appel à un meilleur financement public de la recherche et en faisait même ” un enjeu de la législature “. L’apport de moyens devait être, selon le pôle, assorti d’une meilleure évaluation des programmes, d’un encadrement spécifique pour les PME et d’une attention plus soutenue envers la valorisation de la recherche. A l’époque, cet appel n’avait pas reçu beaucoup d’écho. Il est plus que jamais d’actualité…
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