Le salarié peut-il utiliser des logiciels-contre espions?

© getty images

Face à la multiplication des logiciels de contrôle des télétravailleurs, ceux-ci ont développé des stratégies diverses et inventives pour y échapper.

Les employeurs disposent de moyens de contrôle pour surveiller la productivité de leurs télétravailleurs. Mais parmi ceux-ci, certains ne sont pas demeurés en reste. Passons sur ceux qui simulent une connexion ou déconnexion, en restant immobiles pendant un appel ou en utilisant un enregistrement audio par exemple, d’autres font usage de contre-logiciels de surveillance, comme le programme Presence Scheduler qui assure le maintien d’une présence sur Slack, un logiciel espion.

Contre les trackers d’écran, le double fenêtrage est utilisé pour tromper la surveillance, le logiciel se concentrant sur une seule des fenêtres et ignorant l’autre. Contre les logiciels de surveillance de l’activité de la souris, divers moyens sont utilisés pour la maintenir en mouvement, que ce soit mécaniquement ou en la plaçant dans un verre afin de tromper son laser.

Licencié pour manque de clics

Mais s’opposer directement ou indirectement au contrôle de l’employeur n’est pas sans risque. D’une part, l’employé risque de violer des dispositions internes sur le respect de la policy de télétravail ou de l’usage informatique, notamment en installant un logiciel sans autorisation, risquant même de se rendre coupable de délit informatique (hacking, etc). D’autre part, en trichant sur son temps de travail et en dissimulant ses activités, il commet une faute qui est a priori grave et pourrait justifier un licenciement ou une résolution judiciaire (certainement en cas de répétition, le télétravail impliquant une confiance renforcée, donc une responsabilité plus importante).

Ainsi, un employé belge d’une compagnie d’assurance a été licencié après que des suspicions de tricherie sur sa présence en ligne se sont révélées exactes ; le contrôle des “clics” de sa souris via un logiciel espion keylogger révéla que sur toute la journée, aucun clic n’avait été enregistré alors que l’employé était toujours apparu en ligne…

Preuve illicite?

Ceci dit, comme indiqué dans notre article du 23 juin, l’usage par l’employeur de logiciels de contrôle est encadré en Belgique et il ne sera pas facile pour l’employeur de respecter toutes les conditions d’un tel contrôle. A défaut, l’employeur qui contrôle prend le risque de sanctions pénales ou administratives.

Cependant dans l’état actuel de la jurisprudence (arrêts Cholatier Manon et Antigone), l’illégalité des preuves obtenues n’implique pas obligatoirement de ne pas pouvoir les produire en justice et l’employeur pourrait tenter de soumettre une preuve obtenue illicitement (dans la mesure où les exceptions légales ne pourraient pas être invoquées) au tribunal avec une chance raisonnable de voir celle-ci retenue. Certainement si l’employé aura été au préalable bien informé de la possibilité d’un contrôle (principe des attentes légitimes). Par ailleurs, il n’y a plus d’effet “domino”, c’est-à-dire que les aveux ou d’autres preuves obtenues grâce à une preuve illicite ne seront pas automatiquement écartés des débats.

Christophe Delmarcelle, Cabinet DEL-Law Juge suppléant au tribunal du travail

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content