Vendre à travers l’écran: maîtriser sa “visio”, un enjeu important
Utiliser la vidéo pour se téléporter chez les clients et prospects devient monnaie courante chez les commerciaux. Pourtant, nombre de sociétés ont oublié de former leurs forces de vente aux bonnes pratiques de ce canal. Voici quelques règles basiques, trop souvent négligées.
Tous les internautes se souviennent de l’intervention en direct de ce spécialiste en géopolitique. Alors qu’il est interrogé par une télévision anglo-saxonne, sa petite fille débarque dans son dos, suivie par sa maman qui se précipite pour la rattraper. La séquence a fait le tour de la toile et amusé la terre entière. C’est que la scène est probablement familière pour l’ensemble des télétravailleurs bloqués chez eux depuis plus d’un an par la situation sanitaire.
Dans la plupart des cas, si elle se déroule dans le cadre de réunions entre collègues, ce genre d’intrusion sympathique ne pose pas de souci. Elle peut par contre se révéler nettement plus délicate quand elle intervient chez des vendeurs en pleine visioconférence avec de futurs clients. “En situation de vente, il faut se montrer professionnel en tout moment, insiste Philippe Szombat, CEO de la firme spécialisée en formation de vente Brightbiz et spécialiste en techniques commerciales. Il convient donc d’éviter toutes les nuisances sonores ou visuelles car tout ce qui est anormal peut être perçu par le (futur) client comme suspect.”
A travers un écran, les vendeurs doivent encore mieux maîtriser les techniques de vente, disposer d’encore plus d’assurance et d’un mental encore plus accroché.
Selon l’expression populaire, on n’a qu’une seule chance de faire une bonne première impression. Et cela conditionne la suite de la relation, commerciale notamment. Dans les conférences qu’il donne, et notamment lors d’un récent webinaire pour le Cercle de Wallonie, Philippe Boulanger, conférencier et spécialiste de l’innovation, explique d’ailleurs ce phénomène par l’effet de halo. Il donne comme exemple les constatations de ce psychologue de l’armée américaine qui a mis en lumière que ceux qui progressaient le plus dans leur hiérarchie étaient généralement des personnes plus grandes que la moyenne. “Ce psychologue a bâti une théorie, vérifiée par la suite par différentes études, selon laquelle la première impression ‘contamine’ l’ensemble de ses compétences. On a effectivement tendance à penser d’une personne qui présente bien qu’elle est compétente dans son domaine. C’est comme cela que fonctionne notre cerveau.” Voilà pourquoi tous les spécialistes de la vente insistent pour que les commerciaux apportent un soin tout particulier à leur apparence (éviter les tee-shirts et les tenues débraillées) mais aussi au son et à l’image de leur vidéo (lire l’encadré ci-dessous).
Les bases d’une bonne vidéo pour un vendeur
· Un son parfait. Une attention toute particulière doit y être consacrée. “Si l’image peut ne pas être parfaite, le son doit impérativement l’être, prévient Philippe Boulanger. Il faut éviter qu’il soit mauvais au point que le client doive tendre l’oreille.” Bien sûr, pour éviter le son un peu basique du PC ou du téléphone, on optera pour un micro. Pas mal de possibilités existent (cravate, micro “Madonna”, micro sur table) à tester selon vos configurations (au bureau, en déplacement, en voyage, etc.).
· Une lumière de qualité. “Pour que l’image soit bonne, la lumière est absolument critique, enchaîne le conférencier spécialisé. Avec une lumière bien gérée, vous aurez une image correcte.” Dans les erreurs classiques: le contre-jour qui empêche votre interlocuteur de vous voir, la surexposition (trop de lumière) ou l’éclairage sur le côté qui éclaircit trop une partie du visage et assombrit l’autre… Pour remédier à ces problèmes, il existe différentes lumières artificielles qualitatives (et peu onéreuses) qui permettent de gérer correctement l’éclairage.
· Un arrière-plan adapté. Une vue sur votre cuisine, par exemple, ne renvoie pas une image très professionnelle. Mieux vaut incruster une photo d’arrière-plan (prise par vous-même ou proposée par le logiciel). “Il faut la choisir en adéquation avec votre activité et avec le message que vous voulez faire passer”, précise Philippe Boulanger.
Plus compétent, plus audacieux
Ce n’est pas tout. La vente par écran interposé implique aussi certaines barrières. “C’est comportemental, constate Jean-Louis Van Houwe, CEO de Monizze, mais le distanciel place une barrière inévitable pour certains profils de personnes.” Certains n’aiment pas ou sont simplement moins à l’aise à l’écran, vont moins se mettre en avant ou ne pas oser prendre la parole alors qu’ils n’ont pas ce problème en réunion présentielle. L’écran place de facto une certaine distance entre les protagonistes. Voilà pourquoi Philippe Szombat insiste: “Les vendeurs doivent se montrer plus audacieux encore et disposer de compétences plus fortes pour vendre à travers un écran. Ils doivent encore mieux maîtriser les techniques de vente, disposer d’encore plus d’assurance et d’un mental encore plus accroché”.
Selon l’expert, les erreurs seraient mieux acceptées lors d’une rencontre physique que lors d’une vidéoconférence durant laquelle les vendeurs disposent de généralement de moins de temps. “Il faut être encore mieux préparé, enchaîne le responsable de Brightbiz. Savoir exactement quoi dire et comment le dire, peaufiner son pitch, avancer des idées et faire des remarques plus intéressantes qu’en réel.” Dans ce cas, la vidéo offre un avantage certain: “Il est tout à fait possible d’afficher des notes sur l’écran du PC ou en face de soi avec des éléments importants sans que le client ne le voie” , fait remarquer Laurent De Smet, coach spécialisé dans la vente.
“Ice-breakers” de rigueur
Si dans la “vraie vie”, la structure d’un rendez-vous commercial est importante, elle l’est donc d’autant plus en virtuel, une situation qui reste moins naturelle pour pas mal de monde. “Il est fondamental d’avoir de bons ice-breakers (astuces’brise-glace’, Ndlr) pour détendre l’atmosphère, de demander le temps dont on dispose et de bien expliquer le but de la réunion et ce qui va s’y dérouler, détaille Philippe Szombat. Sans oublier, en fin de réunion, de préciser les prochaines actions et de fixer des dates.” Des “basiques” lors d’un entretien commercial, qui se révèlent d’autant plus importants lorsque l’on traite derrière un écran.
Par ailleurs, la vidéo autorise certaines astuces pour impressionner les clients et prospects plus facilement que dans la réalité. “Imaginez que vous êtes en pleine réunion avec votre client et que votre patron prend quelques instants pour venir le saluer en passant, glisse Laurent De Smet. Par vidéo, c’est très simple à mettre en place. Et cela permet de valoriser votre interlocuteur en le surprenant de manière positive.” Autre astuce: partager un écran avec une présentation, ou mieux, la faire apparaître électroniquement derrière soi afin de pouvoir garder un contact visuel.
Bref, quelques règles de base qu’il convient de garder à l’esprit pour faire de la vente par écran interposé une force plutôt qu’une faiblesse. Vos commerciaux représentent votre marque et votre entreprise. Autant éviter qu’ils détruisent votre crédibilité…
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