Télétravail: l’employeur peut-il utiliser des logiciels espions?
Contrôler l’activité des travailleurs a de tout temps été une gageure pour les employeurs, qui pour s’assurer de leur productivité, qui pour éviter les vols et autres comportements délictueux.
Sur le lieu de travail, le contrôle reste relativement facile. En télétravail, par contre, une surveillance de la productivité de l’employé est plus compliquée. Des méthodes pratiques ou de monitoring soft existent: appeler régulièrement ou en dernière minute, vérifier les délais de réponse aux e-mails, demander de rester joignable par Teams, téléphone ou autre, etc.
Mais le contrôle le plus efficace est d’ordre informatique, avec un large choix de logiciels permettant une surveillance pointue de l’activité des télétravailleurs: Hubstaff, Activtrak, Time Doctor, Flexyspy, Slack, CleverControl, etc. Même Microsoft s’y est mis avec sa suite Office 365 et son score de productivité. Selon une étude de 2021, 45% des télétravailleurs français ont été surveillés via de tels logiciels.
Clics de souris enregistrés
Hubstaff, par exemple, permet de prendre des captures d’écran toutes les cinq minutes et de traquer les données GPS des téléphones. Time Doctor peut surveiller le temps passé sur chaque tâche, les sites internet visités, les heures de connexion, etc. Teramind observe le comportement en ligne (messageries, suivi des documents et des fichiers partagés, etc.) et bloque l’accès aux sites des réseaux sociaux, au matériel non autorisé et à d’autres contenus potentiellement malveillants. Comme ce dernier, plusieurs logiciels sont même dotés d’une fonction d’espionnage pour enregistrer les frappes sur le clavier et les clics sur la souris (le keylogger).
Secret des télécommunications
En Belgique, le recours à ces logiciels est encadré par le secret des télécommunications et par le fameux RGPD de 2018. Il faut aussi respecter les obligations de la CCT 81 en termes d’information collective, de finalité et d’individualisation du contrôle et de la CCT 38 sur l’introduction de nouvelles technologies. Le secret des télécommunications (art. 314 bis du code pénal et 123 de la loi du 13 juin 2005) interdit de prendre connaissance d’une télécommunication à laquelle on n’est pas partie sans le consentement de toutes les parties. Et la notion de télécommunication est entendue largement et couvre les mails, l’utilisation d’un navigateur internet, les outils de chat internes ou externes, etc. La loi prévoit quelques exceptions, notamment pour vérifier le bon fonctionnement du réseau, assurer des contrôles de qualité dans des centres d’appel ou prouver des transactions commerciales.
Le RGPD, lui, impose des obligations de finalité, de proportionnalité et de transparence qui interdisent d’assurer des contrôles permanents ou invasifs. Si l’Autorité de protection des données (APD) n’a pas encore émis d’avis sur les dispositifs de surveillance, son homologue française, la CNIL, a critiqué certaines fonctionnalités et considère le keylogger, les outils d’enregistrement permanents ou systématiques et les captures d’écran comme illicites, sauf cas exceptionnels.
Un article de Christophe Delmarcelle (Cabinet DEL-Law) qui, la semaine prochaine, abordera l’autre question: le télétravailleur a-t-il le droit d’utiliser des logiciels contre-espions?
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