Quid du contrat de travail électronique?

La signature électronique est très encadrée. Rappel des points importants à surveiller. Attention, sujet complexe en Belgique où rien n’est jamais simple…

L’article 3bis inséré en 2007 dans la loi du 3 juillet 1978 prévoit que les contrats de travail peuvent être conclus électroniquement au lieu d’une signature manuscrite si les parties sont d’accord et des exigences très strictes sont remplies:

  1. Le contrat doit être signé avec une la carte d’identité eID belge, ou via une “autre” signature électronique avec les “mêmes garanties de sécurité”.
  2. Employeur et employé gardent un enregistrement électronique du contrat.
  3. Une copie du contrat est gardée par un “service d’archivage électronique” belge certifié eIDAS (loi du 21 juillet 2016). Gratuitement pour le salarié et pendant cinq ans après la fin du contrat.
  4. L’identité du service d’archivage et la procédure pour accéder aux documents (pendant et après l’emploi) sont repris dans le règlement de travail.

Des arrêtés pas encore en vigueur

L’article 3bis pose donc problème à la fois pour la signature et l’archivage. Pour la signature, les conditions de la signature “répondant aux mêmes garanties” que l’eID doivent être fixées par un arrêté royal qui n’est pas encore promulgué, ce qui réduit les possibilités de signer électroniquement un contrat autrement qu’avec l’eID.

Certes, une loi du 18 janvier 2018 implémentant le règlement EU 910/2014 (dit “eiDAS”) modifie l’article 3bis de sorte que la signature manuscrite peut être remplacée par une signature électronique dite “qualifiée” au sens du règlement ou une autre signature électronique garantissant l’identité des parties, le consentement sur le contenu et l’intégrité du contrat. Mais cette version modifiée, bien plus flexible sur les conditions de la signature n’est pas encore en vigueur… Un particulier pourrait cependant invoquer l'”effet direct” du règlement eIDAS sans attendre le nouvel article 3bis.

Et l’archivage?

Pour l’archivage, il n’y a pas de fournisseur remplissant les conditions légales. Il est donc impossible d’archiver des contrats électroniques. En l’absence de sanction expresse, on pourrait défendre que le contrat de travail électronique est néanmoins valable. Vu ces incertitudes, une solution est d’utiliser une version numérisée du contrat de travail signée par les deux parties (par exemple en insérant une signature dans Word ou en signant chacun de son côté la copie) ou signée via une application comme Docusign ou de préférence l’un des fournisseurs eIDAS reconnus. On aura alors un document valant comme preuve ou début de preuve du contrat et de ses obligations. Sans oublier que l’article 1322 du code civil pourrait justifier la validité d’un tel contrat, ce qui va d’ailleurs dans le sens du règlement eiDAS qui prévoit qu’une signature électronique ne devrait pas être écartée d’office si elle ne remplit pas toutes les conditions fixées. Cela dit, pour un CDD (ou un travail défini) ou un contrat de travail à temps partiel, pour lesquels la loi exige un contrat écrit signé avant ou au plus tard au moment de l’entrée en service, le plus sûr reste un écrit avec une signature manuscrite. Idem pour un contrat d’interim, une convention de mise à disposition de personnel ou pour des lettres très formelles comme un licenciement pour motif grave. A nouveau, la Belgique échoue à appliquer la législation européenne et à offrir des solutions fiables. Ces failles législatives créent une insécurité juridique dont on se passerait bien en plein Covid.

Un article de Christophe Delmarcelle, Cabinet DEL-Law Juge suppléant au tribunal du travail

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